Manifestations d’extrême droite à Londres : le rôle du Labour

Jusqu’à 150 000 militants d’extrême droite ont défilé à Londres le 13 septembre. Une mobilisation d’ampleur qui interroge : comment en est-on arrivé là ? Le durcissement du discours migratoire du Labour et son alignement partiel sur les thématiques de la droite radicale nourrissent l’idée d’une responsabilité politique partagée.

Le 13 septembre 2025 restera gravé dans l’histoire britannique comme le jour de la plus grande manifestation d’extrême droite jamais vue en Angleterre. Entre 110 000 et 150 000 personnes ont envahi les rues de Londres à l’appel du militant raciste, anti-islam et multi-condamné Tommy Robinson. Parmi les temps forts de cette mobilisation, l’intervention d’Eric Zemmour venu en personne et celle, virtuelle, d’Elon Musk.

Jamais depuis les années 1930 un mouvement d’extrême droite n’avait atteint une telle ampleur en Grande Bretagne. La « Bataille de Cable Street » d’octobre 1936, menée par Oswald Mosley et ses quelques milliers de « chemises noires », avait été stoppée par une mobilisation populaire massive et des affrontements violents avec la police montée. Le slogan « They shall not pass » (Ils ne passeront pas) galvanisait alors la résistance. Cent ans plus tard, la contre-manifestation antifasciste n’a réuni qu’environ 5 000 personnes. Le rapport de forces s’est inversé, et avec lui, le symbole de l’influence grandissante de l’extrême droite dans le paysage britannique.

La police britannique, pourtant réputée pour sa répression efficace des manifestations pro-palestiniennes et l’arrestation de 1 500 activistes pacifistes ces dernières semaines, a été largement dépasséeCharlotte Minvielle, ancienne candidate du Nouveau Front Populaire en Europe du Nord 2024 et co-secrétaire des Écologistes UK, présente lors de la contre-manifestation, confiait :

 Sur la journée d’hier: Rémi, Nourane, Margot et moi avons été encerclés avec les autres. Un manque d’anticipation des forces de l’ordre, qui nous ont protégés certes, mais on n’a pas vu une grosse volonté de mettre fin à cette nasse rapidement. C’était aussi terrifiant de voir les fachos en nombre dans les rues. 

Comment en est-on arrivée là ? Depuis plusieurs semaines, l’actualité était dominée par une série d’attaques et de violentes protestations devant des hôtels accueillant temporairement des demandeurs d’asile. La situation s’est particulièrement envenimée après qu’un résident de l’un de ces hôtels a été accusé — tout en niant les faits — d’avoir agressé sexuellement une adolescente de 14 ans.

Rapidement, une association implicite migrant = violeur  s’est imposée dans une partie de l’opinion publique, alimentée par les discours anti-migrants de certains responsables politiques. Même le gouvernement travailliste, jusqu’ici plus modéré, semble désormais orienter sa rhétorique vers celle de la droite qu’il a remplacée, accentuant la stigmatisation et le climat de peur.

Quelques voix dissonantes se font certes entendre au sein du Labour, mais le parti, traumatisé par la purge de toute dissidence — c’est-à-dire les éléments jugés trop à gauche depuis l’arrivée de Keir Starmer à sa tête — reste largement silencieux. Une rébellion d’une centaine de députés travaillistes avait bien contraint le gouvernement à reculer en juin face à son projet de coupes dans les aides sociales. Pourtant, l’exécutif a réussi à préserver près de la moitié des réductions budgétaires initialement prévues, en ciblant particulièrement les nouveaux demandeurs.

 

Vonric


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L’Effet Starmer © Le Bord de l’Eau éditions

By Vonric

Journaliste local sur Londres et plein d'autres choses ;-)