Assagir ou se débarrasser du capitalisme ?

Commentaire à la chronique n°17
d’Omar Aktouf

Omar Aktouf a récemment proposé à POUR une chronique inspirée par une soirée d’échanges à Bruxelles et par les échanges épistolaires (courriels) qui ont suivi.  Puisque notre économiste hétérodoxe souhaite des commentaires à cette 17ème chronique, je me permets d’ajouter ma lecture aux questions essentielles qu’il y développe, en usant du ton personnel de son texte. Il est à noter que les réflexions d’Omar Aktouf font écho au débat plus belgo-belge, « Ecolo, le capitalisme et la gauche », lancé le 12 juin 2019 par Hughes Le Paige sur le site de pour.press.

D’abord, signaler que s’il est vrai qu’Omar fut « jugé par certains, vu les radicalismes inflexibles de ses propos, comme défaitiste, trop pessimiste… », ce n’est pas pour autant qu’il fut considéré comme « poussant au désespoir, voire partisan du “baisser les bras”, voire une inutile et contre-productive nouvelle Cassandre ». Je peux le dire d’autant plus facilement que je fus le premier à oser lui dire qu’il ne nous remontait pas le moral avec sa tendance à fermer bien des portes quant aux « voies de sortie, aux solutions, aux alternatives » à ce damné capitalisme. Il n’empêche que tous, nous partagions ses analyses, son refus de naïveté, son ironie face aux illusions de ses étudiants endoctrinés par les mantras économiques du néolibéralisme dominateur.

Un point de vue d’écologiste européen

Si Omar Aktouf a apporté un angle de vue différent du nôtre, vu son expérience de professeur d’économie dans de prestigieuses écoles de commerce de par le monde, il n’en reste pas moins que l’essentiel de ses conclusions sont partagées par ceux qui l’ont écouté à Bruxelles, de même que par votre serviteur qui est, lui, depuis près de 50 ans, un militant écologiste (et même un mandataire politique de cette couleur), aux formations initiales de biochimiste et d’écologue.

Le pessimisme de la raison qu’exprime Omar, on se doit de le partager : quand un écologiste se lance dans 100 combats, même pas toujours très radicaux, il en perd 95. Certes, on peut améliorer la situation dans certains cas précis mais il faut bien constater que, ces dernières décennies, globalement, la machine productiviste ne fait qu’accélérer sur son cours funeste, avec les dégâts que tous constatent enfin aujourd’hui. Si l’on continue à se battre, c’est que tout comme Omar, on puise dans la formule de Gramsci (« Avoir le pessimisme de l’intelligence et l’optimisme de la volonté ») le courage d’y croire encore. Je préfère quant à moi le slogan des activistes espagnols, « Lucho luego existo » (« Je me bats et donc j’existe »), repris comme titre d’un film militant de Yannis Youlantas.

Quand Omar nous a déclaré « Je me dis “désespéré heureux” », je n’ai pu m’empêcher de sourire intérieurement et de faire le rapprochement avec une autre personne originaire d’Algérie comme Omar : Albert Camus dont une phrase célèbre est : « Il faut imaginer Sisyphe heureux »[1].

Un point de vue de décroissant

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Alain Adriaens


[1] Dans Le Mythe de Sisyphe, essai d’Albert Camus publié en 1942, faisant partie du « cycle de l’absurde ». Dans cet essai, Camus introduit sa philosophie de l’absurdité des vies humaines, la vaine recherche de sens, d’unité et de clarté, dans un monde inintelligible, dépourvu de Dieu, de valeurs partagées et de perspectives d’un futur souriant. Est-ce que la conscience cette absurdité de nos vies justifie le suicide ? Camus répond  « Non, elle nécessite la révolte. »
[2] Que faire ?, sous-titré Questions brûlantes de notre mouvement (communiste) est un ouvrage politique écrit par Lénine en 1901. Ce titre est inspiré par celui du roman du révolutionnaire Nikolaï Tchernychecsky publié en 1863.
[3] Celles et ceux qui veulent savoir comment et pourquoi, depuis plus de 2 siècles, les penseurs qui critiquaient les excès et dégâts du productivisme ont toujours été vaincus par les rationalistes, les scientistes, les technophiles…, liront avec profit le très éclairant ouvrage de Serge Audier, L’âge productiviste. Hégémonie prométhéenne, brèches et alternatives écologiques, Editions La Découverte, 2019, 967 pages, 29€.
[4]  Définition de l’effondrement selon Yves Cochet, ancien ministre français de l’environnement : « lorsque les besoins de base (eau, alimentation, logement, habillement, énergie etc.) ne sont plus fournis (à un coût raisonnable) à une majorité de la population par des services encadrés par la loi. »
[5] Jean-Pierre Dupuy, Pour un catastrophisme éclairé. Quand l’impossible devient certain, Ed du Seuil, 2004. ,