Narco-capitalisme (3/6) : Les routes de la drogue

Narcocapitalisme – 3/6

Comme pour l’ensemble des produits transitant d’un pays à un autre, la drogue est avant tout une question de routes. Mais illégalité oblige, ces routes sont en perpétuelle évolution, changent au gré des contrôles, précipitant toujours plus de territoires dans le trou noir du narcotrafic. (Renaud Duterme)

S’il y a bien une activité qui mobilise la géographie, c’est le trafic de drogue. Contrairement aux autres produits de la mondialisation, ce commerce n’obéit pas seulement à des impératifs de distance et de vitesse d’approvisionnement. Les trafiquants cherchent avant tout à ce que leurs marchandises arrivent à destination. «Transporter la cargaison (…) le plus sûrement possible : telle est la seule règle du narcotrafic (…). Un système très simple en théorie et qui, en pratique, oblige à trouver sans cesse de nouveaux moyens de transport, de nouvelles routes, de nouvelles méthodes pour débarquer la cargaison et de nouvelles marchandises pour la dissimuler» [1]. Ceci se traduit par des prouesses en termes d’ingéniosité en termes de dissimulation (doubles fonds, denrées alimentaires, objets de consommation courante, drogue liquéfiée, tissus de vêtements, usage de sous-marins, de drones, utilisation de la structure-même des conteneurs et des coques de navires, estomacs humains ou animaux, couches de bébés, fleurs, etc.), mais aussi par l’intégration constante de nouveaux territoires à ces voies d’approvisionnement.

 

Pac-Man sous psychotropes

Au sein du commerce de la drogue, «tout change, tout doit s’adapter rapidement. Le monde est comme un unique corps à alimenter en permanence en flux». Et comme dans le célèbre jeu vidéo, «si une artère est obstruée par des contrôles plus importants, il faut aussitôt en dénicher une autre»[2].

Le rôle du Mexique dans le trafic de cocaïne à destination des États-Unis s’est ainsi accru en raison de l’augmentation des contrôles aux larges de la Floride. L’immensité des déserts de part et d’autre de la frontière rendant la surveillance plus compliquée que sur les côtes des Caraïbes (même si cette région constitue encore une importante plaque tournante du trafic, notamment à destination de l’Europe). À l’instar des mouvements migratoires[3], contrôler une frontière encourage donc l’utilisation d’autres voies de passages, géographiquement plus hostiles (zones désertiques, montagnes, forêts luxuriantes, cours d’eaux impétueux, etc.) et politiquement plus instables (pays dirigés par des gouvernements corrompus, zones de guerre, territoires sécessionnistes, etc.).