Après tout, les citoyen·ne·s belges – comme la majorité des citoyen·ne·s européen·ne·s – possèdent l’un des passeports les plus puissants du monde : en 2019, nous avions accès, sans visa (ou avec visa réalisé sur place), à pas moins de 185 destinations sur 220
. Un statut bien différent pour les Syrien·ne·s (ayant accès à 32 destinations sans visa), Pakistanais·e·s (33 pays) ou Yéménites (37 pays) (Férard, 2019). La situation était donc inédite : bien étrange de devoir se connecter sur le site internet du Service public fédéral des Affaires étrangères afin de savoir si nous avions le droit de passer nos vacances… dans le pays voisin. Pour certain∙e·s, la difficulté était quotidienne : par exemple, ne pas pouvoir traverser la frontière pour exercer un métier considéré comme « non essentiel ». Pour d’autres encore, la conséquence a été de ne pas pouvoir avancer dans un parcours migratoire déjà long et périlleux afin d’introduire une demande d’asile.
Alex Buron
Bibliographie
Amnesty International, 24 juin 2020, « Europe, COVID-19, préjugés racistes et discrimination par la police », Bruxelles : Amnesty.be, https://www.amnesty.be/infos/actualites/article/europe-covid-prejuges-racistes-discrimination-police-53414, consulté le 11 décembre 2020.
Afriwave, 3 avril 2020, « LIÈGE-DIASPORA /COVID-19 : Quid d’un courrier polémique à l’endroit de la Communauté noire africaine subsaharienne ? », https://www.afriwave.com/2020/04/03/liege-diaspora-covid-19-quid-dun-courrier-polemique-a-lendroit-de-la-communaute-noire-africaine-subsaharienne/, consulté le 10 décembre 2020.
Arte, 20 avril 2020, « Europe : le retour des frontières / Travailler à l’heure du Covid », 28 minutes, https://www.youtube.com/watch?v=RjsAqWdz1_Y
Benker E., Cantat C. et al., 4 mai 2020, « Pandémie et migrations : un monde “fermé” ? », Paris : SciencesPo, https://www.sciencespo.fr/actualites/actualit%C3%A9s/pandemie-et-migrations-un-monde-ferme/4879, consulté le 10 décembre 2020.
Bloj R., Lenoir O., Maximin E., 11 mai 2020, « Cartographier, comprendre les migrations au temps du Covid-19 : 10 points », Paris : Le Grand Continent, https://legrandcontinent.eu/fr/2020/05/11/10-migration-covid-19/, consulté le 10 décembre 2020.
Carretero L., 22 septembre 2020,Issy Les Moulineaux : InfoMigrants, https://www.infomigrants.net/fr/post/27467/belgique-en-cette-periode-de-crise-sanitaire-les-droits-des-exiles-ne-valent-pas-grand-chose, consulté le 14 décembre 2020.
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Férard E., 14 janvier 2019, « Voici les 10 passeports les plus puissants au monde en 2019 », Paris : Geo, https://www.geo.fr/voyage/voici-les-10-passeports-les-plus-puissants-au-monde-en-2019-194151, consulté le 11 décembre 2020.
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Vérot M.-P., 15 mai 2020, « “Sans cela nous n’aurions pas eu de travailleurs” : en Allemagne, un pont aérien spécial a été mis en place pour que des saisonniers roumains récoltent les asperges », Paris : Franceinfo, https://www.francetvinfo.fr/sante/maladie/coronavirus/sans-cela-nous-n-aurions-pas-eu-de-travailleurs-en-allemagne-un-pont-aerien-special-a-ete-mis-en-place-pour-que-des-saisonniers-roumains-recoltent-les-asperges_3962913.html, consulté le 10 décembre 2020.
Wihtol de Wenden C., 2011, Le droit d’émigrer, Paris : CNRS Éditions.
[1] Le Henley Passport Index prend en compte des destinations insulaires attachées à un pays, mais pouvant avoir un système administratif différent de celui-ci pour les voyageur·euse·s. L’ONU reconnaît pour sa part 197 États, Tous ne sont pas reconnus par tous les États membres (comme la République populaire démocratique de Corée) et d’autres ne sont pas reconnus par l’ONU, mais bien par certains États membres (comme le Kosovo).
[2] Donnant ainsi l’impression que le Bourgmestre jugeait les Afro-descendant·e·s comme étant moins prompts à se laver les mains ou respecter les distances de sécurité… sans prendre en compte les facteurs d’ethno stratification du marché de l’emploi, de l’accès aux soins de santé, etc.
[3] Et ici, il semblerait bien que, comme pour la criminalisation de l’immigration qui se répercute sur l’immigré installé légalement sur le territoire, la peur de l’autre « contaminé » de l’autre côté de la frontière soit projetée sur un « autre » qui vit dans le pays depuis longtemps, et n’a donc pas pu « apporter » la maladie.
[4] Des Jeunes FUCID, étudiant·e·s en haute école ou à l’Université de Namur qui s’engagent dans les activités de la FUCID, pointaient déjà cette absence médiatique qu’ils et elles regrettaient, lors de nos échanges en novembre 2020 sur leurs ressentis de la crise sanitaire.
[5] Selon Amnesty International, un migrant est « une personne qui quitte son pays pour aller vivre sur un autre territoire pour de multiples raisons, et ce de façon temporaire ou permanente ». Celui-ci peut demander l’asile et, si sa demande est acceptée, il deviendra un réfugié, c’est-à-dire « une personne qui satisfait aux critères définis par la Convention de Genève ». Celle-ci précise qu’un réfugié est une personne qui a fui son pays « craignant avec raison d’être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe sociale ou de ses opinions politiques et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays. » C’est cette typologie que nous avons employée dans cet article. Notons cependant que les migrant·e·s se retrouvent souvent dans plusieurs catégories au fil de leur vie et que le statut de réfugié est octroyé de façon très inégale en fonction du pays d’accueil.
[6] Bien que l’expression de « crise migratoire » ait été largement employée en 2015, cette « crise » doit plutôt être vue comme une crise de l’accueil, ou de l’asile : le problème n’était pas « l’afflux » de migrant·e·s, mais les politiques mises en place pour y faire face. Ramona Bloj, Olivier Lenoir et Elena Maximin mettent ainsi en garde contre l’emploi du terme de « crise » qui « pouvait amener à considérer que la situation résultait de la fatalité, comme une “tragédie” ou un “drame”, et qu’elle provenait moins de choix politiques, à la fois nationaux et européens. » (2020) Le parallèle peut certainement être fait avec la crise sanitaire actuelle.