L’imposture de la collapsologie

La collapsologie est devenu une idéologie à la mode dans les milieux écologistes. Néanmoins, cette théorie de l’effondrement s’apparente à une forme de résignation qui rentre dans le moule du conformisme marchand. 

Les enjeux écologiques et climatiques deviennent déterminants pour l’avenir des sociétés humaines. Cependant, les idéologies écologistes à la mode ne semblent pas à la hauteur des enjeux. Trop souvent, l’écologie apparaît comme une spécialité qui se refuse de remettre en cause tous les aspects du problème. L’écologie se contente souvent de pointer des conséquences superficielles du capitalisme, sans s’attaquer à la racine du problème.

Le courant de la collapsologie est devenu particulièrement influent dans les milieux intellectuels et militants. Les collapsologues sont populaires sur les réseaux sociaux, auprès de la mouvance alternativiste mais aussi des activistes écologistes radicaux. Néanmoins, les collapsologues sont également reçus par les institutions voire les chefs d’État, et se répandent dans les grands médias. Ils sont également salués dans certains milieux intellectuels comme les fondateurs d’une nouvelle discipline scientifique.

Cette théorie de l’effondrement demeure fataliste. Elle reprend une forme de déterminisme historique et dissuade de passer à l’action pour tenter de sauver la planète. Mais la collapsologie semble également naturaliste dans une démarche cohérente. Le social est naturalisé. Il devient donc inutile de lutter contre ses lois implacables. Les collapsologues ne veulent pas changer le monde, mais accommoder la société capitaliste à l’effondrement. Le philosophe Benoît Bohy-Bunel s’attaque à la collapsologie à travers une critique serrée des essais de Pablo Servigne, figure de proue de ce courant, dans le livre Une critique anticapitaliste de la collapsologie.

 

Effondrement de la théorie

L’ouvrage de Pablo Servigne et Raphaël Stevens, Comment tout peut s’effondrer, décrit l’effondrement global à venir. Les nombreux points d’entrée dans la collapsologie sont énumérés : pic pétrolier, crise financière, perte de biodiversité, dérèglement climatique. Tous ces points convergent vers un effondrement nébuleux, dont le concept manque de clarté. Surtout, les sciences naturelles priment sur la critique sociale. « Toutes les données relatives à l’effondrement doivent être quantifiées selon les modèles d’une rationalité machinique. C’est un entendement gestionnaire qui tente de prendre en charge un supposé “effondrement”, même lorsqu’il prétend se préoccuper de la souffrance des individus », observe Benoît Bohy-Bunel. Les collapsologues se vivent en ingénieurs qui conseillent le pouvoir pour l’aider à mieux gérer la catastrophe à venir.

Ce positivisme, qui naturalise les rapports sociaux, débouche vers un fatalisme qui refuse l’action. Les collapsologues se veulent experts d’une maladie tellement incurable qu’il devient vain de lutter contre. Les collapsologues s’appuient sur le best-seller de Jared Diamond, Effondrement. Ce livre entend démontrer la disparition de la population de l’Île de Pâques pour des raisons climatiques et démographiques. Daniel Tanuro rappelle que ce sont les raids esclavagistes et colonialistes qui ont détruit cette civilisation et ruiné définitivement l’écosystème.

Les collapsologues comme Pablo Servigne et Raphaël Stevens, mais aussi l’ancien ministre Yves Cochet, insistent sur les causes démographiques de l’effondrement. La gestion des naissances par l’État devient alors la seule politique. « Le validisme et la gestion autoritaire de la natalité des plus pauvres ont toujours accompagné les projets malthusiens, malgré les bonnes intentions », rappelle Benoît Bohy-Bunel.