Les crimes imputés à quelques-uns servent de prétexte à la pire punition collective à l’encontre de toute la population à Gaza.
Il y a bien eu de terribles crimes, commis le 7 octobre 2023. Différentes analyses des atrocités aujourd’hui bien documentées nous permettent de distinguer celles commises par le Hamas contre l’armée d’occupation et les milices israéliennes, ce qui s’apparente à de la résistance à l’occupant. Parallèlement, des victimes civiles israéliennes étaient violentées et massacrées, ce qui est une violation grave et intolérable des conventions de Genève. Ensuite, il y a eu les crimes de guerre commis par l’armée israélienne qui, le même 7 octobre, a délibérément tué nombre de ses concitoyens alors prisonniers du Hamas.
En ce qui concerne les otages, il y a lieu de distinguer les civils non-armés qui doivent être libérés sans conditions, sous les auspices du CICR. Les militaires et les miliciens sont des prisonniers de guerre protégés par les conventions internationales. Les milliers de civils palestiniens non armés, arrêtés par Israël dans l’ensemble des territoires occupés de Palestine, sans la moindre inculpation, sont eux aussi des otages qui doivent être libérés sous contrôle international.
Le gouvernement Netanyahou, l’armée et l’opinion publique israélienne ont-ils conscience de l’horreur des crimes en train d’être commis derrière les murs de Gaza depuis près de 6 mois ? Un épisode des plus terribles de l’histoire – qui est aussi la nôtre – se déroule au mépris de tous les droits humains, humanitaires, internationaux et, tout particulièrement, de la convention des N.U. sur la prévention du génocide à laquelle tous nos États ont souscrit. C’est ce que l’Afrique du Sud a eu le courage de nous rappeler à la Cour internationale de Justice de La Haye en ce début d’année.
Avons-nous conscience que ce sont les normes du vivre ensemble, élaborées sur les ruines de la seconde guerre mondiale et après les décolonisations assurant à tous les peuples leurs droits fondamentaux, que nous acceptons de voir bafouées par notre plus proche allié ? C’est ce que plus de 150 ONGs et 900 avocats ont fait en déposant une plainte pour génocide entre les mains du Procureur de la Cour Pénale internationale dès le 9 novembre 2023.
On a cru au « plus jamais cela » après l’Holocauste. Mais le génocide des Juifs par les Nazis n’est pas l’unique rupture dans l’histoire du monde. Voici 30 ans se déroulait sous nos yeux le génocide contre les Tutsis. Et la reconnaissance des génocides arménien et cambodgien n’empêche pas qu’un autre génocide se déroule sous nos yeux à Gaza . Nous sommes impuissants à réaliser le « plus jamais cela ! »
Aujourd’hui, est-ce de l’antisémitisme de dire aux juifs israéliens : regardez ce que font en votre nom ce gouvernement et ces soldats à Gaza ! Aujourd’hui, n’avons-nous pas le devoir de condamner M. Biden, Mme von der Leyen et tous ceux qui disent aux responsables israéliens : « vous avez le droit de vous défendre » et leur livrent les bombes et toutes les armes utilisées pour massacrer la population désarmée et affamée de Gaza et pour renforcer la colonisation de la Cisjordanie et de Jérusalem.
Pour empêcher la poursuite du génocide à Gaza, l’envoi de quelques colis humanitaires ne suffit pas. Nous avons l’obligation de tout mettre en œuvre pour l’empêcher. Ce ne sont plus les négociations avec le gouvernement Netanyahou, au Quatar, au Caire ou à Paris, qui vont sauver les vies des enfants, des femmes de Gaza mais c’est une intervention pour assistance urgente à personne en danger de mort. Cette intervention d’urgence, avec l’usage de la force, en conformité avec les règles de l’ONU, ne peut être retardée.
Dans le même temps, il y a lieu de suspendre toute assistance et coopération avec Israël et d’imposer le retrait des soldats et des colons de l’ensemble des territoires palestiniens occupés au-delà de la ligne verte de 1967.
Ne pas agir d’urgence, aujourd’hui, signerait notre complicité avec les génocidaires réunis autour de B. Netanyahou. Cela révélerait, aux yeux du reste du monde et du Grand Sud en particulier, notre incapacité de mettre fin à l’un des pires crimes contre l’humanité de ce début du XXIe siècle. Cela prouverait notre hypocrisie lorsque nous prétendons défendre, sans les appliquer, les normes et conventions du droit international, seules en mesure d’assurer la coexistence et la sécurité commune dont nous avons un grand besoin.
Pierre Galand