« C’est l’effondement du Parti démocrate » – Les racines de la victoire de D. Trump et de la défaite de K. Harris

Merci beaucoup Ralph de vous joindre à nous. Que répondez-vous à la victoire de D. Trump ?

Mme Harris tournait le dos aux progressistes, aux électeurs.trices véritablement populistes dans ce pays. Bien sûr B. Sanders l’a soutenue mais ses prises de positions ont constamment été rejetées. Il a déclaré : « Relevez le salaire minimum. Améliorez l’accès universel aux soins de santé. Attaquez-vous aux criminels en cols blancs. Augmentez les bénéfices de la Sécurité sociale qui sont gelés depuis 50 ans. Et taxez les plus riches ». Elle a tout ignoré ; que distribué des prospectus

Ralph Nader
Democracy Now, 6 novembre 2024
Traduction, Alexandra Cyr

Amy Goodman : (…) Nous continuons à examiner la victoire de D. Trump contre K. Harris et le fait que les Républicains prennent le contrôle du Sénat. Les résultats pour la Chambre des représentants ne sont toujours pas complets. Notre invité est Ralph Nader, avocat en consommation depuis longtemps, quatre fois candidat à la Présidence, auteurs de multiples bouquins dont récemment, Let’s Start the Revolution : Tools for Displacing the Corporate State and Building a Country That Works for the People. Il est aussi le fondateur du journal mensuel, Capitol Hill Citizen.

Merci beaucoup Ralph de vous joindre à nous. Que répondez-vous à la victoire de D. Trump ? Il n’a pas gagné que le Collège électoral mais aussi le vote populaire ce qu’il n’avait pas réussi lors des deux dernières élections.

Ralph Nader : C’est une bien grande bouchée à avaler et digérer. C’est l’effondrement du Parti démocrate. Ils n’ont pas obtenu les votes qu’ils espéraient. Ils sont plusieurs millions de voix en dessous de ce qu’ils espéraient et bien sûr cela a fait la différence dans le Collège électoral déterminé par les États pivots.

Mais le problème est encore plus sérieux que cela. Fondamentalement, nous sommes maintenant dans un État corporatif dictatorial. Pour les Démocrates, D. Trump est maintenant un aimant et un piège. Ils ont dépensé des dizaines de millions de dollars en publicité pour attaquer D. Trump au lieu de s’en prendre aux quatre années de sa mandature où il a réussi à creuser et grossir tant de problèmes critiques. Donc, maintenant, le problème c’est qu’il y a tant de variables avec lesquelles interagir.

Amy, je vais commencer par le moment où les Démocrates ont abandonné les États républicains du pays. C’est dévastateur. Ils ont commencé à recevoir de l’argent des entreprises en 1979 en se réclamant des mêmes valeurs commerciales. Cela a estompé la différence entre les Démocrates de type New Deal et ceux liés aux entreprises. Ensuite ils ont confié les élections à ces firmes de consultants.es en conflit d’intérêt et profiteuses et il semble bien que les grands médias n’ont jamais voulu enquêter là-dessus durant cette campagne. Puis ils ont abandonné les médias publics. Ce qui revient à dire qu’ils ont laissé le champ libre aux animateurs de radio comme Rush Limbaugs (célèbre animateur de radio très à droite. N.d.t.) ce qui a créé les Démocrates à la Reagan. Et ils n’ont jamais appris de leurs erreurs. Ils n’ont rien appris des erreurs de Mme Clinton en 2016. Ils n’ont jamais remercié personne après les défaites dans les États les uns après les autres aux mains du plus horrible, du pire Parti républicain de l’histoire.

Ça donne quel message au peuple américain ? Que D. Trump est terrible et que vous ne pouvez imaginer à quel point le Parti républicain peut être mauvais. C’est un message trop général, trop simple. Une vaste majorité de la population pense que les entreprises ont trop de contrôle sur leur vie. Ils (les Démocrates) n’ont pas relevé la négation des bénéfices en santé. Ils n’ont pas relevé les manques en matière de salaire minimum. Ils n’ont pas relevé non plus la négligence dans les poursuites des criminels.les dans les entreprises. Rien ne l’ont pas non plus fait à propos de la taxation des riches et des grandes corporations. Ils n’ont rien changé à leur approche commerciale. Ils ne savaient pas comment confronter D. Trump sur l’immigration. Il a qualifiés.es les immigrants.tes de violeurs, de criminels.les, de trafiquants.es de drogue etc. Mais, au lieu de dire : « Ce sont des gens qui fuient des pays oppressifs qui ont été appuyées par les États-Unis comme les dictateurs, les oligarques d’Amérique centrale et du sud…. » Ils n’ont pas dit non plus que des millions d’Américains.es font confiance aux immigrants.es pour leur alimentation, pour les soins à leurs enfants, à leurs ainés.es, pour rendre les services que personne d’autre ne veut rendre dans notre pays.

Vous voyez, il y a une telle facture de tant de particularités contre ce Parti démocratique. Bien sûr il y a des millions de gens qui se disent : « Assez de temps perdu. Nous en avons assez de ne pas en avoir pour toutes les taxes et impôts que nous versons au gouvernement. Ça nous rend malades cet empire au loin, ces budgets militaires qui sont toujours augmentés par les Démocrates et les Républicains au Congrès, de voir que les généraux reçoivent plus qu’ils n’en demandent ; cela gruge les budgets des dépenses publiques qui devraient servir à donner des services au public, à s’occuper des infrastructures dans toutes les communautés du pays et créer des emplois ».

Nous avons essayé de renforcer ces Démocrates. Depuis 2022, 34 leaders civils.les ont tenté de leur dire comment communiquer, que communiquer à toute la population. Le Parti a bloqué toute espèce de réponse, que ce soit Nancy Pelosi, Chuck Schumer ou qui que ce soit d’autre, et les liens avec la communauté civique de Washington D.C. ont été coupés.

Juan Ganzalez (d.n.) : Ralph, laissez-moi vous demander ; quels sont les prochaines étapes pour le mouvement progressiste en terme de résistance et de réorganisation maintenant qu’il fait face au retour de D. Trump ?

R.N. : Il doit se concentrer sur le Congrès. Nous n’avons toujours pas tous les résultats pour la Chambre des représentants mais seul le Congrès peut arrêter Trump et sa troupe. Car ce n’est pas que D. Trump. Il n’est que l’affiche. Il n’est que le portevoix. Ce sont ses acolytes comme la Fondation Héritage et son programme 2025. C’est la prise en mains des ministères qui sont dédiés au service du peuple, la protection environnementale, le Consumer Financial Protection Bureau, le bureau de la sécurité automobile, la Commission fédérale sur le commerce, le Département de la justice. Ils vont tous être transformés en gouvernements virulents, vengeurs ou réduits à l’inactivité. Ils veulent éliminer les fonctionnaires, nous ramener dans un système qui distribue les postes à ses partisans.es. Nous entrons dans une grande tempête. On pourrait dire que l’élection d’hier a réellement élu J.D. Vance à la Présidence. D. Trump ne sera pas le dernier. Il va démolir et Vance est dans une position pour accéder à la prochaine Présidence.

Donc, que faire Juan ? Se concentrer à fond sur le Congrès qui est la principale autorité constitutionnelle qui doit rendre comptable la branche exécutive telle que préparée pour 2026, (date des prochaines élections législatives.n.d.t.) Les Démocrates auront bien moins de Sénateurs.trices que les Républicains.nes contrairement à cette année.

Ils doivent absolument cesser de tomber sur la tête de ceux et celles qui questionnent le Parti qui a dit à tout le monde qui les appuie : « Vous voyez à quel point les Républicains sont mauvais ? Vous ne pouvez aller nulle part ailleurs ». Ils ont dépensé beaucoup d’argent pour attaquer le Green Party, le tout petit Green Party au lieu d’écouter le Révérend William Barber qui leur a dit : « Attention, il y a 80 million de personnes qui n’iront pas voter. Beaucoup sont des travaileurs.euses à bas salaires. Si vous aviez convaincu 15% de ces personnes de se rendre aux bureaux de vote, vous, les Démocrates vous auriez gagné ». Ils ne l’ont pas entendu. Ils n’ont pas écouté les groupes de citoyens.nes qui savent parler à la population, pas qu’aux libéraux ou aux travailleurs.euses de tendance libérale, mais aussi aux conservateurs.trices qui travaillent, ceux et celles qui sont des patients.es. Il faut se rappeler que la vaste majorité dans ce pays veut que les entreprises sous imposées et sous taxées le soient plus. Elle veut une rupture avec les grandes banques. Et par-dessus tout, sondage après sondage, elle répète que les entreprises ont trop de contrôle sur leurs vies. Sherrod Brown, (Sénateur démocrate de l’Ohio. N.d.t.) a hurlé dans son porte-voix et a perdu. Bernie Sanders a fait campagne sur le pouvoir des entreprises et il a gagné au Vermont : un raz-de-marée. K. Harris a refusé de faire campagne avec lui elle a préféré être accompagnée dans plusieurs États par Liz Cheney de la famille criminelle Cheney, mêlée à l’invasion de l’Irak où plus d’un million d’Irakiens.nes ont été tués.es.

Donc, les gaffes n’ont pas de fin. En fait Mme Harris tournait le dos aux progressistes, aux électeurs.trices véritablement populistes dans ce pays. Bien sûr B. Sanders l’a soutenue mais ses prises de positions ont constamment été rejetées. Il a déclaré : « Relevez le salaire minimum. Améliorez l’accès universel aux soins de santé. Attaquez-vous aux criminels en cols blancs. Augmentez les bénéfices de la Sécurité sociale qui sont gelés depuis 50 ans. Et taxez les plus riches ». Elle a tout ignoré ; que distribué des prospectus.

Ralph Nader
Democracy Now, 6 novembre 2024
Traduction, Alexandra Cyr

Interview de Ralph Nader par Amy Goodman et Juan Ganzalez, de Democracy Now, traduction par Alexandra Cyr.
Source :
Autorisation générale de publication intégrale des articles de Presse-toi à Gauche! (Canada).
A VOIR, sur Lundi Matin, le débat “10 questions sur la victoire de Trump”, un lundisoir avec Eugénie Meriau (auteur de ‘Géopolitique de l’état d’exception”), Michalis Lianos (sociologue des contestations)et Pablo Stefanoni (auteur de “La rebellion est-elle passée à droite?”), 12 novembre 2024, émission de 2 heure,  en accès libre.