La Flandre, épicentre du conflit de classes dans l’Europe médiévale

Vers la fin du Moyen Âge, la Flandre est traversée par une vague de protestations sociales et de rébellion des artisans et paysans, à nulle autre pareille en Europe. C’est là un cas d’école primordial si l’on s’intéresse à l’histoire des conflits de classe.

Entre 1300 et 1600, seules les cités-États italiennes sont en mesure de rivaliser avec les industries artisanales, le commerce et la production artistique du Sud des Pays-Bas, comme le sait tout amateur d’histoire de l’art.

Le visiteur étranger peut encore aujourd’hui retrouver ce paysage urbain médiéval dans des villes belges historiques célèbres telles que Bruges, Bruxelles, Gand et Anvers. Les artistes plasticiens de la région, dits de la Renaissance nordique, sont tout aussi célèbres : Jan van Eyck, Pieter Bruegel et Peter Paul Rubens, sans oublier des artistes féminines moins connues telles que Clara Peeters.

Ce que l’on sait moins, c’est qu’entre le 12e et le 16e siècle, des principautés comme le Comté de Flandre, le Duché de Brabant et la Principauté de Liège ont connu de fréquentes mobilisations collectives populaires. En effet, la Flandre du 14e siècle est probablement la région préindustrielle où les protestations ouvrières et les guerres civiles ont été les plus intenses et les plus fréquentes.

La Flandre du 14e siècle est probablement la région préindustrielle où les protestations ouvrières et les guerres civiles ont été les plus intenses et les plus fréquentes.

Cet article propose un aperçu des tensions sociales en Flandre au cours du Moyen Âge et en examine ledifférents aspects dans le contexte plus large de la contestation populaire dans l’Europe médiévale.

 

Le centre de la révolte

La partie méridionale des Pays-Bas historiques couvre approximativement la Belgique et le Luxembourg actuels, ainsi que les régions les plus septentrionales de la France et une petite partie méridionale du royaume néerlandais. Il s’agit d’une zone densément urbanisée. En 1300, on estime qu’entre 30 et 40 % de la population vit dans les villes, ce qui est nettement supérieur à la moyenne de l’Europe médiévale.

Deux révoltes sont particulièrement célèbres : le soulèvement qui aboutit en 1302 à la bataille de Courtrai, au cours de laquelle une milice composée essentiellement d’artisans brugeois révoltés remporte la victoire face à des chevaliers français qui constituent la plus puissante armée de l’Europe médiévale ; et la révolte de la Flandre maritime entre 1323 et 1328.

En 1297, prétextant un conflit de droits féodaux avec son vassal le comte Guy de Dampierre, le roi de France envoie ses troupes envahir le prospère comté de Flandre. Son véritable objectif est de s’emparer des villes de la région, en plein essor économique, et des revenus fiscaux qu’elles fournissent. La classe marchande flamande, en conflit avec le comte depuis un certain temps, soutient l’envahisseur français.

Au début, les artisans de Gand et de Bruges ne réagissent pas à l’invasion. En 1301, cependant, ils se mettent à protester contre les impôts injustes. Les membres de la famille comtale flamande qui ont conservé une petite partie du comté y voient l’occasion de s’allier avec Pieter de Coninck, tisserand et chef rebelle de Bruges.

1302 est souvent présentée comme une lutte nationale plutôt que comme une lutte des classes. Mais elle a été causée par de profondes tensions sociales entre l’artisanat urbain et la classe marchande flamande.

Le 11 juillet 1302, cette alliance improbable élimine l’armée française. Bien que les Flamands soient contraints de négocier un traité de paix injuste, ils restent indépendants. Plus important encore, les artisans ordinaires sont désormais représentés au sein des gouvernements des villes.

Quelques années plus tard, la famille comtale, de plus en plus mal à l’aise dans son alliance avec les ouvriers et les petits producteurs, se range à nouveau du côté des patriciens et de la famille royale française. Cela ravive la colère au sein les masses travailleuses, et plus encore parmi les paysans, qui ont eux aussi des raisons de se révolter contre les impôts.