Le réveil des grèves et des mobilisations sociales

Le centre de gravité de la vie politique est-il en train de basculer des bancs de l’Assemblée nationale vers la rue ? En tout cas, alors que les députés et sénateurs examinent toujours les projets de loi de finances de l’État et de la Sécurité sociale – avant un probable passage en force qui entérinerait les budgets austéritaires présentés par le gouvernement Barnier – les annonces de grèves et de mobilisations se multiplient.

Le temps suspendu dans lequel le pays a été plongé par la dissolution, les élections législatives, l’absence prolongée de nomination d’un gouvernement, les Jeux olympiques, puis les incertitudes politiques liées à la désignation d’un exécutif issu d’une minorité parlementaire semble prendre fin.

Déjà mi-octobre, la grève pendant plusieurs jours des salariés de Sanofi contre la cession de la filiale du groupe pharmaceutique produisant le Doliprane, suivie par celle de 24 h du secteur de la santé le 29 octobre esquissait un retour de la contestation sociale. Aujourd’hui, ce sont les salariés du groupe Michelin qui se mobilisent, après l’annonce par leur direction le 5 novembre de la fermeture des sites de Cholet et de Vannes d’ici à 2026. Plus de 1200 emplois sont concernés.

Dès l’annonce de la fermeture à venir de leur unité de production, les salariés de Michelin à Cholet ont bloqué le site et voté pour la grève autour d’une intersyndicale composée de la CGT, la CFE-CGC, la CFDT et SUD. Ceux de Vannes, d’abord sonnés par l’annonce, ont manifesté vendredi 8 novembre. Cette semaine, les syndicats du groupe appellent à des grèves sur tous les sites et la CGT a lancé une mobilisation nationale mercredi à Clermont-Ferrand, ville berceau de Michelin. Des salariés de Cholet et Vannes y sont attendus.

Le même jour que l’annonce de la fermeture des sites Michelin, le groupe Auchan, propriété de la famille Mulliez (7e fortune de France), annonçait un plan social de 2 389 emplois, la fermeture d’une dizaine de magasins et de trois entrepôts. La CGT a déposé un préavis de grève reconductible à compter du 7 novembre et quelques rassemblements ont déjà eu lieu devant des magasins de l’enseigne.

La question des suppressions d’emploi pourrait devenir centrale dans les semaines et mois qui viennent. Déjà, le 17 octobre, la CGT publiait une liste de 180 plans de licenciement sur l’ensemble du territoire. Une alerte que le ministre de l’Industrie, Marc Ferracci, n’a pas démentie en déclarant, samedi 9 novembre sur France Inter, que des milliers d’emplois allaient probablement être détruits. Un nombre que la secrétaire générale de la CGT estime à 150 000. Des licenciements pour lesquels elle réclame un moratoire. Afin de l’obtenir, son syndicat appelle à « desmobilisations pour l’emploi dans toutes les régions » le 12 décembre prochain.

D’ici là, de nombreuses grèves sont prévues. Celle qui a fait la Une des journaux ces derniers jours est celle des cheminots. Les quatre syndicats représentatifs à la SNCF (CGT, UNSA, SUD, CFDT) appellent à une journée de grève le 21 novembre pour s’opposer au « démantèlement de FRET SNCF » et sur les salaires. Une grève de 24 h, avant un mouvement reconductible à compter du 11 décembre, si la direction et le gouvernement refusent le moratoire demandé par les organisations syndicales sur la «liquidation du Fret ».

Les fonctionnaires vont également se mobiliser dans les semaines à venir. Les syndicats CGT et FO de la fonction publique ont annoncé, à la sortie de leur entrevue avec leur ministre jeudi dernier, leur détermination à s’opposer par des grèves à l’instauration de trois jours de carence et à la réduction à 90 % des indemnités de congés maladie. Si une date au début du mois de décembre a alors été évoquée, les modalités d’actions et la date exacte d’une grève seront définies ce mardi, à l’occasion d’une réunion de l’ensemble des fédérations de fonctionnaires. Reste à savoir – outre le nombre de fédérations de fonctionnaires qui s’y joindront – si les syndicats enseignants qui ont déposé une alerte sociale mi-octobre contre les 4 000 suppressions de postes prévues au budget 2025 feront date commune avec l’ensemble de la fonction publique, ou s’ils annonceront une date supplémentaire et spécifique. De même pour les soignants qui, après leur grève du 29 octobre, avaient déposé un préavis reconductible couvrant la période des débats sur le budget de la Sécurité sociale.

Autre mouvement qui a moins fait la Une : le secteur de la petite enfance sera mobilisé le 19 novembre prochain, à l’appel du collectif « Pas de bébés à la consigne » et de plusieurs organisations syndicales. Il s’agit pour ces professionnels de dénoncer « la dégradation des conditions d’accueil des tout‐petits et des conditions de travail des professionnel.les », alors que de mauvais traitements dans des crèches privées ont été mis sous le feu des projecteurs ces derniers mois.

Enfin, cette semaine sera également marquée par un appel à la grève du Syndicat national des pilotes de ligne (SNPL), le jeudi 14 novembre. Celui-ci s’inquiète des conséquences sur son secteur du vote d’une taxe sur les billets d’avion. Plusieurs syndicats du secteur aérien ont demandé aux salariés de se joindre à l’appel à rassemblements du SNPL, devant l’Assemblée nationale. Le lendemain, les agriculteurs, FNSEA et Jeunes agriculteurs en tête, lanceront un nouveau mouvement, faisant suite à celui de l’an passé, avec dans leur viseur l’accord de libre-échange entre l’Union européenne et le Mercosur. Et ce à moins de deux mois des prochaines élections aux chambres d’agriculture.

Pour finir, neuf organisations de retraités manifesteront, le 3 décembre dans tout le pays, pour réclamer « une autre politique budgétaire, pour le renforcement des services publics, dont ceux du soin et de la santé, le renforcement de la sécurité sociale et pour l’indexation totale et entière de toutes les retraites sur l’inflation dès le 1er janvier 2025 ». Sans oublier que, dans le même temps, le mouvement contre la vie chère, débuté le 1er septembre, se poursuit en Martinique.

 

Stéphane Ortega.

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