Pour ceux qui ne s’y retrouvent pas toujours dans l’affaire Assange…
Je peux comprendre qu’un certain nombre d’entre vous n’apprécie pas Julian Assange, le trouve antipathique, critique ou s’interroge sur la façon de faire de Wikileaks ou sur les actes de Julian Assange. Mais en tout cas, toute opinion qu’on se forme à ce sujet ne peut s’appuyer sur des racontars, des rumeurs, des contrevérités, ou des erreurs et approximations, malheureusement encore trop souvent relayées par de nombreux médias. Le texte sous ce lien les énumère de façon assez complète en donnant à chaque fois les moyens de la vérification.
La situation de JA aujourd’hui est trop grave, ainsi que les menaces qu’elle entraîne pour tous les lanceurs d’alerte dans le monde, pour se permettre d’encore laisser persister erreurs, contrevérités, etc.
Pour ma part, ayant suivi ce dossier pour le journal parlé de la RTBF jusqu’à ma retraite début 2014 – ce qui a inclus notamment une rencontre avec lui et une longue interview à l’ambassade d’Equateur à Londres en décembre 2012 ( https://www.rtbf.be/info/medias/detail_julian-assange-une-guerre-globale-contre-wikileaks?id=7892179- ) , ayant continué à le suivre depuis, je me bornerai à ce que me semble être quelques « clichés » erronés les plus répandus et qui continuent à l’être.
– JA n’était pas inculpé de viol ou d’agression sexuelle en Suède. La police suédoise, avec de nombreuses errances contradictoires, a transformé les déclarations de deux femmes, qui ne portaient en fait pas de telles accusations, en soupçons présumés contre JA. JA a répondu en Suède à des interrogatoires à ce sujet, dans la cadre d’une enquête préliminaire destinée à voir s’il y avait lieu de poursuivre, avant de quitter librement le pays. Toutes les dépositions de JA sont librement consultables depuis longtemps sur le net, toutes les pièces de ce dossier ont été rassemblées dans un livre. Pour ceux qui ont le courage de lire ces documents, on en sort édifié quant à la « reconstruction » de ces imputations et soupçons. Un documentaire australien, dont le script entier peut –être lu, est disponible aussi ( https://www.abc.net.au/4corners/sex-lies-and-julian-assange/4156420 ) Ensuite le parquet suédois a relancé le souhait de l’entendre à nouveau, en lançant un mandat d’amener européen contre lui. JA a toujours accepté d’être entendu à nouveau à Londres, ce que la justice suédoise, mais aussi la justice britannique a refusé et/ou entravé. JA ne voulait pas retourner en Suède car à ce moment, des informations existaient déjà sur un processus judiciaire (encore secret) enclenché aux USA contre lui, ce qui pouvait conduire à son extradition vers les USA par la Suède. La suite démontre qu’il avait bel et bien raison.
L’affaire a ensuite été classée, mais de toute façon elle n’était vraisemblablement qu’une forme d’écran de fumée par rapport à l’enjeu principal, l’extradition. Mais qu’on cesse de parler d’inculpation ou d’accusation de viol.
– Julian Assange, Wikileaks, et leurs équipes, ne sont pas des pirates informatiques, des hackers, qui volent des données et informations en pénétrant par effraction sur des sites privés. Wikileaks est une entreprise de presse, une sorte de « grossiste » de l’information, c’est-à-dire qu’elle diffuse des informations que lui confient d’autres, des lanceurs d’alerte souvent internes à des administrations, des entreprises, des banques, des services de renseignement, etc… des informations que ceux-ci veulent à tout prix garder secrètes mais que les sources de Wikleaks (WL) et WL lui-même estiment important de porter à la connaissance du public. WL ne peut se permettre le moindre délit à cet égard, sinon tout son édifice est menacé. WL simplement protège totalement ses sources.
– JA et WL roulent-ils pour tel ou tel acteur, pays, puissance… ? Chacun jugera bien sûr, car il y a évidemment des sources qui ne donnent pas par hasard à un moment donné des informations à WL. Mais cela se fait tout le temps à l’égard de tout media.
Sous ce lien, une interview intéressante à cet égard, de JA par le journal La Repubblica : https://plus.lesoir.be/148387/article/2018-03-29/julian-assange-je-veux-temoigner-sur-cambridge-analytica-mais-des-pressions
Je m’arrêterai là pour ces trois préjugés principaux.
Pour ce qui est de la situation actuelle, en résumé
– Depuis longtemps, ceux qui suivent de près le dossier savent que les Etats-Unis préparaient l’extradition de JA et attendaient le bon moment pour le faire. Il n’y a aucune naïveté à avoir à cet égard. JA et WL constituent un danger trop grand pour le “complexe au pouvoir” aux USA. Ils ne cesseront jamais de tenter de le capturer. Sous ce lien, un edito intéressant sorti hier dans “USA today”:
– L’inculper d’espionnage ( ce qui peut mener loin en condamnation et prison) était sans doute trop compliqué dans un premier temps, c’est pourquoi les services US ont retenu l’ “astuce” de l’inculper de piratage informatique en ce sens qu’il aurait aidé Bradley (devenue Chelsea) Mannings, le (la) militaire qui a livré des informations à WL, à casser des codes informatiques. Cela paraît fort étonnant (cfr plus haut). Mais retenons que Chelsea Mannings, après avoir été grâciée il y a quelques années par Barak Obama, venait d’être réincarcérée il y a qqs semaines. Ils veulent la forcer à témoigner contre Assange, ce qu’elle refuse toujours courageusement.
– L’opération de ce jeudi 11/04/2019 – intervention de la police britannique qui se saisit de JA dans l’Ambassade d’Equateur à Londres (laquelle lui ouvre ses portes) est concertée depuis quelques temps entre les USA, l’Equateur – dont le gouvernement a changé – et la Grande-Bretagne. L’Equateur a trouvé les prétextes pour lui retirer l’asile, des accusations fausses selon lesquelles JA aurait enfreint des conventions passées entre Quito et lui et WL aurait participé à la divulgation d’informations compromettantes sur le président equatorien Moreno.
Outre lui retirer l’asile, L’Equateur a aussi retiré à JA la nationalité que l’Equateur avait octroyée à JA, ce qui le délie de toute obligation de défendre un de ses ressortissants.
Depuis l’arrivée de Lenin Moreno à la place de Rafael Correa à la tête de l’Equateur, les USA ont exercé une pression intense sur Quito pour expulser JA de l’ambassade.
– Ne jamais oublier que la collaboration entre les services US et Anglais est structurelle, historiquement ancrée et permanente. Lorsque en termes un peu crus, l’actrice Pamela Anderson déclare que le “Uk is a bitch of the USA…” , elle n’a pas tout à fait tort…
– J’espère une seule chose positive de cela, et encore je n’en suis pas sûr: que JA soit mieux soigné en prison que dans la chambre de l’ambassade où il séjournait – pas “un appartement” comme écrivent certains. Contrairement à une prison, il n’avait même pas de promenade dans une cour ou un préau. Et cette chambre était toujours sombre parce que mal orientée dans une impasse. Je rappelle aussi que de nombreuses caméras internes épiaient tous les faits et gestes de JA dans tous les recoins où il pouvait être. Sept ans ainsi, après presque deux ans de prison et de résidence surveillée … et certains osent parler de “déchéance” parcequ’il sort un peu éwaré, hirsute et barbu. Je ne souhaite à personne ce qu’il a enduré et au contraire, je trouve assez étonnante la résistance morale et l’acuité intellectuelle qu’il a pu conserver toutes ces années plutôt que se suicider, ce que certains auraient espéré sans doute.
Marc MOLITOR