Résumés
Depuis sa naissance en 1989, la Région de Bruxelles-Capitale poursuit en matière de politique du logement deux objectifs essentiels et récurrents : garantir pour l’ensemble des ménages bruxellois l’exercice du droit à un logement adapté et accessible financièrement et, par ailleurs, maintenir sur le territoire régional une population permettant d’alimenter les ressources budgétaires de la Région eu égard au système de financement des Régions en Belgique.
Après plus de trente d’existence, caractérisés notamment par une forte croissance démographique et par un appauvrissement de sa population, force est de constater que, à ce stade, la Région de Bruxelles-Capitale est en déficit de concrétisation de ses deux objectifs malgré un volontarisme proclamé et une activité législative importante et inventive.
Cet article entend synthétiser les grandes évolutions de la politique du Logement portée par une Ville-Région dont certaines caractéristiques et leurs évolutions sont rappelées.
Certaines raisons de la difficulté de concrétiser ces 2 objectifs sont abordées.
Par ailleurs, une mise en perspective de cette politique est proposée à travers trois prismes différents qui plaident, de manière solidaire, pour accorder une importance accrue à cette politique pour laquelle d’autres chemins devraient être tentés en même temps qu’une meilleure utilisation des ressources budgétaires qui lui sont consacrées.
La question peut être posée sur la manière d’accentuer l’opérationnalité des réponses publiques en revoyant le cadre général de cette politique héritière d’une histoire dont certains termes aujourd’hui ne correspondent pas à l’importance accrue qu’a pris l’accès au logement comme condition nécessaire d’une vie digne et satisfaisante et d’une citoyenneté libre et assumée.
Plan
Texte intégral
Introduction
1Si elle occupe aujourd’hui le débat public dans de nombreux pays, la question du logement se pose de manière spécifique et particulièrement aiguë en Région de Bruxelles-Capitale et ce pour des raisons, en partie, structurelles :
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le taux de locataires-occupants, comme dans de nombreuses villes, y est clairement majoritaire, de l’ordre de 61,3 % actuellement ;
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le coût de l’accès au logement tant sur le marché locatif que sur le marché acquisitif y est le plus élevé du pays avec les deux Brabants, malgré l’âge du parc régional de logements – 84 % construits avant 1960 – dont les besoins en matière de rénovation sont importants ;
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le revenu moyen par habitant y est, depuis 1995, le plus faible de Belgique, ce qui souligne aussi la nécessité d’avoir une approche intégrée de la question, notamment avec l’accès à l’emploi ;
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de plus, l’étroitesse de son territoire actuel rend les arbitrages sur l’affectation du foncier aux différentes fonctions urbaines de plus en plus difficiles à une époque où la question de la durabilité s’affirme ;
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enfin, son statut de Ville-Région l’oblige à être attentive dans ses politiques publiques à articuler les objectifs de redistribution et de captation de ressources financières, vu le régime de financement des Régions, ce qui peut créer une tension entre ces deux objectifs qui sont pourtant la condition nécessaire l’un de l’autre.
2Ces deux objectifs sont portés à géométrie variable par les partis politiques, selon leur programme et leur électorat, et par les tenants du débat public, selon leurs options, qui en privilégient légitimement l’un ou l’autre dans leur action ou leurs analyses : il est vrai que proposer une vision consolidée et rencontrant de manière cohérente ces enjeux n’est pas simple eu égard aux mécanisme prégnants du marché mais aussi à la réalité des ressources régionales.
3Dans ce texte, nous synthétiserons, d’abord, les principales caractéristiques de la politique du logement de la Région de Bruxelles-Capitale (RBC) depuis 1989. Ensuite, nous les mettrons en perspective en nous souvenant de l’histoire de cette politique pour plaider un renforcement de sa place actuelle.
L’évolution du contexte d’expression de la politique du logement
4Si depuis sa création, en 1989, la Région a, en matière de politique du logement, maintenu la poursuite de ses deux objectifs structurels, le contexte d’expression de cette politique régionale a considérablement évolué en plus de trente ans :
5– Au niveau socio-démographique, deux éléments principaux sont à retenir :
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La forte croissance de la population régionale entre 1989 et 2023, qui est passée de 970 501 habitants à 1 241 175 habitants (soit un peu plus de 574 000 ménages) : une croissance de 270 674 habitants ou 27,8 % sur 34 ans, mais qui a connu ces dernières années des mouvements contrastés, la dernière évolution du 1er janvier 2022 au 1er janvier 2023 indiquant une croissance de 18 538 habitants.
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- 1 Cet indice permet de comparer la distribution des déciles bruxellois et son évolution par rapport à (…)
L’appauvrissement de la population : si on prend comme indicateur le revenu net imposable moyen par habitant, celui-ci se situait en RBC en 1989 à 102,3 % du revenu moyen par habitant belge ; il n’est plus en 2021 qu’à 78,9 % de celui-ci. Le tableau 1 évoque à cet égard une des évolutions fortes de la RBC sur la période, à savoir une croissance de 25,4 % de la part des trois déciles inférieurs et une diminution de 29,7 % de la part des trois déciles supérieurs, les quatre déciles intermédiaires apparaissant plus « stables »1.
Tableau 1. évolution de la part des déciles de revenus dans la RBC (Belgique = 100).
6– Au niveau du coût d’accès au logement, il faut relever une augmentation générale continue et importante :
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Le loyer moyen sur le marché locatif en RBC est passé de 343 € en 1992 à 739 € en 2018 ;
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Le prix moyen d’une maison a crû de plus de 450 % et celui d’un appartement de plus de 320 % entre 1989 et 2020.
- 2 Sources : Statbel, Enquête sur le budget des ménages, IBSA, 2022.
7En 2020, la part des dépenses liées au logement dans le revenu total d’une famille à Bruxelles est de 34,6 %, en Flandre cette part est de 31,1 %, en Wallonie de 32,2 %2.
8– Enfin au niveau institutionnel, relevons deux évolutions importantes à travers les quatre réformes de l’État connues depuis 1989 :
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Les Régions ont désormais quasi toutes les compétences en matière de politique du logement, à l’exception de la TVA ;
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Le système de financement des Régions a évolué fortement : la part des recettes propres de la RBC, dépendantes de son action, législative ou autre, donc principalement de sa population et de son « développement », est désormais proche des 60 % alors qu’elle était de l’ordre de 25 % avant 2000, un régime de dotation fédérale existant à l’époque pour l’impôt des personnes physiques (IPP).
9Les deux premiers constats indiquent un fort décrochage entre l’évolution des revenus et les coûts d’accès au logement, ce qui a généré une forte demande sociale de logement. C’est depuis plus de vingt ans un problème qui concerne de nombreux ménages bruxellois de niveau socio-économique faible et moyen et qui demande des réponses quantitatives. Le troisième constat reprend deux facettes de la situation d’« autonomie » actuelle de la RBC : davantage de compétences en main et davantage de responsabilité sur ses ressources financières.
- 3 Le Code bruxellois de l’Air, du Climat et de la maîtrise de l’Énergie adopté le 21 mai 2013 et le P (…)
- 4 On se saurait trop recommander la lecture de A. Defrenne (2019-2020). Certes les paramètres du marc (…)
10– Enfin, et cela concerne mais excède aussi la stricte compétence régionale en matière de logement, la question de la ville durable est posée : il faut acter, avec le Cobrace en 2013, le Pace en 2016 et sa nouvelle version de 20233, que la dynamique de l’amélioration de la performance énergétique des bâtiments, qui vise à réduire à terme les émissions de gaz à effet de serre (GES) et qui s’inscrit dans une dynamique dictée par l’Union européenne, participe aussi à l’évolution du contexte dans lequel la politique du logement doit s’affirmer, en modifiant les modalités d’intervention des acteurs et en ajoutant un objectif complémentaire à leur action. Cette dynamique risque d’amener une hausse structurelle des coûts sur le marché immobilier bruxellois, qui ne facilitera pas la tâche de la politique régionale du logement, d’autant que cet impact semble, à ce stade, peu perçu et peu anticipé par les autorités régionales4.
Les principales modalités d’action de la politique régionale
- 5 Le Fonds du logement de la Région de Bruxelles-Capitale est une coopérative, émanation du mouvement (…)
- 6 Citydev – anciennement SDRB pour Société de développement régional bruxelloise – est un organisme q (…)
11Formellement, dans ses initiatives, la RBC a, durant ses trente-quatre années d’existence, mis l’accent sur une politique d’offre publique locative passant principalement par le logement social, le Fonds du logement5 pour son patrimoine dédié à l’aide locative, et les pouvoirs locaux. Par ailleurs, le Fonds du logement produit également des logements destinés à l’acquisition, en lien avec sa politique d’octroi de prêts à taux d’intérêt bonifiés. Parallèlement, Citydev6 mène une politique de production des logements destinés à l’acquisition dans le cadre de la politique régionale de rénovation urbaine.
- 7 Concrétisé, notamment, par l’adoption depuis 1989 de 46 Ordonnances de la stricte compétence du log (…)
- 8 Le Plan régional du logement portant sur une offre de 5 000 logements publics locatifs sociaux et m (…)
- 9 De 2005, année d’initiation du Plan Régional du Logement (PRL), à 2023, l’indice ABEX, qui mesure l (…)
12Il faut rappeler que, malgré le volontarisme régional porté depuis 1989 en la matière7, cette politique d’offre publique, se concrétisant trop lentement8 au regard du rythme de croissance de la demande sociale, reste clairement en déficit de réponse à ses objectifs. A ce constat connu, on ajoutera que le coût de ces programmes s’alourdit avec le temps9.
13Dès la fin des années nonante, cette politique de l’offre était apparue insuffisante et fut complétée structurellement :
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- 10 Les Agences immobilières sociales : les AIS sont des Asbl reconnues, agréées et subsidiées par la R (…)
D’une part, par le développement de mécanismes de « socialisation » très partielle du marché locatif : le régime des Agences Immobilière Sociales (AIS)10 principalement, ainsi que l’octroi de garanties locatives et d’allocations-loyer, ce dernier dispositif ne trouvant cependant une forme plus opérationnelle que très récemment ; citons aussi la lutte contre les loyers abusifs initiée en 2021, mais qui doit encore concrétiser tous ses termes ;
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- 11 Le droit de gestion publique (DGP) permet à un opérateur de gestion publique (OGP) de prendre tempo (…)
- 12 La socialisation des logements des pouvoirs publics locaux : les 19 Communes et les 19 CPAS – Centr (…)
- 13 Les charges d’urbanisme sont une obligation complémentaire grevant certains permis d’urbanisme dans (…)
D’autre part, par l’initiation de divers dispositifs devant permettre une extension complémentaire de l’offre de logements, notamment, à finalité sociale : droit de gestion publique11, lutte contre les logements inoccupés, règlement d’attribution et socialisation12, plus récente, des logements des pouvoirs publics locaux auxquels on peut ajouter les charges d’urbanisme13. On n’a que très peu de données consolidées en termes de réalisations effectives et de coûts budgétaires relatifs à tous ces dispositifs.
14On notera aussi :
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la mobilisation, depuis une bonne dizaine d’années, de dispositifs de démembrement des droits réels – l’emphytéose et le droit de superficie – qui permettent de diminuer le coût de réalisation des logements locatifs et acquisitifs vu que le coût total du foncier n’est pas imputé dans le coût des logements produits ;
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- 14 La Société du Logement de la Région de Bruxelles-Capitale (SLRB) est la société de tutelle régional (…)
le développement, durant la présente législature, de nouveaux dispositifs associant le secteur privé à la politique régionale, que ce soit dans le secteur des AIS qui se voient confier la gestion de patrimoine d’investisseurs privés ou pour les achats de logements clés-sur-porte de la Société du Logement de la Région de Bruxelles-Capitale (SLRB)14 et du Fonds du logement. Le secteur privé est, historiquement, présent dans la politique du logement depuis toujours, à travers ses réalisations propres et celles pour les pouvoirs publics via les procédures de marché public ; aujourd’hui, il est plus que jamais aux premières loges de cette politique par la mobilisation dans ces nouvelles modalités d’action publique.
- 15 Le Community Land Trust (CLT) est un dispositif d’inspiration anglo-saxonne qui a commencé à dévelo (…)
- 16 Les Asbl d’insertion par le logement (AIPL) sont financées par la Région pour des actions d’informa (…)
15Enfin, il faut relever l’importance du secteur associatif, que ce soit à travers des dispositifs de mise à disposition de logement – AIS, plus récemment, le CLT15– et dans des dispositifs d’accompagnement des ménages bruxellois, les AIPL16 (Association d’insertion par le logement).
L’affectation des moyens financiers
- 17 Ce tableau reprend les crédits de liquidation – ou d’ordonnancement – annuels en millions €, hors c (…)
16Une donnée complémentaire intéressante pour approcher la politique du logement est de s’intéresser aux moyens qui y sont affectés par la Région à travers ses budgets annuels des dépenses, que le tableau 2 synthétise17 pour la division 25 Logement.
Tableau 2. Crédits octroyés par la Région à la politique du logement (1989-2022) en millions €.
* Calico : le programme Calico (Care and Living in Community) est un programme européen valorisant et finançant des réalisations de logements notamment intergénérationnels dans l’esprit et les modalités du CLT. Ce programme spécifique a donné lieu à la création d’un nouveau programme dans le budget régional des dépenses de la division Logement.
17Il convient de noter que ce tableau reprend une nomenclature des programmes de dépenses différente de celle du budget annuel actuel :
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Le programme 1 reprend les programmes 1 et 2 du budget actuel, à savoir : le support de la politique générale et le soutien aux organismes, associations ou pouvoirs subordonnés ;
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Le programme 4 concerne les sociétés de crédit social et les moyens affectés à une prime d’aide à l’acquisition qui a existé au début de la Région et supprimée depuis ;
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- 18 Adils : allocation déménagement, installation et loyer, initiée avant la création de la RBC dans le (…)
Le financement du secteur associatif – AIS et AIPL – apparaît dans le poste « dispositifs » du programme 6 ; le poste « Primes » de celui-ci reprend les ex-Adils18, l’Allocation relogement et les différentes versions de l’Allocation-loyer ;
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Le programme 7 « Dette » a existé pendant une quinzaine d’années et a concerné quasi exclusivement la dette du logement social. Il n’existe plus dans le budget actuel.
- 19 Nous n’avons pas la place ici pour présenter les évolutions annuelles et fines de ces dépenses. On (…)
18Ces dernières années le budget liquidé annuellement en matière de politique du logement est de l’ordre de 300 millions € sur un budget régional total des dépenses de 6,5 milliards €. Selon nos données, le montant total des crédits liquidés pour la politique du logement représente 6,08 % des dépenses régionales totales entre 1989 et 202219.
19Ce tableau 2 confirme la place très importante du secteur du logement social, qui représente quasiment 75 % des crédits régionaux affectés si on y ajoute le montant affecté à la dette. On notera que la part consacrée aux stricts investissements de ce secteur, 2 353 millions €, représente 43,32 % du budget total du logement et 62,35 % du budget du logement social ; les parts consacrées à la politique sociale du secteur et à ses frais de fonctionnement ont crû de manière très significative ces quinze dernières années.
- 20 Calculs propres à partir des rapports annuels du Fonds du logement.
20Le second programme en termes d’importance budgétaire est celui qui concerne le Fonds du logement. Il draine 13,57 % des moyens affectés : le Fonds utilise la dotation régionale que le budget lui attribue pour emprunter sur le marché des capitaux pour ses programmes d’investissement très majoritairement consacrés à l’octroi de prêts aux ménages. Sur la période examinée, le pouvoir total d’investissement du Fonds du logement a été de 3 192,22 millions €20. On rappellera que, en moyenne, plus de 80 % des prêts annuels octroyés par le Fonds du logement concernent des ménages réunissant les conditions d’entrée sur le logement social.
21Un autre élément remarquable est la montée en puissance financière des AIS, que nous reprenons dans le tableau 3 et qui correspond à la forte croissance de son patrimoine évoquée plus loin.
Tableau 3. évolution des crédits – en millions € – octroyés aux AIS entre 2000 et 2022.
- 21 Formellement l’encours se définit comme la différence entre le montant des crédits engagés (crédits (…)
- 22 Parlement régional. Questions écrites publiées entre le 16/09/2022 et le 15/11/2022. Secrétaire d’É (…)
22Il faut noter que la politique du logement n’a, à ce jour, jamais réellement manqué de moyens et que, paradoxalement, elle a pendant longtemps été en difficulté pour dépenser tous ses crédits : ainsi, il faut acter l’existence d’un encours21 important qui concerne le secteur du logement social qui a été de l’ordre d’1,5 milliard € pendant plusieurs années et qui a, récemment, diminué22 pour représenter 1,252 milliard € fin 2021. Le Gouvernement régional a adopté, le 14 juillet 2022, un arrêté qui concerne le financement de la rénovation des logements sociaux qui devrait réduire cet encours à terme.
Les principales réalisations régionales
- 23 On se reportera avec intérêts aux publications du Monitoring des logements publics à Bruxelles sur (…)
- 24 Nous reprenons ici certaines dernières statistiques disponibles par opérateurs financés dans le cad (…)
23Faire un bilan en matière de réalisations régionales23 n’est pas simple, d’autant que les statistiques manquent sur certains segments de cette politique. Nous ne reprenons ici que les opérateurs qui dépendent de la compétence du logement. On peut relever une série de tendances fortes24 :
Concernant le secteur du logement social
- 25 Statistiques SISP 2022 sur le site de la SLRB.
- 26 Soit 4 325 logements sociaux, ce qui aurait dû porter la taille du patrimoine actuel de logements s (…)
24a. Evolution de la taille du patrimoine
En 1989, le patrimoine du secteur était de 36 737 unités selon les rapports annuels de l’époque ; en 2022, elle est de 40 532 logements25. Ces chiffres signifient que l’accroissement net de patrimoine du secteur sur 34 années est de 3 795 logements, soit une croissance moyenne annuelle de 112 unités. Comme le montre le tableau 4 ci-dessous la production totale de logements neufs a été, de 1989 à 2022, de 4 757 unités dont 432 logements moyens26, soit une moyenne annuelle de 140 logements neufs ou encore de 127 nouveaux logements sociaux (hors logements moyens produits). Il faut rappeler qu’un des effets des rénovations est de diminuer le nombre d’unités de logements par restructuration et mises en conformité aux normes.
- 28 Rapport annuel SLRB 2021, p. 33.
25b. Evolution de la demande
Au 31 décembre 2022, 52 850 ménages étaient inscrits sur la liste d’attente pour un logement social28 ; depuis 2012, année où le nombre de ménages demandeurs – 41 461 – a dépassé la barre de 40 000, la demande dépasse clairement l’offre. Au 31/12/2018, soit avant la législature actuelle, elle était de 45 987 ménages.
- 29 Statistiques SISP 2021 sur le site de la SLRB.
- 30 Le rapport de statistiques 2021 de la SLRB mentionne un patrimoine total de 40 347 logements dont 3 (…)
- 31 Le rapport de statistiques 2022 de la SLRB mentionne un patrimoine total de 40 532 logements dont 3 (…)
26c. Evolution de la taille du patrimoine occupé
En 1989, le nombre de logements sociaux inoccupés était inconnu, faute de statistiques. La première année pour laquelle cette statistique est apparue faisait état de 590 logements inoccupés fin 1993 : on peut en déduire que le patrimoine occupé en 1989 était de l’ordre de 36 147 logements ; le patrimoine total du secteur était à l’époque de 36 737 comme relevé avant. Au début de la RBC, les investissements ont surtout concerné les constructions neuves et très peu la rénovation, on peut donc penser que les logements en rénovation en 1989 n’étaient pas plus nombreux qu’en 1993, d’autant plus que le secteur sortait d’une décennie de désinvestissement. Le nombre de logements occupés repris au 31/12/2021 était de35 367 unités29, ce qui représente 4 980 inoccupés ou encore 12,3 %30 : on sait que ceci est aussi le reflet d’importants et nécessaires efforts de rénovation. Il est interpellant de devoir constater que l’offre effective, fin 2021, est inférieure de l’ordre de 780 logements pour le secteur à ce qu’elle était en 198931.
- 32 Bon an, mal an le nombre de nouveaux ménages entrants représente entre 3,5 à 4 % du patrimoine tota (…)
27d. Nouveaux ménages locataires par année
A côté de l’évolution de l’offre effective ou théorique et de la demande constatée, il faut aussi tenir compte du nombre de nouveaux ménages qui rentrent annuellement dans le secteur pour avoir une vision du volume de la demande rencontrée. Si on fait l’hypothèse « réaliste » sur la période de 1 200 nouveaux ménages chaque année32, sur 33 années cela représenterait 39 600 ménages dont la demande a été rencontrée.
Concernant le Fonds du logement
28Sur la période1989-2022 :
– 22 986 prêts ont été octroyés par le Fonds du logement soit 675 prêts par an en moyenne ;
- 33 Le patrimoine de l’aide locatif du Fonds du logement est un patrimoine locatif loué aux ménages dan (…)
– Son patrimoine d’aide locative33 est de 1 530 logements au 31/12/2022, alors qu’il était de 433 en 1990, soit une croissance annuelle de 32 logements ;
– Nombre de garanties locatives octroyées (initiées en 1999) : 10 736, soit 447 garanties locatives octroyées en moyenne annuelle.
Concernant les AIS
29Le développement de la taille du patrimoine de secteur des AIS est un des éléments particulièrement marquants de la politique régionale ; singulièrement ces dernières années, il a crû notamment par l’apport de patrimoines importants réalisés par des investisseurs privés : au 30/09/2023, il était de 7 994 logements contre 4 796 logements fin 2018, soit une croissance de 3 198 en 5 ans ou une croissance moyenne annuelle de 640 logements.
Concernant le CLT
30Fin 2022, le patrimoine total occupé était de 107 logements.
- 34 Voir le Monitoring des projets de logements publics à Bruxelles.
- 35 Sur le sujet, on se reportera avec intérêt aux publications du Monitoring des logements publics à B (…)
- 36 Citons notamment M. Van Criekingen (2006), « Que deviennent les quartiers centraux de Bruxelles ? » (…)
31Nous ne reprenons pas ici les logements des pouvoirs locaux à finalité sociale ou libres – environ 8 300 unités en 202034 –, ni les logements des contrats de quartiers durables, ni les logements produits par Citydev car ils ne dépendent pas de la compétence du logement35. Ces logements ont été, pour une part importante, produits dans le cadre de la politique de rénovation urbaine de la RBC dont l’intention initiale était de redévelopper certaines zones urbaines plus fragilisées par l’amélioration de leur bâti et la tentative de mixer davantage les populations accueillies. Les modalités d’intervention de la Région dans ces zones ont progressivement évolué pour faire la part de plus en plus large aux espaces publics, aux activités économiques locales, aux infrastructures de services et aux préoccupations liées au développement durable des quartiers. Ces actions et leurs impacts multiples font l’objet d’une littérature sociologique bien nourrie36.
- 37 On se rapportera à ce sujet notamment à C. Dessouroux et al. (2016), H. Berns et al. (2022) et M.L. (…)
32Une approche plus évaluative est évidemment nécessaire37, les deux objectifs régionaux, à savoir garantir à chaque ménage bruxellois un accès à un logement adapté et accessible financièrement et, par ailleurs, maintenir une population solvable pour garantir des moyens budgétaires à la Région, restant loin d’être atteints à ce jour : le déficit actuel de réponses quantitatives de cette politique, centrée principalement sur l’offre, aboutit à rendre la politique régionale productrice d’inégalités entre ses bénéficiaires et ceux qui, nombreux, sont formellement dans les conditions pour en bénéficier, mais qui n’y ont pas accès concrètement.
Les difficultés structurelles de la politique du logement
33Il n’y a sans doute pas de raison univoque pour expliquer le pourquoi de la faiblesse relative de la réponse publique en matière de politique du logement.
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Il faut d’abord acter que la RBC a connu une évolution socio-démographique très importante qui n’était pas attendue et qui n’a pas pu être anticipée.
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Il est clair, par ailleurs, que l’étroitesse du territoire régional rend de plus en plus aigus les arbitrages sur l’affectation du foncier eu égard aux différentes fonctions urbaines à pourvoir.
Cette difficulté d’arbitrage est relayée souvent par l’accueil problématique d’une partie importante des populations locales vis-à-vis des projets d’édification de nouveaux logements à finalité sociale dans les quartiers : ces projets font souvent l’objet de blocages voire de refus, et sans doute n’est-on qu’au début du débat entre la nécessité de produire des logements neufs, notamment à finalité sociale, et l’impératif de préserver les espaces verts et la biodiversité. Cette tension entre deux objectifs régionaux légitimes n’en est probablement qu’à ses prémices et risque de s’accentuer. -
Si le volontarisme politique qu’on retrouve souvent dans les Déclarations de Politique Régionale ne produit pas les effets escomptés, c’est sans doute qu’il est, en réalité, fracturé, déjà au niveau régional – fédérer une majorité en général de six partis minimum autour d’objectifs forts n’est pas évident – et aussi entre le niveau régional et le niveau communal et ceci au sein de quasi tous les partis politiques : le niveau communal ne s’inscrit dès lors pas toujours, pour ne pas dire pas souvent, dans les dynamiques prescrites au niveau régional.
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Mais le volontarisme public est aussi, vraisemblablement, victime de « l’état » de certaines administrations régionales et communales, trop faibles du point de vue quantitatif et qualitatif en termes de personnel et dont les synergies laissent à désirer. A cet égard, il est par exemple frappant de constater que seules les communes de Bruxelles et de Saint-Gilles ont réellement développé un patrimoine local de logement de taille significative, notamment à travers la politique de rénovation urbaine. D’autres communes ont certes initié des dynamiques intéressantes sur tel ou tel dispositif – production de logements sociaux, lutte contre les inoccupés, suivi de la qualité des logements, gestion consolidée des patrimoines publics ou assimilés – telles Anderlecht, Auderghem, Etterbeek et Schaerbeek, par exemple.
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Mais la plupart des communes ne sont pas des opérateurs immobiliers en réalité ou peinent à l’être, ce qui pose question à différents dispositifs qui supposent qu’elles investissent ce rôle – par exemple, le Droit de gestion publique et la lutte contre les logements inoccupés – et explique sans doute en partie le peu d’opérationnalité de certains de ceux-ci.
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Il faut relever, à un autre niveau, que certains dispositifs sont parfois davantage construits dans une perspective idéologique – ainsi, encore, le Droit de gestion publique – plutôt que dans une perspective réellement opérationnelle. Créé en 2003, ce droit de gestion publique n’a connu quasiment aucune traduction concrète. Reste à espérer que sa réforme récente changera cet état de fait.
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De plus, sur un thème proche, certaines procédures publiques – ainsi la délivrance des permis d’urbanisme – prennent beaucoup trop de temps et n’ont pas de traduction opérationnelle à la hauteur des enjeux que connaît la Région, et ce n’est pas le moratoire sur l’engagement de personnel décidé récemment par le Gouvernement bruxellois qui va arranger les choses…
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Enfin, la question des recettes des pouvoirs publics, Région et Communes, est un élément à prendre davantage en considération dans le décodage des stratégies des acteurs : dans le régime de financement actuel de la RBC et des Communes, elle est une des sources essentielles qui explique le fractionnement du volontarisme public. Pourtant, peut-on reprocher à des mandataires publics de se soucier d’avoir des moyens pour mettre en place des politiques publiques notamment redistributrices ?
34Ces différentes raisons, trop vite esquissées ici, participent en tout cas à la difficulté réelle qu’ont les autorités régionales à concrétiser leurs objectifs en matière de politique du logement mais sans doute, aussi, dans d’autres compétences.
Mise en perspectives
Historiciser la politique du logement et la question du logement
35La politique du logement a connu ses premiers développements en Belgique, dans un cadre évidemment national, dans la seconde partie du XIXe siècle, à la suite d’une enquête menée de 1843 à 1846, qui fit apparaître l’extrême étroitesse et l’insalubrité des logements des milieux populaires. Nous reprenons les plus importantes décisions :
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La loi du 12/04/1867 permit aux sociétés qui louaient ou vendaient des logements de recevoir le statut de société anonyme.
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La loi du 9/08/1889 organisa l’accès à la propriété au logement ouvrier (premier pilier).
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La loi du 11/10/1919 créa la Société Nationale des Habitations à Loyer à Bon Marché (SNHLBM) qui va financer et agréer les sociétés de logement social (second pilier).
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En 1927, l’Union nationale des taudis est créée et sera activée par le Fonds du Logement de la Ligue des familles, créé en 1929, et la Société nationale de la petite propriété terrienne créée en 1935 (troisième pilier).
36Historiquement, cette politique s’est donc construite sur trois piliers distincts : favoriser l’accès à la propriété des ménages, favoriser leur accès à la location et lutter contre l’insalubrité des logements ; ils sont restés prégnants sur une longue période.
37Après la guerre 40-45, plusieurs initiatives furent prises afin de relancer cette politique publique : la loi de Taeye en 1948 (primes pour l’accès à la propriété), la loi Brunfaut en 1949 (relance des activités du logement social) et la loi de 1953 contre les taudis, liant davantage les opérateurs publics à cette lutte. Durant la seconde partie du vingtième siècle, ces trois piliers de la politique du logement ont continué à connaître différentes évolutions.
38Cette politique du logement est devenue une compétence régionale, en ce qui concerne la RBC en 1989 ; celle-ci a hérité d’une série de matières liées au logement, mais le bail à loyer et la fiscalité immobilière restaient à l’époque compétences de l’État fédéral. La sixième réforme de l’État en assurera leur transfert aux Régions en 2014. Cette évolution a positionné la politique du logement comme un levier pour garantir la fiabilité financière des Régions, certes en relation avec les autres compétences régionales.
39Plus récemment, la transition vers la ville durable s’est affirmée.
40Ce rappel de l’histoire montre la pérennité importante qui a prévalu : les trois axes de la politique du logement gardent leur pertinence mais se sont vu adjoindre deux nouveaux objectifs pour la RBC dans un nouveau cadre institutionnel, fédéral, avec toute l’ambivalence de celui-ci en Belgique ; il rapproche les niveaux de pouvoir du citoyen et prend mieux en compte les spécificités socio-économiques voire politiques des entités, mais il diminue le spectre des arbitrages politiques possibles et le volume de ressources sur lesquelles les péréquations et la mutualisation peuvent se faire.
- 38 Comme la condition première même pour certains : voir la dynamique Housing first.
41Parallèlement, l’importance prise par la question du logement s’est accentuée : le logement reste le lieu de la reproduction de la force de travail, mais sa fonction s’est enrichie au fil du temps et des lectures diverses qui l’ont analysé. Le logement apparaît aujourd’hui comme un vecteur de lien social et comme une condition nécessaire38 à une vie privée et sociale « digne » et « satisfaisante » : la domiciliation est aujourd’hui la condition sine qua non de l’octroi de droits fondamentaux ; ses liens, en amont, avec la santé, l’éducation des enfants et l’accès à la culture sont soulignés depuis longtemps dans de nombreux travaux ; le maintien à domicile des personnes âgées est un enjeu très actuel, etc. Lieu de l’intimité permettant de scander vie privée et vie sociale, le logement, et plus généralement l’habitat, apparaît aussi comme une condition de l’urbanité et une ouverture vers la citoyenneté (Olivier, 1995). Enfin, il est identifié aujourd’hui comme un des leviers importants pour aménager notre modèle de développement vers plus de durabilité : prolonger l’héritage historique de cette politique n’est plus suffisant, le moment est venu de repenser cette question et cette politique en les inscrivant davantage dans le temps présent.
Le volet social de la politique du logement et la sécurité sociale
- 39 La protection sociale en Belgique. Données Sespros 2020. Service public fédéral Sécurité sociale.
42Si on examine les moyens affectés39 à la politique sociale du logement et ceux affectés aux différents postes de la sécurité sociale, que ce soit en Belgique (tableau 5) ou dans les autres pays européens (tableau 6), la faiblesse des moyens affectés en Belgique au logement est frappante eu égard aux fonctions que celui-ci remplit aujourd’hui : en effet, le logement représente 0,75 % des moyens affectés budgétairement aux différentes prestations sociales pour un montant global de plus de 143 milliards d’euros en 2020.
Tableau 5. Montants des prestations sociales par risque en 2020 en Belgique.
- 40 The state of housing in Europe 2021, Housing Europe.
43Au niveau européen, la Belgique est un des pays qui affecte le plus faible pourcentage de ses prestations sociales au logement, juste au-dessus de l’Espagne, de l’Italie et du Luxembourg, dont le parc de logements sociaux ne représente respectivement que 1,1 %, 3,8 % et 1 % de leur parc total. Ce pourcentage est de 5,4 % pour l’ensemble de la Belgique40.
Tableau 6. Répartition des prestations sociales en % du total des prestations sociales en 2019 dans l’UE.
La question du coût des dispositifs
44On sait que les arbitrages financiers vont se resserrer dans les années qui viennent en RBC car la dette régionale a plus que doublé en 5 ans, passant de 4,7 milliards € en 2018 à 10,4 milliards en 2022. Il est donc essentiel que les pouvoirs publics se donnent les moyens, dans chaque compétence, d’affecter au mieux les moyens budgétaires.
45Deux études existent à ce jour sur ce sujet :
- 41 Cabinet Isis Consult : Mission d’étude portant sur la comparaison des coûts en politique du logemen (…)
46– La première, finalisée en 2013, portait sur la comparaison des coûts en politique du logement41 et fit l’objet d’une présentation en novembre 2017 en Commission logement du Parlement Régional. Elle mettait notamment en évidence des coûts de subsidiation plus faibles pour un logement acquis grâce aux prêts du Fonds du logement et pour un logement AIS par rapport à la mise à disposition d’un logement social neuf.
47– La seconde étude, réalisée en 2021, et intitulée Spending review dans le secteur du logement social en Région de Bruxelles-Capitale, fut suggérée par la CE. Centrée sur le secteur du logement social, elle a abordé deux sujets principaux auxquels il est confronté :
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- 42 L’étude met ainsi en évidence qu’avec la part de subside octroyée pour la création d’un nouveau log (…)
la croissance de la liste d’attente des ménages candidats-locataires : les scénarios d’évolution de cette demande sont approchés et une série de pistes d’extension de l’offre sociale sont examinées et classées en fonction de leur intérêt, de leur rapidité et de leur poids budgétaire ; ce parcours est très questionnant pour les modalités privilégiées par la RBC depuis trente ans et met en évidence le fait que le logement social n’est pas le meilleur véhicule financier d’une politique de redistribution42 ;
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- 43 39,677 millions € au budget initial 2023 pour 16,6 millions € en 2010 et 24,4 millions € en 2015.
l’allocation régionale de solidarité, censée combler le déficit social des sociétés de logement, est en augmentation exponentielle43, ce qui menace la soutenabilité financière même du secteur.
- 44 Cette séance est accessible à ce lien : https://www.youtube.com/watch ?v =Ha50MnrIn8o&list =PLQ3uOz (…)
48L’objectif de la Spending review consistait dès lors, pour chacun de ces deux thèmes, à identifier des mécanismes alternatifs et novateurs susceptibles de régler la difficulté examinée et de les comparer avec les dispositifs actuels en termes de coût et de délai notamment. Elle a fait l’objet d’une présentation en Commission logement du Parlement régional le 9 juin 202244.
49La question d’une connaissance fine des différents coûts structurant l’action des acteurs de la politique du logement est essentielle, comme la connaissance des coûts des différents dispositifs régionaux, et la mise en place d’un monitoring annuel à ce sujet serait de nature à objectiver et légitimer davantage les choix politiques. On peut regretter le manque de volonté régionale ayant prévalu, généralement, à cet égard, à moins qu’il s’agisse, chez certains, du refus d’un débat questionnant la pertinence et l’opérationnalité de la politique régionale. Il est impératif cependant que le chemin ouvert soit poursuivi.
Conclusion : La nécessité d’une politique du logement plus forte et plus adaptée
50Le volontarisme n’est pas une garantie suffisante pour qu’une politique rencontre ses objectifs, et les obstacles sont légion : en RBC, la demande de logements à finalité sociale croît, depuis vingt ans, nettement plus vite que l’offre ; la proportion des déciles de revenus supérieurs s’étiole avec le temps ; la ségrégation urbaine a de multiples visages et le risque est grand que l’amélioration nécessaire de la performance énergétique des logements produise une hausse de leur prix qui risque d’avoir des effets peu souhaités socialement sans précautions complémentaires.
51Ces dynamiques problématiques et l’importance accrue des différentes fonctions du logement plaident pour l’émergence d’une réponse plus forte, plus structurelle qu’un énième réaménagement de la politique de l’offre :
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l’ampleur quantitative de la question du logement et l’importance de celui-ci pour la vie sociale, l’urbanité et la citoyenneté, plaident pour promouvoir désormais une logique davantage assurantielle dans les réponses de la politique régionale. A l’occasion des 75 ans de la sécurité sociale belge plusieurs voix se sont fait entendre en ce sens ;
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la politique publique du logement doit devenir davantage réflexive et redistributrice. Il est essentiel de tenir compte de ce que nous apprend la mise en pratique des politiques. Une réponse plus satisfaisante ne peut venir que d’une action coalisant l’ensemble des acteurs et, à côté de l’action du logement social et des Communes, d’une montée en puissance de l’action, principalement du Fonds du logement, des AIS et de l’Allocation-loyer, alors que, étrangement eu égard aux enjeux sociaux, ceux-ci, au gré des législatures, se sont vus parfois limités dans leur développement. L’expertise produite dans la Région, notamment en matière de pertinence des dispositifs initiés, de promotion de l’innovation et de l’affectation des ressources budgétaires, doit être davantage valorisée et utilisée ;
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la mise en place d’accords plus structurels avec le secteur privé peut être une voie : avec la multiplication de nouveaux dispositifs récents, serait-ce aux prémices de la définition d’un « accord cadre » public-privé, qui ne dit pas encore son nom, auxquels nous assistons ? Ne serait-ce pas une voie à explorer vu les difficultés structurelles rencontrées par la politique régionale depuis plus de trente ans ? Un accord où les acteurs se donnent mutuellement certaines garanties sur le modèle, sur l’exemple des accords médico-mutualistes dans le secteur de la santé ? Les acteurs publics et privés sont dans des rapports multi-positionnels : ne conviendrait-il pas de jouer davantage carte sur table à cet égard plutôt que de procéder par sous-arbitrages segmentés, successifs, chronophages et sans doute budgétivores ?
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enfin, sans doute convient-il également de réaffirmer clairement la fonction inclusive de la Ville-Région durable : le marché crée des segmentations mais les logiques qui semblent prévaloir dans certains quartiers – par exemple, l’approche Nimby – et certains discours politiques – « la ville à dix minutes » – donnent à penser que la ville comme archipel d’entre-soi serait le nouveau modèle désirable, alors qu’il est, en quelque sorte, la négation de ce qu’est la ville historiquement et de ce qu’elle permet : des solidarités, l’ouverture à la différence et l’anonymat quand il est souhaité.
Bibliographie
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VAN CRIEKINGEN M. (2006), « Que deviennent les quartiers centraux de Bruxelles ? », Brussels Studies.
Notes
1 Cet indice permet de comparer la distribution des déciles bruxellois et son évolution par rapport à l’évolution de la distribution des déciles au niveau national représenté pour chaque décile par l’indice 100.
2 Sources : Statbel, Enquête sur le budget des ménages, IBSA, 2022.
3 Le Code bruxellois de l’Air, du Climat et de la maîtrise de l’Énergie adopté le 21 mai 2013 et le Plan Air, Climat, Énergie bruxellois adopté le 2 juin 2016 et actualisé le 27 avril 2023.
4 On se saurait trop recommander la lecture de A. Defrenne (2019-2020). Certes les paramètres du marché de l’énergie ont évolué, mais les questions posées dans ce travail sur la stratégie régionale et sur l’évolution du marché résidentiel restent tout à fait actuelles et tout à fait sous-estimées dans le débat public et politique.
5 Le Fonds du logement de la Région de Bruxelles-Capitale est une coopérative, émanation du mouvement « La ligue des familles » dont il est l’opérateur bruxellois en matière de logement. Créé le 19 janvier 1985, quatre ans avant la naissance de la RBC en 1989, il a, aujourd’hui, trois branches d’activités principales : l’octroi de prêts à taux d’intérêt bonifiés selon le niveau de revenus et la taille de la famille aux ménages bruxellois de certaines catégories de revenus (voir : https://fonds.brussels/fr), la mise à disposition de logements locatifs pour les ménages dans les mêmes conditions de revenus que le logement social dans le cadre de son programme dit « d’aide locative » et, enfin, la gestion d’un régime régional de garanties locatives. Au prorata des législatures, le Fonds du logement produit aussi de nouveaux logements en lien avec ses programmes et il mène, ou a pu mener, des activités complémentaires à ses programmes cadres – ainsi l’octroi de prêts verts – à la demande de la RBC.
6 Citydev – anciennement SDRB pour Société de développement régional bruxelloise – est un organisme qui a deux branches d’activités :
– l’économie par la mise à disposition de foncier, d’infrastructures voire de bâtiments pour des opérateurs actifs en matière de développement économique ;
– la rénovation urbaine, dans un certain nombre de zones urbaines à redévelopper, par la production et/ou la rénovation de logements destinés très majoritairement à la vente. Ces logements sont accessibles pour des ménages pouvant avoir des revenus moyens supérieurs (voir : https://www.citydev.brussels/fr.).
7 Concrétisé, notamment, par l’adoption depuis 1989 de 46 Ordonnances de la stricte compétence du logement et la mise en place du Plan régional du logement (en 2005), de l’Alliance-Habitat (A-H) (en 2013) et, dans la présente législature 2019-2024, du Plan d’urgence Logement.
8 Le Plan régional du logement portant sur une offre de 5 000 logements publics locatifs sociaux et moyens, initié en 2005, ne sera pas terminé en 2024 ; et l’Alliance-Habitat portant sur une offre de 6 720 logements, initiée en 2013 et plus diversifiée (logements locatifs et acquisitifs), sera au mieux achevée d’ici 2030.
9 De 2005, année d’initiation du Plan Régional du Logement (PRL), à 2023, l’indice ABEX, qui mesure l’évolution du coût de la construction, est passé de 596 à 1004, soit une croissance de 68 % ; et de 2013, année d’initiation de l’A-H, à 2022 de 730 à 1004, soit une croissance de 37,5 %.
10 Les Agences immobilières sociales : les AIS sont des Asbl reconnues, agréées et subsidiées par la Région de Bruxelles-Capitale. Elles sont au nombre de 24 actuellement et ont pour mission de socialiser une partie du marché locatif bruxellois. Elles gèrent la location de logements qui appartiennent principalement à des propriétaires privés, parfois à des investisseurs, et les mettent en location à un prix abordable, à destination de ménages à revenus modestes.
11 Le droit de gestion publique (DGP) permet à un opérateur de gestion publique (OGP) de prendre temporairement en gestion un logement inoccupé ou insalubre afin de le rénover et de le mettre en location à un loyer réduit pour une période minimale de 9 ans. Les opérateurs potentiels sont les pouvoirs locaux, les régies communales, la Régie foncière de la Région ou encore le Service public de la Région de Bruxelles-Capitale. Existant depuis 2003, ce dispositif a fait l’objet d’une réforme en 2022 afin de le rendre plus opérationnel.
12 La socialisation des logements des pouvoirs publics locaux : les 19 Communes et les 19 CPAS – Centre public d’action sociale – de la Région possèdent ensemble un patrimoine d’un peu plus de huit mille logements destinés à des ménages dont les revenus sont soit ceux du logement social soit des revenus « moyens ». La Région a d’abord clarifié et homogénéisé les règles d’attribution de ces logements il y a une dizaine d’années ; elle entend, dans la présente législature (2019-2024), proposer à ces pouvoirs locaux de faire glisser un maximum de ces logements vers les conditions du logement social afin d’augmenter l’offre de celui-ci.
13 Les charges d’urbanisme sont une obligation complémentaire grevant certains permis d’urbanisme dans le cadre de réalisations à l’initiative du secteur privé. Dans ce cas, la délivrance du permis est subordonnée à la réalisation ou au payement de charges. Le défaut de mise en œuvre de ces charges dans les 3 ans de la délivrance du permis entraîne la péremption de celui-ci. Les charges peuvent être exigées en nature (travaux de construction notamment de logements à finalité sociale) ou en espèces (versement d’une somme d’argent). Il existe des charges facultatives et des charges obligatoires.
14 La Société du Logement de la Région de Bruxelles-Capitale (SLRB) est la société de tutelle régionale du secteur du logement social bruxellois dont les logements sont produits et gérés par les 16 sociétés immobilières de service public (SISP).
15 Le Community Land Trust (CLT) est un dispositif d’inspiration anglo-saxonne qui a commencé à développer ses activités concrètes après 2010 en RBC. Son activité principale est la mise à disposition de logements acquisitifs pour les publics fragilisés en mettant en place des modalités juridiques qui exonèrent l’acquisition des logements produits du coût du terrain, qui reste propriété dudit CLT. Une autre de ses caractéristiques est la forte implication et la participation du public destinataire de l’offre de logements acquisitifs en amont de la réalisation de ses projets.
16 Les Asbl d’insertion par le logement (AIPL) sont financées par la Région pour des actions d’information, d’accompagnement, voire de mise à disposition de logements facilitant l’accès au logement de publics fragilisés ou précarisés. En date du 31 décembre 2019, 46 associations étaient agréées par la RBC au titre d’AIPL ; elles sont plus de cinquante aujourd’hui.
17 Ce tableau reprend les crédits de liquidation – ou d’ordonnancement – annuels en millions €, hors crédits prévisionnels ; il est basé sur les budgets annuels, éventuellement ajustés.
18 Adils : allocation déménagement, installation et loyer, initiée avant la création de la RBC dans le cadre de la lutte contre l’insalubrité et l’inadaptation des logements, encourageait la mobilité des ménages sur le marché locatif pour se loger dans un logement salubre ou adapté.
19 Nous n’avons pas la place ici pour présenter les évolutions annuelles et fines de ces dépenses. On peut se reporter à ce sujet à M.L De Keersmaecker et P. Zimmer P. (2019) ou au Spending review évoqué ci-après dans ce texte.
20 Calculs propres à partir des rapports annuels du Fonds du logement.
21 Formellement l’encours se définit comme la différence entre le montant des crédits engagés (crédits d’engagement) et les crédits dépensés réellement (crédits d’ordonnancement ou de liquidation). Les politiques d’investissement par définition produisent de l’encours car les dépenses liées aux travaux qu’elles supposent interviennent plus tard, parfois plusieurs années après la décision effective de les initier, moment où on engage les crédits dit dès lors d’engagement : ce décalage temporel est explicable par les procédures publiques mobilisées en amont des travaux – marchés publics et obtention des permis -, par la durée effective, le type et la difficulté des travaux envisagés et aussi parfois parce que certaines procédures sont contestées soit par des entrepreneurs non choisis, soit par des riverains mécontents, soit plus rarement par certaines autorités administratives.
22 Parlement régional. Questions écrites publiées entre le 16/09/2022 et le 15/11/2022. Secrétaire d’État en charge du logement et de l’égalité des chances. Questions écrites n° 929 et 932.
23 On se reportera avec intérêts aux publications du Monitoring des logements publics à Bruxelles sur le sujet.
24 Nous reprenons ici certaines dernières statistiques disponibles par opérateurs financés dans le cadre de la politique du logement.
25 Statistiques SISP 2022 sur le site de la SLRB.
26 Soit 4 325 logements sociaux, ce qui aurait dû porter la taille du patrimoine actuel de logements sociaux à 41 062 unités (36 737 – taille du patrimoine en 1989 – + 4 325 nouveaux logements sociaux).
27 Calculs propres à partir de documents SLRB et du Monitoring des projets de logements publics à Bruxelles.
28 Rapport annuel SLRB 2021, p. 33.
29 Statistiques SISP 2021 sur le site de la SLRB.
30 Le rapport de statistiques 2021 de la SLRB mentionne un patrimoine total de 40 347 logements dont 35 208 occupés au 31/12/2021 : ce qui peut signifier 5 139 inoccupés. À noter que parmi ces derniers, le statut d’occupation ou d’inoccupation de 544 logements n’a pas été communiqué.
31 Le rapport de statistiques 2022 de la SLRB mentionne un patrimoine total de 40 532 logements dont 35 256 occupés au 31/12/2022 : ce qui peut signifier 5 276 inoccupés. A noter que parmi ces derniers, le statut d’occupation ou d’inoccupation de 660 logements n’a pas été communiqué.
32 Bon an, mal an le nombre de nouveaux ménages entrants représente entre 3,5 à 4 % du patrimoine total du secteur.
33 Le patrimoine de l’aide locatif du Fonds du logement est un patrimoine locatif loué aux ménages dans les conditions de revenus du logement social mais à un loyer, en général, supérieur à celui du logement social, le Fonds ne bénéficiant pas de subside lui permettant de pratiquer le régime locatif du logement social.
34 Voir le Monitoring des projets de logements publics à Bruxelles.
35 Sur le sujet, on se reportera avec intérêt aux publications du Monitoring des logements publics à Bruxelles (https://perspective.brussels/).
36 Citons notamment M. Van Criekingen (2006), « Que deviennent les quartiers centraux de Bruxelles ? », Brussels Studies et M. Berger (2019), Le temps d’une politique. Chronique des contrats de quartier bruxellois, Civa.
37 On se rapportera à ce sujet notamment à C. Dessouroux et al. (2016), H. Berns et al. (2022) et M.L. De Keersmaecker et P. Zimmer (2019).
38 Comme la condition première même pour certains : voir la dynamique Housing first.
39 La protection sociale en Belgique. Données Sespros 2020. Service public fédéral Sécurité sociale.
40 The state of housing in Europe 2021, Housing Europe.
41 Cabinet Isis Consult : Mission d’étude portant sur la comparaison des coûts en politique du logement, 2013.
42 L’étude met ainsi en évidence qu’avec la part de subside octroyée pour la création d’un nouveau logement social – 50 % de subside soit 108 413 €, en 2021, selon les données transmises – on pourrait mettre à disposition, pendant un an un logement AIS pour 21,9 ménages et une allocations-loyer pour 23,4 ménages. Certes, il s’agit de droit et de dispositifs très différents, mais si on prend en compte l’urgence sociale et le nombre de ménages concernés, il faut reconnaître qu’il y a matière à réflexion.
43 39,677 millions € au budget initial 2023 pour 16,6 millions € en 2010 et 24,4 millions € en 2015.