Début mai, l’Ensemble Zoologique de Libération de la Nature a mené une action non violente contre le lobby pro-pesticide le plus influent en Europe. Ce qui vaut aujourd’hui à neuf de ses membres de se retrouver au tribunal ce 15 juin. On pourrait faire de l’humour bon marché en parlant de maltraitance animale. Mais, une fois de plus sous le gouvernement Michel, c’est la liberté d’expression et les droits démocratiques que l’on tente de restreindre. Imperturbablement? Nous nous y refusons.
«Nous ne nous battons pas pour la nature, Nous sommes la nature qui se défend!». C’est la devise de l’EZLN, collectif citoyen qui se présente comme une convergence d’animaux, de légumes et d’éléments naturels en lutte pour la justice climatique. Et de fait, lors des actions, ses militants apparaissent déguisés en animaux ou légumes.
Si l’esprit poétique et le sens de la dérision sont convoqués, cette fantaisie accompagne un combat citoyen réel. L’acronyme fait référence à l’Armée Zapatiste de Libération Nationale (Ejército Zapatista de Liberación Nacional, EZLN), active dans la région du Chiapas au Mexique. On a vu le collectif s’illustrer lors de la COP21 et dans le cadre des rounds de TTIP Game Over.
Les faits, pas les méfaits
Le mardi 9 mai, une septantaine de membres de l’EZLN ont débarqué pour une «action coup de patte» au siège de l’ECPA à Auderghem. L’ECPA? Un autre acronyme qui cache un lobby rassemblant les plus gros producteurs de pesticides mondiaux dont Bayer, Monsanto, Syngenta, Dow, BASF ou Dupont. Cet European Crop Protection Association porte encore plus mal son nom en français: association européenne pour la protection des cultures.
L’action visait à dénoncer son influence sur les politiques européennes en matière de réglementation des pesticides, plus particulièrement celle relative au glyphosate. Ce pesticide, le plus utilisé à travers le monde et principe actif du fameux Roundup de Monsanto, est l’objet d’un débat au niveau de l’Union européenne qui doit décider de prolonger ou non l’autorisation d’utilisation. En février 2017, une Initiative Citoyenne Européenne a été lancée pour réclamer son interdiction définitive.
La police est intervenue et a procédé à neuf arrestations judiciaires. Celles-ci ont débouché sur un appel à comparaître devant le tribunal correctionnel de Bruxelles le 15 juin. Motif: faits de graffitis sur des propriétés mobilières et immobilières et dégradation de biens immobiliers. Précisons donc utilement que malgré le caractère spectaculaire de l’opération (voir vidéo ci-dessous), aucun dégât matériel n’a été occasionné. Quant aux produits utilisés, y compris pour les graffitis, ils sont naturels.
La réaction de la société civile
Suite à cette tournure judiciaire, plusieurs organisations de la société civile ont fait circuler une déclaration contre la répression de mouvements sociaux. Il y a maintenant plus d’une quarantaine de signataires dont POUR.
Le texte affirme avant tout que l’action de l’EZLN est légitime, pertinente, utile et représente un exercice du droit à la liberté d’expression. Livrons-en ici la conclusion.
«Nos organisations sont inquiètes du caractère disproportionné de ces mesures, qui représentent une entrave à l’exercice du droit à la liberté d’expression. Nous appelons les services de sécurité et les autorités judiciaires à respecter et protéger la liberté d’expression des militants œuvrant pour la défense des droits humains et de la nature.
Rappelons que l’ECPA, elle, défend toute l’année auprès des institutions européennes une industrie dont les produits causent la mort directe de plus de deux cent mille personnes par an dans le monde, nuisent gravement à la santé humaine et contribuent à la destruction à grande échelle de nos sols, de nos eaux et de la nature.»
Le procès des animaux
Pour cette comparution le 15 juin, l’EZLN a prévu un rassemblement devant le Palais de Justice de Bruxelles de 13h à 14h. Au programme, prises de parole de l’EZLN ainsi que de représentants de la société civile. Et en clôture, grand flashmob animalier.
Un appel, avec invitation à publier des vidéos, a été lancé avec un succès certain. On attend plusieurs centaines d’activistes venus d’un peu partout. Du Danemark, par exemple.
Soyons-y aussi.