Le Journal des sans papiers (n°8)

Le n°8 du JSP – Journal des sans papiers – est enfin disponible!
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Serge Noël au 0486 85 73 81

 

Édito

“Le monde moderne s’est construit par la migration des campagnes vers les villes. Depuis des centaines d’années, les paysans ne trouvant plus dans leur village les moyens simplement de survivre, ont migré vers les villes, où ils ont grossi les rangs des pauvres en quête de travail. Karl Marx les appelait les « prolétaires nomades ». Par prolétaire, il entendait ces gens qui ne possèdent que leur force de travail pour vivre, et qui sont forcés de la vendre dans les lieux où se trouvent les structures de production que les plus riches possèdent.

Avec la mondialisation, la planète est devenue une immense route de la migration, où les prolétaires d’Afrique, du Moyen-Orient, d’Asie, d’Amérique latine, migrent vers les grands centres de production, pour tenter d’y vendre leur force de travail. Dire, comme le font les tenants d’une politique faite de refus, de racisme, de crispation, que les migrants sont des profiteurs, revient à nier cette évidence. La guerre aux migrants menée par l’Europe d’Orban, de Francken, par l’Amérique de Trump, est avant tout une guerre contre les pauvres, contre les nouveaux prolétaires nomades.

Ces hommes et ces femmes, comme depuis toujours dans l’histoire, doivent se battre pour qu’on leur reconnaisse les droits les plus élémentaires. Parmi ces droits, celui de travailler dans des conditions « normales », celui de se soigner, celui de se former, celui de circuler, celui de se loger dignement… Ces hommes et ces femmes, qu’on appelle improprement « migrants irréguliers », ou « clandestins », ou sans-papiers, par leur présence, leur combat, leur espoir, mettent le doigt sur les dysfonctionnements profonds d’une démocratie où les droits de tous sont sans cesse menacés, sous la pression des logiques de marché, de profits, d’exploitation toujours plus dure de tous les prolétaires, de tous les pauvres. En occupant des bâtiments laissés vides pendant des années pour des raisons de spéculation immobilière, ils montrent que le droit au logement, pourtant garanti par la Déclaration universelle des Droits de l’Homme, et par la Constitution belge, n’est qu’une vue de l’esprit pour des milliers de personnes vivant sur notre territoire : SDF, familles mal logées ou pas logées du tout, travailleurs pauvres en attente d’un logement social depuis des années, sans-papiers. Ces derniers sont à la pointe de ce combat, pour eux-mêmes et pour tous ces citoyens belges qui dans les faits n’ont pas beaucoup plus de droits qu’eux.”

Serge Noël