Plaider la « bonne gouvernance sécuritaire » au Maroc : Domestiquer les savoirs de réforme en régime de contrainte consensuelle

Retour sur les années de plomb au Maroc – 3/3

Issue de l’ingénierie de l’IER1, qui a fait de la « transitologie »2 un « savoir d’État » et un « repère commun pour les acteurs » (Vairel, 2007), la « (bonne) gouvernance sécuritaire », concept voyageur transnationalisé et technocratique (Pétric, 2012), est évoqué comme paradigme de réforme par les institutions sécuritaires et par leurs partenaires associatifs et transnationaux. Mêlée au développement, la transitologie est la clé de lecture de l’après « années de plomb »3, période d’ouverture au discours des droits humains et au pluralisme politique. L’image du roi « moderne » et du Maroc « en changement » sont ici véhiculées par un « consensus venant d’en haut » (Vairel, 2007) qui « recompose » le régime (Vairel, 2008 : 220). Outil de construction de l’« apparence libérale » de ce dernier (Dupret et Ferrié, 2011), ce lexique réformiste permet à des acteurs internationalisés, dont l’engagement se fait « dépolitisé » (N’Diaye, Noûs et Vairel, 2021), d’interagir avec les institutions autour du sécuritaire. Longtemps exclu du débat public car considéré prérogative de l’« État invisible » (du makhzen4) au cours des années de plomb, le sécuritaire est traité au sein des configurations développementalistes autorisées par un régime qui, en quête de relégitimation, endosse la rhétorique de la « co-production »5 de l’action publique avec la « société civile »6.

2L’opportunité offerte par ces savoirs de réforme transnationalisés, est investie par une partie restreinte de l’univers associatif, reconnue par les institutions, au détriment des acteurs plus revendicatifs.

  • 7 Le FVJ incarne le « processus d’interactions (…) entre politique protestataire et politique institu (…)
  • 8 En 2013, un groupe de militant·es du FVJ a créé le « Comité marocain démocratie et sécurité », qui (…)
  • 9 Dans le socle du « réformisme » des ONG « traditionnelles » (AMDH, OMDH), l’Institut, investi dans (…)

3Dans cet article, nous allons comparer les engagements d’acteurs associatifs marocains, dont les trajectoires, les positionnements et les marges d’action diffèrent, en raison de leur relation avec le makhzen. D’un côté, nous allons considérer le Centre d’études en droits humains et démocratie (CEDHD), qui se dit spécialisé sur la gouvernance sécuritaire, fondé par Habib Belkouch en 2005, partenaire de la Délégation générale à l’administration pénitentiaire et à la réinsertion (DGAPR) et de la Direction générale de la Sureté nationale (DGSN). D’autre côté, nous allons examiner le Forum marocain pour la vérité et la justice (FVJ), créé en 1999 par des militant·es et des victimes des « années de plomb »7, dont certain·es membres interviennent dans la sensibilisation à la réforme du sécuritaire8. Enfin, nous allons souligner la participation de l’Institut Prometheus pour la démocratie et les droits de l’homme, fondé en 2013 par des ancien·nes militant·es du Mouvement 20 février (M20F) de différentes affiliations partisanes9, à un projet mobilisant le concept de « sécurité humaine » (Kaldor, 2006).

  • 10 Le DCAF, fondation intergouvernementale basée en Suisse, pilote le Trust Fund for North Africa, fin (…)
  • 11 Entretien avec un militant associatif, Casablanca, 2022.

4Le DCAF (Geneva Center for Security Sector Governance) est le « développeur » transnational qui appuie la réforme de la gouvernance sécuritaire10. A ce niveau, il entretient des partenariats à la fois avec le CEDHD et l’Institut Prometheus, alors qu’en 2010, il aurait renoncé à en mettre en place un avec le FVJ11.

  • 12 Suite à la mort de M. Fikri à Al Hoceima (2016), le mouvement du Hirak, connu pour ses revendicatio (…)

5L’article démontre que si la confrontation consensuelle entre les acteurs repose sur le traitement légaliste et managérial de la réforme du sécuritaire, celle-ci est « contrainte » par le seuil de critique toléré par les autorités. L’euphémisation de la critique à l’égard des sécuritaires, qui font l’objet de dénonciations face aux répressions du Hirak du Rif12, ainsi qu’à celles des mobilisations des habitant·es de Jerada et Zagora (2017), opposé·es, respectivement, à l’extractivisme minier meurtrier et à la surexploitation agricole néfaste (Mayaux et Rousseau, 2021), passe par la modération des tons des acteurs associatifs.

  • 13 La « déconflictualisation des questions ne constitue pas (…) un instrument dont l’État autoritaire (…)
  • 14 La « recherche d’unanimisme » amoindrit le caractère revendicatif des acteurs associatifs (Vairel, (…)
  • 15 Jouer le jeu de la contrainte n’équivaut pas à consentir à ses logiques d’imposition (Siméant-Germa (…)

6De ce fait, la thèse avancée dans cet article pointe le régime de contrainte consensuelle qui marque l’interaction entre les acteurs, dont le consensus repose à la fois sur un discours légaliste et gestionnaire qui déconflictualise les enjeux13 et sur la validation tacite de la sélectivité partenariale encadrant la logique de « co-production » de la sécurité14. Ici, les acteurs jouent avec ces facteurs de contrainte15 et tirent bénéfice de la dynamique partenariale, tout en confortant le « syndrome autoritaire » du régime (Camau et Geisser, 2003).

7Nous nous inscrivons dans le socle des approches qui « localisent » l’analyse de la circulation des « modèles voyageurs » (Siméant, 2012 ; Olivier de Sardan, 2021), via l’étude des intermédiaires qui en fabriquent la domestication. Les « transferts » des modèles doivent être compris dans leur « portée limitée » (Allal, 2010), leur réappropriation s’opérant plus dans une visée professionnalisante (Deforge, 2019) que profondément réformatrice, ce qui participe au « renforcement » de l’« appareil répressif » du régime (Bouagga, 2016, p. 58).

8Dans un premier temps, nous allons questionner l’ancrage des savoirs de réforme en matière sécuritaire dans la « transitologie » (Dobry, 2000; Vairel, 2007; Lefranc 2009), via la domestication dépolémisée de concepts voyageurs tels que celui de « gouvernance sécuritaire » et de « sécurité humaine ».

9Dans un deuxième temps, l’intérêt sera porté pour la déconflictualisation des enjeux sécuritaires, induite per la sélectivité partenariale, qui désamorce voire exclue la critique à l’égard des autorités.

10Enfin, nous allons considérer les discours légalistes et managériaux de légitimation de la réforme, véhiculés par la rhétorique de la « co-production » de la sécurité.

Genèse d’un discours réformiste « consensuel » 

L’ancrage dans le récit de la transition

  • 16 Parmi celles-ci: 1) une réforme constitutionnelle (séparation des pouvoirs, contrôle judiciaire de (…)
  • 17 « Gouvernance sécuritaire et droits humains : bilan d’une expérience », CEDHD et Danish Institute f (…)
  • 18 Idem

11La réforme de la gouvernance sécuritaire s’affirme au moment où l’IER divulgue ses recommandations, qui visent à rebâtir le secteur de la sécurité au prisme des droits fondamentaux16. A partir des années 1990, suite à l’abandon des « formes les plus répressives du contrôle politique (enlèvements, disparitions forcées, tortures, exécutions arbitraires ou extrajudiciaires) » (Vairel, 2008, p.  219), le régime appuie sa stabilisation sur le « le triptyque droits de l’homme – société civile – gouvernance » (Ibidem, p. 220). Dans ce cadre, l’institutionnalisation de l’espace protestataire conduit certain·es militant·es de la gauche à intégrer le jeu politique officiel, en œuvrant à la « transition » du régime. Ceci est le cas de Habib Belkouch, fondateur du CEDHD. En déconflictualisant l’enjeu sécuritaire, le CEDHD endosse l’idée d’une gouvernance sécuritaire comme « politique publique qui protège la pratique démocratique »17, ce discours réformiste reliant, dans une logique d’interdépendance, sécurité et droits humains (Larzillière, 2016; Leboeuf, 2006). D’après le Centre, ce passage d’une sécurité menaçante à une sécurité garante des droits servirait à « faire réussir » la « transition démocratique »18, en accord avec les investissements du Palais visant à redorer, par les droits humains, l’image d’un régime qui se veut « sorti » de l’autoritarisme.

12La communication renouvelée autour de l’enjeu œuvre à la ré-légitimation progressive, dépourvue de critique, des sécuritaires. De leur côté, les associations et les bailleurs se dotent de marges d’action, tout en désamorçant la critique. Les oppositions transnationalisées, professionnalisées et intégrées au jeu politique désamorcé, participent aux « « coalitions pluralistes », fermées car partielles et néanmoins ouvertes sur l’international » (Vairel, 2021, p. 143) qui contribuent « à la restructuration du pouvoir d’État » (Ibidem, p. 144).

  • 19 Idem
  • 20 Ibidem, p. 13

13Le CEDHD se démarque des ONG « contestataires », jugées « limitées » à la dénonciation des violations et à la demande de reddition des comptes19. La contestation, peu pratique pour un Centre partenaire des institutions, est délégitimée car associée à ce que, pendant les années de plomb, aurait conduit à des rapports contreproductifs entre ONG et sécuritaires perçus comme répressifs20. Ce positionnement s’explique par la trajectoire du co-fondateur du Centre, Habib Belkouch, ancien secrétaire général par intérim du Parti Authenticité et Modernité (PAM), proche du Palais, à l’heure actuelle engagé sur le front associatif.

Ex-détenu politique, Belkouch a travaillé comme professeur de philosophie et a participé aux activités de la Commission nationale marocaine pour l’UNESCO (Bennani-Chraïbi, 2021, p. 172). Dans une période de « réticence » à l’égard des ONG en raison de leur positionnement jugé « partisan », il a adopté l’approche supposée non partisane, dialoguante et « réformiste » de l’Organisation marocaine des droits humains (OMDH), dont il est devenu vice-président.

  • 21 Cf. le site du CNDH (URL).

À l’époque de l’Alternance, il a salué le « signal fort » lancé par Mohammed VI avec la création de la Commission d’indemnisation des victimes des violations des droits de l’homme. En 1998, il a rejoint le Ministère des Droits de l’homme, désireux de faire évoluer les choses depuis l’intérieur. Ici, il a travaillé en étroite collaboration avec les Nations Unies et a accompagné l’élaboration d’un accord avec le PNUD, le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme (HCDH) et la Commission européenne, qui a conduit à la création d’un centre de documentation sur les droits humains. Ce dernier a appuyé le travail de l’IER en traduisant des textes relatifs à la justice transitionnelle, à l’aide du Centre international pour la justice transitionnelle (ICTJ) 21. En 2005, Belkouch a quitté la fonction publique. Le centre, dont il soutenait l’indépendance, a été rattaché au Conseil consultatif des droits de l’homme (aujourd’hui CNDH) par décision ministérielle.

  • 22 Rapport de la conférence « Gouvernance sécuritaire … », op. cit., 17, p. 18.

14L’entrée dans l’action publique de Belkouch se fait par la participation à la politique instituée du premier gouvernement de l’Alternance, pour ensuite se décliner dans l’associatif. De ce fait, il incarne la figure du « porteur d’un discours sur la libéralisation politique » qui « s’enrichie de savoirs-faire managériaux » et d’« expertise en matière de « justice transitionnelle » », décrite par Vairel (2021, p. 147). La professionnalisation de son militantisme lui vaut un accès privilégié à la maîtrise des savoirs de réforme, ainsi qu’aux acteurs (bailleurs, intermédiaires) qui les véhiculent, des ressources qu’il réinvestie dans l’espace national. La fondation du CEDHD en 2005 répond à sa volonté de créer un espace « indépendant » s’occupant du suivi de l’implémentation du travail de l’IER et du « renforcement des capacités » des sécuritaires en matière de droits humains22.

  • 23 Idem, p. 34
  • 24 La RSS est « le processus politique et technique qui consiste à améliorer la sécurité de l’État et (…)
  • 25 Idem

15Le CEDHD soutient la volonté de modernisation du régime et considère la réforme de la gouvernance sécuritaire comme « composante »23 d’un contrat social renouvelé. Conçue comme politique publique, la « gouvernance sécuritaire » ne vise pas le « secteur de la sécurité » (RSS)24 et évite d’en responsabiliser les agents. Dépourvue de dénonciation, elle implique la révision législative, le renouvellement gestionnaire des services et relie « la responsabilité à la reddition des comptes »25.

  • 26 Référence est faite ici à la place accordée à la « société civile » dans la vie politique du pays p (…)

16Le Centre tire sa légitimité du framework de la justice transitionnelle, de la Constitution de 201126, ainsi que de ses partenariats avec le DCAF et les sécuritaires : en internationalisant l’expérience marocaine, il désamorce la critique vis-à-vis des autorités, les savoirs issus de la transitologie étant un outil stratégique, doté de légitimité institutionnelle, validant le « compromis » relatif à la « responsabilité établie mais désamorcée » (Hibou et Tozy, 2020, p. 201).

Déconflictualiser le sécuritaire pour en légitimer la réforme

  • 27 Rapport de la conférence « Gouvernance sécuritaire … », op. cit., 17, p. 10.

17L’intermédiation du CEDHD amoindrit le « contenu potentiellement déstabilisateur » (Allal, 2010, p. 107) des concepts voyageurs. Ce qui est présenté, par le Centre, comme étant le passage obligé qui permet de dialoguer avec les sécuritaires, se révèle un instrument « confortant les mécanismes de domination politique » du régime (Ibidem, p. 107). Dépourvue de ses « bonnes pratiques » (Deforge, 2019), la promotion de la gouvernance sécuritaire se fait « entreprise de professionnalisation » (Ibidem, p. 129) des agents, son « agenda » ne pouvant se construire que « localement » (Idem). L’internationalisation des référentiels réformistes s’accompagne de l’accommodation de ceux-ci à la « singularité » du cas marocain, l’« échange de bonnes pratiques »27 étant préféré au « transfert » des modèles. En œuvrant à « l’intériorisation par les acteurs internationaux des « interdits » propres à la situation autoritaire » (Allal, 2010, p. 104), le CEDHD a fait primer sa vision auprès du DCAF, en préférant parler de gouvernance sécuritaire au lieu de cibler le secteur de la sécurité, en se rendant inoffensif auprès des autorités.

  • 28 La bonne GSS, adressée aux « services chargés du maintien, de la gestion et du contrôle de la sécur (…)
  • 29 Idem
  • 30 Rapport de la conférence « Gouvernance sécuritaire … », op. cit., 17, p. 36.

18A travers les concepts de (bonne) « gouvernance du secteur de la sécurité » (GSS)28 et de « réforme du secteur de la sécurité » (RSS), le DCAF élargit la sécurité au-delà du spectre conventionnel de la défense militaire et y inclue les ministères, l’appareil judiciaire, le Parlement, contrôleur de l’activité des agents, les médias et la « société civile » exerçant un rôle de contrôle informel29. A la suite du travail de l’IER, le DCAF a profité de l’ouverture du régime à la bonne gouvernance, pour sensibiliser autour de la gouvernance sécuritaire. Au Maroc, le concept de GSS, qui cible le secteur de la sécurité, a été écarté au profit de celui de gouvernance sécuritaire, moins focalisé sur le contrôle démocratique des forces de l’ordre et axé sur l’efficacité des effectifs. Ceci a été dû à la volonté, du CEDHD, de ne pas vouloir aborder la question de la responsabilité des agents dans un contexte de continuité monarchique. Les sécuritaires auraient été initialement méfiants à l’égard du DCAF, en raison de l’insistance, par la fondation, sur le « contrôle » démocratique des forces de sécurité30. Le Centre désamorce le « contenu potentiellement déstabilisateur » (Allal, 2010, p. 107) de la RSS. En promouvant l’efficacité des services, la gouvernance sécuritaire s’érige à « mot du pouvoir » (Rist, 2002) délégitimant la dénonciation.

  • 31 PNUD, Rapport mondial sur le développement humain 1994URL.

19Une autre catégorie qui a fait son entrée dans ce jargon réformiste est celle de « sécurité humaine » (Kaldor, 2006). Tirée de la littérature onusienne31, elle oriente la réponse des États aux besoins « sécuritaires » des populations, en opérant une liaison stratégique entre sécurité et développement humain. Utilisée par le DCAF car employée par ses bailleurs, elle a été accueillie par ses partenaires (CEDHD, Institut Prometheus, DGSN).

  • 32 L’enquête (par focus groups, questionnaires et récits de vie) a ciblé des jeunes de 18 à 34 ans, de (…)
  • 33 Entretien réalisé avec un membre de l’Institut Prometheus, Rabat (2021).
  • 34 Idem
  • 35 Idem

20Employé dans une enquête autour des besoins des jeunes32 en termes de sécurité, appuyée par le DCAF et mise en œuvre par l’Institut Prometheus, le concept a semblé « pertinent »33, pour l’Institut, pour saisir les « besoins sécuritaires » des jeunes en termes de stabilité économique et financière. Consciente du risque de « noyer »34 le sécuritaire, l’ONG a fait du terme un « levier d’action »35 pour attaquer l’enjeu de manière multidimensionnelle, tout en le déconflictualisant. Paradigme flou, la sécurité humaine sert les intérêts à la fois des militant·es professionnalisé·es et des institutions désirant parler de sécurité dans des termes dépolémisés.

  • 36 Institut Prometheus et DCAF, 2022, « La perception … », op. cit. 32, p. 18-20.
  • 37 Ibidem, p. 39. L’enquête a ciblé Al Hoceima, Khouriga, Jerada, Sidi Ifni, Zagora et la Préfecture d (…)
  • 38 Ibidem, p. 39

21Dans un contexte de renouvellement de la répression policière à l’égard des jeunes et de la dissidence politique (Benalioua, 2023) et de déploiement d’un maintien de l’ordre justifié par une « politique du chiffre » (Cheikh et Pluta, 2023, p. 4), la politisation de l’enjeu est tenue à l’écart, via les concepts fourre-tout du « « champ désamorcé » du développement international » (Allal, 2010, p. 100). Dans l’enquête menée par l’Institut36, celui-ci reprend le concept de sécurité humaine pour cibler les « territoires ayant connu des mouvements contestataires ces quinze dernières années »37, afin de « comprendre les rapports causaux entre la crise dans certains territoires et la situation des jeunes »38. L’usage de la catégorie de la « jeunesse » pour revendiquer un changement en termes de politiques publiques euphémise la portée contestataire du M20F, dont les ancien·nes militant·es composent la « nouvelle nomenklatura juvénile » agissant « par projets » (Bono, 2014, p. 153).

Réformer en partenariat : capitaliser sur la convergence d’intérêts

La rhétorique de la « co-construction » de la sécurité

22La place d’interlocuteur privilégié des autorités du CEDHD, au détriment d’acteurs associatifs plus revendicatifs (AMDH, FVJ), lui est assignée en vertu de sa prudence dans le traitement du sécuritaire. Cette exclusivité partenariale dépend du « professionnalisme » du Centre et de son « degré d’insertion » (Sbeih, 2018, p. 6) dans le « « champ désamorcé » du développement international » (Allal, 2010, p. 100).

  • 39 Résumé des propos exprimés par un participant à la conférence « Gouvernance sécuritaire et droits h (…)

Le travail pédagogique du CEDHD a permis l’appropriation collective d’un service qui était prérogative de l’intelligence étatique. Dans les années 1960, 1970 et 1980 était impossible d’en parler. Le positionnement scientifique du CEDHD autour du sécuritaire a contrecarré l’exclusivité monarchique qui a dominé pendant les années de plomb, construite sur des contraintes politiques et idéologiques, changeantes en fonction des humeurs39.

23Le positionnement « scientifique » du CEDHD est mis en scène « de façon managériale » (Allal, 2010), via la mobilisation de savoirs internationalisés déconflictualisant le rapport avec les autorités.

  • 40 Idem.
  • 41 Parmi les fondateur·ices de l’Espace associatif, Transparency Maroc, le FVJ, l’Observatoire marocai (…)
  • 42 Cf. la composition du Conseil (Constitution de 2011, Art. 54, URL). Rapport de la conférence « Gouv (…)

24Lors d’un échange entre les participant·es à une conférence de bilan40, centré sur les marges d’action de la « société civile » en matière sécuritaire, Kamal Lahbib, militant et ancien détenu politique, investi dans l’associatif depuis les années 199041, souligne le manque de mise en œuvre des dispositions constitutionnelles relatives à la participation aux politiques publiques des acteurs non gouvernementaux. Les ONG, selon lui, devraient s’exprimer au Parlement sur les agissements des forces de l’ordre, et au sein du Conseil supérieur de sécurité (Art. 54)42 :

La société civile doit être représentée au sein de ce Conseil afin de contribuer […] à la réflexion autour de la violence légitime de l’État. […] Il est nécessaire de combiner gouvernance sécuritaire et médiation des conflits. L’État doit reconnaître l’indépendance des organisations de la société civile et prévoir des ressources pour celles qui s’occupent de droits humains, afin que les alternatives en termes de politiques publiques ne soient pas du monopole de l’État.

25La participation associative prônée par Lahbib, reste, en matière sécuritaire, fortement contrainte, ne devant pas « indisposer le pouvoir en place » (Cheynis, 2016, p. 39); la « portée décisionnelle » de la « société civile » est « limitée » (Ibidem, p. 38). Lahbib investit un espace associatif qui permet un certain « moyen d’agir, tout en dépassant (…) l’apolitisation du champ politique (Roussillon, Ferrié, 2006) » (Ibidem, p. 46). Il parle de « régression » de la culture des droits humains face à « l’usage excessif » de la force publique contre les « manifestants pacifiques » et d’un tournant sécuritaire limitatif des libertés, en décalage avec les attentes de réforme de la « société civile ». De ce fait, il exprime sa critique de manière dépolémisée et « professionnalisée » (Bouagga, 2018, p. 19), les « limites à ne pas franchir » étant « intériorisés » (Allal, 2016, p. 171).

26Si, d’un côté, Lahbib prône l’investissement de la « société civile » en tant qu’opératrice de réformes, d’autre côté, certain·es représentant·es associatif·ves considèrent qu’elle devrait se limiter à la prestation de services, les institutions devant apporter les solutions politiques. Le CEDHD considère que, son rôle étant consultatif, il ne peut rien face à la faiblesse des syndicats et des partis.

  • 43 DCAF, « Société civile : rôles et responsabilités … », op. cit. 28, p. 4.

27Une vision minimisée du rôle de la « société civile », cantonnée à intermédiaire entre les institutions et leur public, se retrouve dans la logique du DCAF43, qui la met au service de la légitimation de l’appareil sécuritaire, dont la fondation se fait porteuse.

28Au Maroc, le rôle de « sensibilisation » exercé par la « société civile » est appuyé par les autorités, alors que celui de « contrôle » informel est entravé par la non inclusion de celle-ci dans les dispositifs statuant en matière sécuritaire. Sur ce terrain, le CEDHD s’érige à « intermédiaire de la participation » (Cheynis, 2016, p. 50): via le « capital politique » (Juhem, 2001) de son président, il bâtie l’autonomie de son champ d’action en se distinguant à la fois des ONG concurrentes, des partis et de ses partenaires transnationaux (dont les « mots d’ordre » sont remaniés).

La « dose de politique » dans la sélectivité partenariale

29Depuis les années 1990 et suite à la diffusion du développement participatif dans les années 2000 (Cheynis, 2016), le partage de responsabilité entre acteurs étatiques et non gouvernementaux est reconfiguré par le Palais, au prisme du « capital humain » (Allal, 2016, p. 2016). La production des savoirs de réforme s’externalise et fait l’objet de partenariats entre institutions, ONG et experts internationaux.

  • 44 Informations tirées du texte de l’accord de partenariat tripartite entre la DGAPR, le DCAF et le CE (…)
  • 45 Idem
  • 46 Entretien avec un responsable de plaidoyer chez une ONG européenne, réalisé à distance, en décembre (…)

30En 2017, le DCAF, la DGAPR et le CEDHD ont signé un mémorandum d’entente portant sur le « renforcement des capacités du personnel pénitentiaire et des médecins des prisons », qui prévoit la création d’outils d’information pour les agents autour des bonnes pratiques de prévention de la torture. A cela s’est ajouté, en 2021, l’objectif de « diffusion, ancrage et promotion de la culture des droits de l’homme dans le milieu carcéral ». Dans ce cadre, la DGAPR et le DCAF affichent un partage d’objectifs tels que l’humanisation des conditions de détention, la réinsertion, la modernisation des services, le renforcement des « capacités et compétences du système carcéral »44. Répondant à l’exigence de relégitimation des sécuritaires, face à la répression du Hirak, ces collaborations promeuvent « un agenda de moralisation de la vie publique » qui renforce la réputation des institutions (Bouagga, 2018, p. 14). Parmi les activités à réaliser avec le DCAF et le CEDHD, la DGAPR indique la préparation d’une « étude sur la « situation des prisons au Maroc à partir de l’approche « droits humains » »45. Pour cela, le DCAF a obtenu l’accès aux structures pénitentiaires, limité à des rencontres avec l’administration, sans possibilité d’échange avec les détenu·es46. Strictement encadré, l’accès est un enjeu crucial pour la DGAPR, partagée entre volonté d’ouverture et de préservation des critiques.

  • 47 Entretien avec un agent de la DGAPR (Rabat, 2022).

31« Instrumentalisée au service d’une réforme de modernisation plutôt que de démocratisation » du sécuritaire (Bouagga, 2018, p. 18), la « société civile » ne joue pas un « véritable rôle de contre-pouvoir » (Ibidem, p. 19). Les critères d’expertise, spécialisation, internationalisation et « réputation »47, plus ou moins « contestataire », des ONG, sont employés par la DGAPR pour sélectionner ses partenaires associatifs, dans une visée de dépolémisation de leur participation, limitée à appuyer la « modernisation » administrative, via la formation et l’aide à la réinsertion. Comme le dit Allal (2016), le « dispositif de participation est aussi une contrainte qui permet d’exclure ceux qui ne parviennent pas à intégrer le langage du pouvoir » (Allal, 2016, p. 157).

  • 48 Cf. supra note n. 46.

32A travers le CEDHD, le DCAF a pu développer ses partenariats avec les institutions, le Centre étant sa « porte d’entrée »48 au Maroc, garant de l’action non dénonciatrice de la fondation, tenue à l’écart de toute suspicion d’ingérence. Pour le Centre, le partenariat avec le DCAF lui permet de gagner en crédibilité auprès des autorités et d’appuyer la « modernisation » du régime. Lcoopération avec le DCAF participe à la construction de l’« apparence libérale » (Dupret et Ferrié, 2011) du secteur sécuritaire. L’objectif de contrôle, issu de la littérature sur la RSS qui traite de l’enjeu de l’accountability des sécuritaires (Larzillière, 2016), négocié avec les autorités, est moins investi, par le DCAF, au Maroc, par rapport à celui qui vise l’efficacité des services.

  • 49 Idem

Il y a un peu de diplomatie au moment du choix des acteurs, ce serait difficile pour le DCAF de se mettre en partenariat avec l’AMDH, par exemple. […] Parce-qu’il faut renforcer les capacités des autorités en matière de compréhension des normes internationales mais on ne peut pas se contenter de cela. Il faut qu’il y ait des journalistes formés pour faire un suivi sérieux de ces questions du côté de la société civile, des médecins légistes, de tout l’environnement extra-étatique49.

  • 50 Entretien réalisé avec un militant associatif (Casablanca, 2022).
  • 51 Idem
  • 52 Idem

33La nécessité du DCAF d’interagir avec des acteurs non gouvernementaux pouvant jouer un rôle de contrôle informel vis-à-vis des pouvoirs publics, via la dénonciation des pratiques abusives, se heurte aux limitations de la liberté d’expression et d’association. Le DCAF ne s’engage pas dans des partenariats avec des ONG ayant un rapport critique à l’État, faute de quoi il ne pourrait pas mener à bien ses activités. La fondation aurait abandonné, en 2010, un projet avec le FVJ, qui portait sur la production d’une veille législative sur la gouvernance sécuritaire au Maroc50. Cela aurait été dû au manque de « validation étatique » du partenariat, selon l’avis d’un militant. Or, les bailleurs dans le domaine sécuritaire n’étant pas nombreux, il s’avère difficile de trouver des financements alternatifs, il dit51: « tant les opportunités restent rares, tant le marché participatif est restreint » (Allal, 2016, p. 180). La « dose de politique »52 qui joue dans le choix des partenaires contraint les coopérations autorisées à se mettre en place. Le DCAF s’y conformant, il préserve ses intérêts et ceux de ses bailleurs, dictés par leurs préoccupations sécuritaires. Le FVJ ne garantissant pas au DCAF, par rapport au CEDHD, la même entrée dans le jeu institutionnel, les raisons de sa mise à l’écart peuvent être comprises dans ces termes, la sélectivité partenariale influençant ainsi la « structuration du leadership local » (Gaudin et Vairel, 2019, p. 85).

Sensibiliser à la réforme entre discours et pratiques

Le langage de la formation entre légalisme et approche gestionnaire

34A la fois outil mis à disposition par des acteurs externes (ONG, fondations) et instrument capté par les institutions dans une optique de capitalisation en interne, la formation des agents, qui véhicule les standards vers lesquels orienter la déontologie des professions, répond à la « demande de transparence pour moraliser l’institution » qui souhaite renforcer ses technologies de contrôle, « moderniser » son appareil répressif et améliorer sa « réputation » (Bouagga, 2022, p. 13). A fort caractère légaliste, la visée de ces formations est d’outiller les agents des savoirs nécessaires pour répondre aux sollicitations des organes internationaux (ex. les procédures spéciales de l’ONU). Les pratiques institutionnelles apparaissent « harmonisées » avec les standards internationaux, sans qu’il y ait un véritable « transfert » des modèles (Bouagga, 2016, p. 55).

  • 53 Cf. supra note n. 39.

35Questionné par un militant sur la répression violente du Hirak, lors d’une conférence du CEDHD en 201953, un agent sécuritaire dit que la DGSN a institué des procédures de dépôt de plainte et que, à la suite de formations dispensées aux agents sur le sujet, le nombre de plaintes déposées aurait diminué. La formation est présentée en tant qu’outil de légitimation des agents, dont les pratiques se disent plus respectueuses des droits. Cette rhétorique défensive alimente la mise en scène par les chiffres de l’investissement des institutions dans le renforcement, managérial et légaliste, de leurs effectifs (Cheikh, 2023).

  • 54 Entretien avec un agent de la DGAPR (Rabat, 2022).

36La formation répond à la volonté d’affichage du « renouveau » des institutions sécuritaires, qui vise leur ré-légitimation. Ici, la sécurité se fait enjeu multidimensionnel appelant au partage des responsabilités dans la gestion du sécuritaire, ce qui décharge les institutions de leurs et leur permet de déconflictualiser le rapport avec le public. L’ouverture aux partenariats aurait permis, d’après la DGAPR54, un traitement plus compréhensif, fortement encouragé par l’État, des questions sécuritaires : les partenaires œuvrent à l’alignement marchandé de l’administration sur les standards internationaux, conçu sous un prisme gestionnaire.

  • 55 DGSN, Revue de la police, janvier 2015, n° 6.
  • 56 Idem
  • 57 DGSN, Revue de la police, février-mars 2015, n° 14.
  • 58 DGSN, Revue de la police, février-mars 2015, n° 7, p. 44.
  • 59 Idem

37Au sein de la DGSN, les formations sur les droits sont conçues comme un instrument de moralisation du corps policier et de prévention contre la torture55. L’institution considère le partenariat avec la « société civile » comme une plus-value œuvrant au « perfectionnement des attitudes professionnelles » des agents. Espace d’influence limité mais nouveau, permettant l’investissement d’une partie du milieu associatif dans des dynamiques de partenariat avec les institutions, la formation permet d’afficher la « modernisation » et le « renforcement » des effectifs. Sa capitalisation en interne, par l’institution, permettrait, selon celle-ci, de responsabiliser les supérieurs hiérarchiques vis-à-vis de leurs subordonnés face à « tout manquement ou abus professionnel »56. De ce fait, les sécuritaires font des formations un outil leur permettant de contrecarrer les critiques à l’égard de leurs pratiques répressives (Cheikh, 2023). Des prérogatives managériales accompagnent la priorisation de la formation : il s’agit pour les agents sécuritaires de viser l’« optimisation des services », l’« évolution des techniques », la construction d’un « savoir professionnel »57. Issue du management participatif58, repris du modèle visant le « progrès des performances »59 des entreprises, la rationalisation des services s’accompagne d’une médiatisation de l’activité policière visant à « garantir la pacification des relations sociales » (Cheikh et Pluta, 2023, p. 6), dans un contexte post-M20F et post-Hirak alimentant les inquiétudes des sécuritaires, amenés à se justifier et à se défaire des critiques. Les recettes néolibérales déconflictualisantes (Hibou, 2012, p. 72), « co-créées » par le management participatif, participent à la « consolidation d’un « devenir-restauration » » (Allal et Vannetzel, 2017).

Communiquer la « proximité » pour faire preuve d’« ouverture »

38La « dose de politique » entourant le sécuritaire se reflète dans le manque d’investissement des partis sur le sujet. A propos de l’emprise monarchique sur le sécuritaire, un militant parle d’une « connivence » qui existerait du côté des partis, sur le fait de ne pas toucher aux questions afférant aux Forces Armées Royales (FAR) :

  • 60 Entretien, Casablanca (avril 2022).

Tout le monde a des choses à cacher et du coup on préfère ne pas être dénoncé par les forces de sécurité via des menaces. Un représentant de l’État doit être « clean », cela [la corruption] se passe dans toutes les parties du monde … Elles [les FAR] sont laissées donc tranquilles, elles ne se doivent de rendre des comptes qu’au roi60.

39D’après lui, les sécuritaires préfèrent que le gouvernement soit considéré responsable de leurs actions, qu’il y ait un « État qui les protège ». A ce propos, il évoque le débat serré qui a eu lieu entre le FVJ et le gouvernement Benkirane en 2011, à propos du projet de loi 01-02 concernant les garanties accordées aux militaires des FAR, qui prévoyait l’immunité de l’armée (Art. 7). Face à la proposition du Forum de convier les FAR à la discussion, le Président des chambres des représentants de l’époque, Habib el Malki (USFP) et Mustapha Ramid (PJD), ministre de la Justice, auraient déclaré de ne pas être au courant du projet. En l’occurrence, Malki aurait invité le FVJ à ne pas s’y intéresser. D’après le militant, Benkirane aurait signé la loi sans s’intéresser à son contenu car, s’agissant des FAR, la question était de prérogative royale. En dépit de l’absence de l’immunité pénale pour les FAR, enlevée par volonté royale, il considère que le corps reste encore « intouchable » et qu’il manque de transparence :

  • 61 Idem

L’armée pèse dans tout ce qui est de l’ordre du stratégique. Elle ne fait pas de déclarations, elle maintient la stabilité contre toute tentative de coup d’État. […] Tous les politiciens s’accordent pour ne pas toucher à ce qui concerne les militaires […] ça ne concerne que le roi, personne d’autre. […] Il y a une « immunité » qui n’est pas remise en discussion, par exemple dans le cadre de l’approbation du budget de l’armée61.

40D’après lui, la gouvernance sécuritaire est prérogative du makhzen, à tel point que les gouvernements (El Othmani, Akhannouch) n’ont jamais planifié des politiques publiques en la matière. Dans les programmes des partis (RNI, Istiqlal, PAM) aux élections de 2021, aucune mention n’aurait été faite à la « sécurité », selon lui. Dans sa vision, l’exécutif « bicéphale » serait « accepté » par les partis comme garantie de stabilité et le fait que les gouvernements El Othmani et Akhannouch, sollicités par le FVJ, aient accepté d’inclure dans leurs programmes la mise en œuvre des recommandations de l’IER, représente un gain significatif, dans un contexte de « réformes considérables » à l’échelle des services (ex. DGSN).

  • 62 DGSN, « La gouvernance sécuritaire : le nouveau concept de la police citoyenne », Revue de la polic (…)
  • 63 Ibidem, p. 4
  • 64 Idem
  • 65 Ibidem, p. 16
  • 66 Rapport de la conférence « Gouvernance sécuritaire … », op. cit. 17, p. 20.
  • 67 Ibidem, p. 15
  • 68 DCAF et CEDHD, « Gouvernance du secteur de la sécurité au niveau local », Actes de séminaire, 2020, (…)

41D’après la DGSN, la « perpétuité de l’État »62 repose sur la bonne gouvernance sécuritaire, qui passe par l’utilisation « licite » de la force publique. Ce registre, prôné dans le contexte de la « restauration autoritaire » post-M20F (Cheikh, 2023), sert à justifier les pratiques institutionnelles du maintien de l’ordre, en résonance avec le discours royal du 15 mai 2015, qui a ouvert la voie à la « réforme », par la militarisation, du corps policier (Ibidem, p. 19). Les institutions prônent l’association du public à l’élaboration des politiques, via des « actions intégrées de communication »63 visant la « prévention » des risques64. Dans cette logique de co-production de la sécurité, le monopole étatique en la matière, caractérisant les années 1970 et 1980, se dit avoir été abandonné65. La sécurité devient une « question d’ordre social »66 : la logique d’association capte la critique et sert les intérêts des sécuritaires. La sécurité, considérée levier de développement, promeut la « police citoyenne »67. L’« amélioration des structures d’accueil » via la féminisation du corps policier, la création de « cellules de prise en charge des femmes victimes de violence » et des mineurs et d’unités garantissant la réponse aux urgences : c’est ainsi que sont présentées les « réalisations de la DGSN » en matière de police de proximité68. Issus du community policing, repris par la DGSN dans les années 2000, ces outils de réforme participent au travail de « ré-enchantement » (Cheikh, 2023), engagé par une institution qui justifie son maintien de l’ordre par la rhétorique du rapprochement envers la population.

  • 69 Rapport de la conférence « Gouvernance sécuritaire … », op. cit. 17, p. 37.
  • 70 Idem

42Conscients des critiques adressées à la police de proximité, qui pointent l’instrumentalisation de la population « partenaire » 69, le DCAF, le CEDHD et la DGSN y font recours, attirés par le discours sur la responsabilité sécuritaire qu’il véhicule. Les agents sont censés s’« autonomiser »70, dans une logique d’empowerment dépourvu de « sens émancipateur » (Parizet, 2016, p. 80), via l’apprentissage des nouveaux codes à maitriser. Face à cela, certains récusent une vision de la sécurité réduite au renforcement légaliste de l’État de droit et incapable de se faire politique et sociale, ce qui ressortirait de la répression à l’égard du Hirak du Rif.

Conclusion

43La quête de consensus autour de la « bonne » gouvernance sécuritaire sert la cause de la légitimation croisée entre des acteurs sécuritaires en quête de « consolidation » institutionnelle (Cheikh, 2023), à atteindre sous un prisme légaliste, technique et managérial, les ONG, désireuses de s’impliquer dans la « co-gestion » du sécuritaire, et les partenaires transnationaux, qui visent la mise en œuvre des projets financés par les bailleurs. Ancré dans la « rhétorique partagée » de la transitologie, le consensus décrédibilise la critique radicale (Vairel, 2007, p. 123-124) et repose sur le « registre de pertinence démocratique » (Ferrié et Dupret, 2008, p. 254) des réformes à réaliser.

44La sécurité et le développement, deux concepts dont la fluidité permet des « négociations » répondant aux « intérêts » des partenaires (Leboeuf, 2006, p. 70), s’associent. Soucieuses de dialoguer avec les institutions, les ONG dépolémisent les concepts voyageurs. L’externalisation des savoirs de réforme, réadaptés localement, dépolitise l’enjeu sécuritaire, fortement clivant et source de réticences, les partis politiques se montrant rétifs à s’y attacher, pour crainte de toucher aux prérogatives royales et les ONG le traitant dans des termes édulcorés. Les institutions captent des engagements propres du secteur non gouvernemental et les partagent avec une partie, bien filtrée, de ce dernier, conscientes de l’utilité de maitriser les savoirs de réforme (Vairel, 2019, p. 69-70) à des fins de légitimation de leurs pratiques, dont le caractère répressif est contesté.

45Le développementalisme s’imbriquant à la promotion de la démocratie (Delpeuch, 2006 ; Carothers, 2010), la participation politique déconflictualisée s’« individualise » et son pluralisme est recomposé « par le haut » (Vairel, 2019, p. 66). Ceci permet d’envisager la réforme sous l’angle de l’efficience technique, sans politisation. Le manque de dénonciation vis-à-vis des sécuritaires permet d’aborder leur responsabilisation sous un prisme néolibéral (Hibou et Tozy, 2020), celle-ci étant procéduralisée par le « contrôle diffus » (Labzaé, 2014, p. 180) promu par le management participatif et par le cadrage « abstrait » du NPM. Ici, la bonne gouvernance sert de « dispositif de légitimation » des institutions, dans un contexte où le sécuritaire reste de prérogative royale (Hibou et Tozy, 2020, p. 143-144). Face à la demande de reddition des comptes du M20F, la responsabilité institutionnelle n’a pas été traitée en profondeur, les autorités s’étant limitées à y répondre via la création d’instances consultatives dépourvues des lois de mise en œuvre (Ibidem, p. 192).

46Les clivages de l’époque de l’IER, entre les tenants de la responsabilité institutionnelle et personnelle des agents (FVJ) et la volonté royale d’établissement d’une responsabilité « désamorcée » évacuant l’accountability de ces derniers (Ibidem, p. 202), ressurgissent dans la mise à l’écart des critiques à l’encontre du consensus réformiste dominant. Le processus participatif est « verrouillé » (Hibou et Tozy, 2020, p. 194), la « co-production des normes, des discours et des pratiques » (Atlani-Duault, 2005) de développement étant soumise à la « mise en clientèle sélective » des intermédiaires (Pirotte, 2011), par l’État limitateur de « pluralisme politique » (Allal, 2010, p. 111).

Irene Lizzola


Doctorante et ATER en science politique, laboratoire Les Afriques dans le Monde (LAM – CNRS UMR 5115), Sciences Po Bordeaux

Bibliography

ALLAL Amin, 2010, « Les configurations développementistes internationales au Maroc et en Tunisie : des policy-transfers à portée limitée », Critique internationale, 48, p. 97-116.

ALLAL Amin, 2016, « « Penser global, agir dans un bocal ». Participation locale, régulation néo-libérale et situation autoritaire en Tunisie (2006-2010) », Gouvernement et action publique, 2/5, p. 153-181.

BENALIOUA Mariam, 2023, « Réprimer par le droit : L’intervention de la Brigade nationale de police judiciaire dans les procès du Hirak El-Rif », L’Année du Maghreb, vol. 30, URL.

BENNANI-CHRAÏBI Mounia, 2021, Partis politiques et protestations au Maroc (1934-2020), Presses universitaires de Rennes. https://doi.org/10.4000/books.pur.142665

BONO Irene, 2013, « Une lecture d’économie politique de la « participation des jeunes » au Maroc à l’heure du Printemps arabe », Revue internationale de politique comparée, 20/4, p. 145-166.

BOUAGGA Yasmine, 2016, « Une mondialisation du « bien punir » ? La prison dans les programmes de développement », Mouvements, 4/88, p. 50-58.

BOUAGGA Yasmine, 2018, « Pas de révolution dans les prisons : réformes et inerties dans le système répressif de l’après Ben Ali », in Geisser, V. et Allal, A. (dir.), Tunisie : une démocratisation au-dessus de tout soupçon ?, CNRS Éditions, p. 205-228.

BOUAGGA Yasmine, 2022, Les langages de la réforme pénitentiaire: Comment dire la punition en période de transition politique (Tunisie, 2011-2019), in Le Marcis, F., Morelle M. (dir.), L’Afrique en prisons, ENS Éditions, Lyon.

CAMAU Michel, GEISSER Vincent, 2003 Le syndrome autoritaire. Politique en Tunisie de Bourguiba à Ben Ali, Presses de Sciences Po, « Académique ».

CAROTHERS Thomas, 2010, “Democracy Support and Development Aid: The Elusive Synthesis”, Journal of Democracy, 21, p. 12–26.

CATUSSE Myriam, VAIREL Frédéric, 2010, « Question sociale et développement : les territoires de l’action publique et de la contestation au Maroc », Politique africaine, 4/120, p. 5-23.

CHEIKH Mériam, 2023, “« Paroles de flics ». Communications policières et actualité politique au Maroc (2005-2023)”, L’Année du Maghreb, vol. 30, URL.

CHEIKH Mériam, PLUTA Audrey, 2023, « L’ordre et la force. Police, sécurité et surveillance au Nord de l’Afrique », L’Année du Maghreb, vol. 30, URL.

CHEYNIS Éric, 2013, « Les reconversions dans l’associatif de militants politiques marocains. Ruptures, continuités et fidélité à soi », Politix, 102, p. 147-173.

CHEYNIS Éric, 2016, « Les pionniers de la participation au Maroc. Espace de reclassement et constitution d’un savoir autonome », Participations, 1/14, p. 37-59.

DEFORGE Quentin, 2019, « Une expertise internationale sans « bonnes pratiques » : soutenir la professionnalisation du travail parlementaire dans la Tunisie d’après 2011 », Critique internationale, 83, p. 127-145.

DELPEUCH Thierry, 2006, « La coopération internationale au prisme du courant de recherche «droit et développement» », Droit et société, 62, p. 119–175.

DUPRET Baudouin, FERRIE Jean-Noël, 2011, « Réforme par le droit et société civile » in Bozzo A. (dir.), Les sociétés civiles dans le monde musulman, Paris, La Découverte, p. 273-292.

FERRÉ Nathalie, 2018, « La fabrique de la « société civile » entre évitement du politique et politisation : usages d’un dispositif de l’action extérieure européenne en Tunisie », Revue Gouvernance / Governance Review, 15/1, p. 15–42.

FERRIÉ Jean-Noël, 2003, « « Société civile », autoritarisme et globalisation des normes. Une analyse des effets de la « solidarité sans consensus » », Journal des anthropologues, 94-95, p. 75-91.

FERRIÉ Jean-Noël, DUPRET Baudouin, 2008, « Pertinence et procédures démocratiques en contextes parlementaires non démocratiques : la Syrie, l’Afghanistan et le « cercle vertueux » », Revue internationale de politique comparée, 15, p. 251-275. 

GAUDIN Jean-Pierre, VAIREL Frédéric, 2019, « Conclusion : le « travail » politique de la gouvernance. Approches localisées des élites du développement », Revue Gouvernance / Governance Review, 16/2, p. 81–88.

HIBOU Béatrice, TOZY Mohamed, 2020, Tisser le temps politique au Maroc. Imaginaire de l’État à l’âge néolibéral, Paris, Éditions Karthala.

KALDOR Mary, 2006, « La sécurité humaine : un concept pertinent ? », Politique étrangère, 4, p. 901-914.

LABZAÉ Mehdi, 2020, « Le nouvel esprit de la bureaucratie », Genèses, 1/118, p. 154-159.

LARZILLIÈRE Pénélope, 2016, « La ‘réforme du secteur de la sécurité’. Généalogie critique du discours sécurité et développement », Revue Tiers Monde, 226-227, p. 147-170.

LEBOEUF Aline, 2006, « Sécurité et développement : acteurs et consensus », Afrique contemporaine, 2, p. 69-83.

LEFRANC Sandrine, 2009, « La professionnalisation d’un militantisme réformateur du droit : l’invention de la justice transitionnelle », Droit et société, 3, p. 561-589.

MAYAUX Pierre-Louis, ROUSSEAU Max, 2021, « Extraire la ressource, s’extraire du conflit. Réguler la surexploitation des mines et des eaux souterraines au Maroc », Revue internationale de politique comparée, 3-4/28, p. 125-153.

N’DIAYE Marième, NOÛS Camille, VAIREL Frédéric, 2021, « Une affaire de succès et d’échec ? Comprendre les trajectoires de réforme du statut juridique des femmes au Maroc et au Sénégal », Gouvernement et action publique, 10, p. 9-33.

PARIZET Raphaëlle, 2016, « Le ‘pauvre d’abord’. Une analyse des dynamiques circulatoires de la participation populaire au développement », Participations, 14, p. 61-90.

PÉTRIC Boris (dir.), 2012, La fabrique de la démocratie : ONG, fondations, think tanks et organisations internationales en action, Paris, Éditions de la Maison des sciences de l’homme.

PIROTTE Gautier, 2011, « Repenser la sociologie du développement entre dynamiques du dedans et dynamiques du dehors. Une réflexion à partir du projet de société civile au Bénin », Cahiers d’études africaines, 2, p. 473-490.

RHANI Zakaria, NABALSSI Khalid, BENALIOUA Mariam, 2020, “‘The Rif again!’ popular uprisings and resurgent violence in post-transitional Morocco”, The Journal of North African Studies, 27, p. 326-361.

SBEIH Sbeih, 2018, « Le temps du développement en Palestine », Temporalités, vol. 27, URL.

SIMÉANT-GERMANOS Johanna, 2012, « Localiser le terrain de l’international », Politix, 100, p. 129–147.

SIMÉANT-GERMANOS Johanna, 2014, Contester au Mali. Formes de la mobilisation et de la critique à Bamako. Karthala, « Les Afriques ».

VAIREL Frédéric, 2007, « La transitologie, langage du pouvoir au Maroc », Politix, 80, p. 109-128.

VAIREL Frédéric, 2008, « 8 : L’opposition en situation autoritaire : statut et modes d’action », in Dabène, O. (dir.), Autoritarismes démocratiques. Démocraties autoritaires au XXIe siècle, Paris, La Découverte, « Recherches », p. 213-232.

VAIREL Frédéric, 2019, « Ce que le développement fait au traitement d’un passé violent. Élites et pratiques de la « réparation communautaire » au Maroc », Revue Gouvernance / Governance Review, 16, p. 60–83.

VAIREL Frédéric, 2021, « Règlement du passé violent et transformation de la coalition gouvernante au Maroc (1999-2016) », dans : Maya Collombon éd., Dynamiques des tournants autoritaires. Vulaines-sur-Seine, Éditions du Croquant, « Sociopo », p. 141-167.

VAIREL Frédéric, ZAKI Lamia, 2011, « Politisation sous contrainte et politisation de la contrainte : outsiders politiques et outsiders de la ville au Maroc », Critique internationale, 1/50, p. 91-108.

Top of page

Notes

1 L’IER, créé par dahir royal le 7 janvier 2004, est l’instrument extrajudiciaire qui a assuré la « mise en responsabilité établie mais désamorcée » (Hibou et Tozy, 2020, p. 201) relative aux violations graves des droits de l’homme des années de plomb.

2 Critiquée pour son sociocentrisme, la transitologie est un discours savant qui « se mue au Maroc (tout comme ailleurs) en langage du pouvoir » (Vairel, 2007, p. 109). Elle « étudie les transformations des États post-autoritaires (…) qui permettent la mise en place de dispositifs et modalités de gouvernement propres aux démocraties pluralistes » (Cirstocea, 2013, p. 493).

3 Les « années de plomb » indiquent la phase de durcissement du caractère répressif du régime de Hassan II, « de la déclaration de l’état d’urgence à la suite des émeutes du 23 mars 1965 au début des années 1990 » (Vairel, 2021, p. 150).

4 Le makhzen désigne « l’appareil de domination marocain pour en souligner le caractère traditionnel et spécifique, au risque de lui prêter une dimension incomparable » (Catusse et Vairel, 2010, p. 7).

5 Le discours royal du 12 octobre 1999 introduit le « nouveau concept d’autorité » : vulgate du renouvellement du régime, il prône la mise au service de l’administration à l’égard des administrés (Vairel, 2008, p. 220 ; Catusse et Vairel, 2011, p. 8).

6 La catégorie de « société civile (…) procéduralise l’évitement du politique » et contribue à filtrer les acteurs associatifs partenaires des projets (Ferré, 2018, p. 21).

7 Le FVJ incarne le « processus d’interactions (…) entre politique protestataire et politique instituée, entamée à la fin des années 1990 » (Vairel, 2021, p. 142).

8 En 2013, un groupe de militant·es du FVJ a créé le « Comité marocain démocratie et sécurité », qui s’intéresse au rôle des partis et des ONG dans l’action publique sécuritaire.

9 Dans le socle du « réformisme » des ONG « traditionnelles » (AMDH, OMDH), l’Institut, investi dans l’évaluation des politiques publiques, revendique une posture « apolitique » et « pragmatique » (entretien avec un membre fondateur, Rabat, 2021).

10 Le DCAF, fondation intergouvernementale basée en Suisse, pilote le Trust Fund for North Africa, financé par des États européens et créé à l’issue des soulèvements arabes pour répondre à leurs soucis sécuritaires. Il promeut le « renforcement de la gouvernance sécuritaire » dans des pays (Tunisie, Libye, Maroc, Égypte) considérés en « demande » de coopération.

11 Entretien avec un militant associatif, Casablanca, 2022.

12 Suite à la mort de M. Fikri à Al Hoceima (2016), le mouvement du Hirak, connu pour ses revendications à caractère socioéconomique (2011), est investi par un tournant répressif, justifié, par les autorités, sous couvert du combat contre le « séparatisme » (cf. Rhani, Nabalssi, Benalioua, 2020).

13 La « déconflictualisation des questions ne constitue pas (…) un instrument dont l’État autoritaire aurait le monopole » (Vairel et Zaki, 2011, p. 105), le lexique de la bonne gouvernance étant partagé.

14 La « recherche d’unanimisme » amoindrit le caractère revendicatif des acteurs associatifs (Vairel, 2007, p. 123-124). Ici, « la libéralisation sert (…) à entraîner l’opposition dans un « jeu de consensus » bénéfique aux gouvernants » (Ferrié, 2003, p. 2).

15 Jouer le jeu de la contrainte n’équivaut pas à consentir à ses logiques d’imposition (Siméant-Germanos, 2014, p. 22). Tout en étant « comprise » par les acteurs, la contrainte « est réinterprétée, contournée, négociée » (Vairel et Zaki, 2011, p. 107).

16 Parmi celles-ci: 1) une réforme constitutionnelle (séparation des pouvoirs, contrôle judiciaire de constitutionnalité) ; 2) une politique nationale en matière de sécurité (lutte contre l’impunité des forces de l’ordre, alignement aux droit international) ; 3) la criminalisation de la torture, des disparitions forcées, de la détention arbitraire ; 4) le renforcement du contrôle parlementaire sur le secteur de la sécurité ; 5) la responsabilisation du gouvernement vis-à-vis du maintien de l’ordre.

17 « Gouvernance sécuritaire et droits humains : bilan d’une expérience », CEDHD et Danish Institute for Human Rights, Rabat, 2019, p. 9.

18 Idem

19 Idem

20 Ibidem, p. 13

21 Cf. le site du CNDH (URL).

22 Rapport de la conférence « Gouvernance sécuritaire … », op. cit., 17, p. 18.

23 Idem, p. 34

24 La RSS est « le processus politique et technique qui consiste à améliorer la sécurité de l’État et la sécurité humaine à travers la prestation, la gestion et le contrôle efficaces et responsables des services de sécurité, dans le cadre d’un contrôle civil et démocratique, et dans le respect de l’état de droit et des droits humains » (DCAF, « La réforme du secteur de la sécurité : appliquer les principes de bonne gouvernance au secteur de la sécurité », RSS document d’information, p. 2).

25 Idem

26 Référence est faite ici à la place accordée à la « société civile » dans la vie politique du pays par la Constitution, ainsi qu’à la disposition de l’Art. 54 portant sur le droit à la sécurité et instituant le Conseil supérieur de sécurité (cf. Rapport de la conférence « Gouvernance sécuritaire … », op. cit. 17).

27 Rapport de la conférence « Gouvernance sécuritaire … », op. cit., 17, p. 10.

28 La bonne GSS, adressée aux « services chargés du maintien, de la gestion et du contrôle de la sécurité publique », repose sur les principes de transparence, responsabilité, État de droit, participation, réactivité, efficacité et efficience (DCAF, « Société civile : rôles et responsabilités dans le cadre d’une bonne gouvernance du secteur de la sécurité », RSS document d’information, p. 5).

29 Idem

30 Rapport de la conférence « Gouvernance sécuritaire … », op. cit., 17, p. 36.

31 PNUD, Rapport mondial sur le développement humain 1994URL.

32 L’enquête (par focus groups, questionnaires et récits de vie) a ciblé des jeunes de 18 à 34 ans, de « milieux familiaux et sociaux différents », et s’est focalisée sur « le/la jeune citadin(e) en tant que moteur de changement » (Institut Prometheus et DCAF, 2022, « La perception de la sécurité humaine par les jeunes marocaines et marocains d’aujourd’hui », p. 39-40).

33 Entretien réalisé avec un membre de l’Institut Prometheus, Rabat (2021).

34 Idem

35 Idem

36 Institut Prometheus et DCAF, 2022, « La perception … », op. cit. 32, p. 18-20.

37 Ibidem, p. 39. L’enquête a ciblé Al Hoceima, Khouriga, Jerada, Sidi Ifni, Zagora et la Préfecture de Marrakech, en tant que foyers de contestations sociales (respectivement, Hirak du Rif, 2016; jeunes chômeurs, 2011; protestations sociales de 2018 et de 2008; manifestations de la soif de 2018) ou provinces impactées par l’épidémie de Covid-19 (Ibidem, p. 41).

38 Ibidem, p. 39

39 Résumé des propos exprimés par un participant à la conférence « Gouvernance sécuritaire et droits humains : bilan d’une expérience » (Rabat, novembre 2019).

40 Idem.

41 Parmi les fondateur·ices de l’Espace associatif, Transparency Maroc, le FVJ, l’Observatoire marocain des prisons (OMP), l’Observatoire marocain des libertés publiques et le Forum marocain des alternatives (2002), il fait partie des militant·es qui ont fait de leur « compagnonnage politique ancien (…), leur intérêt pour les questions de « justice transitionnelle » et leur disponibilité à travailler avec les autorités (Bosi, 2016) » (Vairel, 2019, p. 68), le vecteur d’une « reformulation de leurs engagements passés (Tissot, 2005) » (Idem), en participant à l’action publique via l’associatif. Ceci se réalise à l’écart des partis, jugés ayant peu d’emprise sur l’action publique.

42 Cf. la composition du Conseil (Constitution de 2011, Art. 54, URL). Rapport de la conférence « Gouvernance sécuritaire … », op. cit. 17, p. 83-84.

43 DCAF, « Société civile : rôles et responsabilités … », op. cit. 28, p. 4.

44 Informations tirées du texte de l’accord de partenariat tripartite entre la DGAPR, le DCAF et le CEDHD.

45 Idem

46 Entretien avec un responsable de plaidoyer chez une ONG européenne, réalisé à distance, en décembre 2022.

47 Entretien avec un agent de la DGAPR (Rabat, 2022).

48 Cf. supra note n. 46.

49 Idem

50 Entretien réalisé avec un militant associatif (Casablanca, 2022).

51 Idem

52 Idem

53 Cf. supra note n. 39.

54 Entretien avec un agent de la DGAPR (Rabat, 2022).

55 DGSN, Revue de la police, janvier 2015, n° 6.

56 Idem

57 DGSN, Revue de la police, février-mars 2015, n° 14.

58 DGSN, Revue de la police, février-mars 2015, n° 7, p. 44.

59 Idem

60 Entretien, Casablanca (avril 2022).

61 Idem

62 DGSN, « La gouvernance sécuritaire : le nouveau concept de la police citoyenne », Revue de la police, janvier 2015, n° 6, p. 3.

63 Ibidem, p. 4

64 Idem

65 Ibidem, p. 16

66 Rapport de la conférence « Gouvernance sécuritaire … », op. cit. 17, p. 20.

67 Ibidem, p. 15

68 DCAF et CEDHD, « Gouvernance du secteur de la sécurité au niveau local », Actes de séminaire, 2020, p. 26-29.

69 Rapport de la conférence « Gouvernance sécuritaire … », op. cit. 17, p. 37.

70 Idem

Top of page

References

Electronic reference

Irene Lizzola“Plaider la « bonne gouvernance sécuritaire » au Maroc : Domestiquer les savoirs de réforme en régime de contrainte consensuelle”L’Année du Maghreb [Online], 31 | 2024, Online since 02 September 2024, connection on 22 November 2024URL: http://journals.openedition.org/anneemaghreb/12973; DOI: https://doi.org/10.4000/11x4a

The text only may be used under licence CC BY-NC-SA 4.0. All other elements (illustrations, imported files) are “All rights reserved”, unless otherwise stated.

Source : https://journals.openedition.org/anneemaghreb/12973

A LIRE.
■ Sur la place des femmes et le rôle des familles de détenus durant les années de plomb.
●”Place des femmes dans les années de plomb et renouveau de la culture amazigh”,Latifa Babas, traduction Ghita Zine, entretien avec Brahim El Guabli, Yabiladi, 8 octobre 2024, en accès libre.
●”Années de plomb et mouvement des familles de détenus politiques”, Alif Post, 8 novembre 2014, José M.Gonzalez Riera, en accès libre.
■ Mémoriel.
●”La transformation de l’ancien centre de détention de Derb Moulay Chérif en musée des “années de plomb” (Casablanca)”, Année du Maghreb, 31/2024, Anissa Habane, en accès libre.
■ Sur l’évolution politique au Maroc depuis le rapport établi en 1995 par la Banque Mondiale sur l’état du Maroc.
●”Réforme et politique au Maroc de l’alternance : apolitisation consensuelle du politique”, Alain Roussillon et Jean-Noel Ferré, Centre Jacques- Berque, 2018, en accès libre.
■Sur les luttes politiques pour et autour de la mise en place de l’Instance Équité et Réconciliation.
●”Le Maroc des années de plomb : équité et Réconciliation ?”, F.Vairel, Politique Africaine, 2004/4, en accès libre.
■ Réconciliation sous contrainte, transitologie et transformations politiques.
●”Règlement du passé violent et transformation de la coalition gouvernementale au Maroc (1999-2016)”, Frédéric Vairel, dans “Dynamiques des tournants autoritaires”, 2021, en accès conditionnel.
●”La gauche marocaine, défenseur du trône. Sur les métamorphoses d’une opposition institutionnelle”,  Abderahim El Maskouli, Année du Maghreb, V/2009, en accès libre.
●”Politique et mouvements sociaux au Maroc. La révolution désamorcée ?”, livre de Frédéric Vairel, Editions Sciences Po, 2014, notes de lecture de Aziz Iraki, cahiers de l’EMAM, 2019, en accès libre.
●”Violences du passé, politique(s) au présent.La justice transitionnelle comme “passage d’une histoire à une autre”, Année du Maghreb, 26/2024, Frédéric Vairel, en accès libre.
■ Sur la mise en oeuvre du programme de réparation communautaire issu en 2005 des recommandations de l’Instance Équité et Réconciliation.
●”Ce que le développement fait au traitement d’un passé violent. Élites et pratiques de la “réparation communautaire” au Maroc”, Frédéric Vairel, Érudit.org, article de 2019 revu en 2021, en accès libre.
■ Evolution des pratiques policières au Maroc.
●”De la police coloniale française à la police nationale  marocaine : décolonisation et héritages policiers (1953-1960)”, Année du Maghreb, 30/2023, Benjamin Badier, en accès libre.
●”Paroles de flics.Communications policières et actualités politiques au Maroc (2005-2023)”, Année du Maghreb, 30/2023, Meriam Cheikh, en accès libre.
●”Réprimer par le droit. L’intervention de la Brigade Nationale de police judiciaire dans les procès Hirak El-Rif”, Année du Maghreb, 30/2023, Mariam Benalioua, en accès libre.