Refinancement en personnel des missions constitutionnelles et légales des Administrations opérationnelles du SPF Finances, notamment en matière de contrôle.
A l’attention de :
M. De Croo, Premier Ministre,
M. Van Peteghem, Vice-Premier Ministre, Ministre des Finances,
M. Dermagne, Vice-Premier Ministre, Ministre des Affaires Économiques et du Travail,
M. Vandenbroucke, Vice-Premier Ministre, Ministre des Affaires Sociales et de la Santé Publique,
M. Clarinval, Vice-Premier Ministre, Ministre des Classes Moyennes, des Indépendants, des PME et de l’Agriculture,
M. Van Quickenborne, Vice-Premier Ministre, Ministre de la Justice,
M. Gilkinet, Vice-Premier Ministre, Ministre de la Mobilité,
Mme De Sutter, Vice-Première Ministre, Ministre de la Fonction Publique, des Entreprises Publiques, des Télécommunications et de la Poste,
Mme De Bleeker, Secrétaire d’Etat au Budget.
CROYEZ-VOUS QUE NOUS POUVONS VIVRE SANS VOUS ?
Vous ne pouvez lire cet article que parce que d’autres lecteurs se sont abonnés.
Vous aussi, soutenez une presse libre !
Abonnez-vous à www.pour.press
Par courrier du 30/06/2022, le Réseau pour la Justice Fiscale (RJF) et ses associations membres demandaient au Gouvernement Fédéral, aux Autorités politiques et administratives de mettre en œuvre un refinancement des moyens en personnel des missions constitutionnelles et légales des Administrations opérationnelles du SPF Finances, notamment en matière de contrôle.
Ce refinancement se développe, selon le RJF, selon deux principes.
1) Remplacement de chaque départ par un engagement dans les fonctions de contrôle
La règle obtenue par la Police Judiciaire Fédérale d’un remplacement pour chaque départ, qui autorise un recrutement de rattrapage de 109 agents en 2022, doit également être effectivement appliquée pour le SPF Finances en ce qui concerne les fonctions de contrôle pour lesquelles cette règle a été acceptée par le Gouvernement Michel et mise en œuvre par M. Van Overtveldt, précédent Ministre des Finances.
Sur la période du 01/01/2018 au 31/05/2021, l’AG Fisc a perdu 290 agents de contrôle non remplacés, soit 7 agents de contrôle chaque mois (après prise en compte des affectations nouvelles dans ces postes).
Également, les 250 engagements obtenus par Douanes et Accises (DA) pour le Brexit à compter du 01/01/2020 ont, dans les faits, servis à absorber les pertes d’agents de contrôle chez DA (en moyenne, 75 par an), le nombre d’ETP en contrôle chez DA étant de 839 au 31/05/2021 pour 824 au 01/01/2018.
Comme précisé dans ses courriers du 02/02/2022 et du 30/06/2022, le RJF réitère sa demande d’un respect de la règle d’un engagement pour un départ en ce qui concerne les fonctions de contrôle, à missions constantes, et donc d’un recrutement compensatoire en priorité pour l’AG FISC.
2) Égalité de traitement des différents services publics
Le RJF estime que l’on ne peut accorder moins au SPF Finances pour ses missions constitutionnelles et légales que ce que le Gouvernement a décidé d’accorder à la Police Fédérale (hors Police Locale) et à la Police Judiciaire Fédérale pour leurs missions constitutionnelles et légales.
Le personnel de la Police Fédérale étant de 12.199 ETP au 01/01/2020, l’accord conclu par le Gouvernement Fédéral garantit que ce personnel sera de 13.109 ETP au 31/12/2024, soit une croissance de +7,6%.
En ce qui concerne les 5 Administrations générales opérationnelles du SPF Finances (AG Fisc, Douanes et Accises, ISI, Perception et Recouvrement, Documentation Patrimoniale), le nombre d’ETP au 01/01/2020 était de 18.437 selon les données publiques disponibles sur le site du SPF Finances.
Si on applique le principe d’une croissance de + 7,6% à fin 2024 (retenu par le Gouvernement pour ce qui concerne les missions constitutionnelles et légales de la Police Fédérale), le total des ETP des 5 Administrations générales opérationnelles du SPF Finances s’élèverait à 19.838 ETP fin 2024.
Soit une croissance de + 1.948 ETP par rapport à la situation du personnel de ces 5 Administrations générales au 01/01/2022 de 17.890 ETP (perte de 547 ETP depuis le 01/01/2020 en 24 mois, soit une perte mensuelle moyenne de 23 ETP sur la période), selon les données publiques disponibles sur le site du SPF Finances.
A raisonnement similaire avec celui tenu pour la Police Fédérale approuvé par le Gouvernement, cette augmentation de 1.948 ETP fin 2024 implique :
– La compensation de tous les départs à compter du 01/01/2022 par un engagement quelle que soit la fonction.
– Une croissance de 1.948 ETP au 31/12/2024 par rapport au niveau du personnel au 01/01/2022 de ces 5 Administrations générales concernées.
Ces mouvements incluent bien entendu les 173 engagements obtenus en 09/2021 et en 2022 pour les nouvelles missions de l’ISI (25), du Pilier Grandes Entreprises (40) et de Douanes et Accises Anvers (108).
Affectation prioritaire des moyens nouveaux sollicités
Le RJF souhaite que des engagements préférentiels aient lieu dans les Piliers Particuliers et PME.
– En ce qui concerne le Pilier PME, lors de la traduction en droit interne de la Directive Européenne sur la notion de PME, quelques 1.500 sociétés, considérées précédemment comme Grandes Entreprises (GE) (soit 10% de la population du Pilier Grandes Entreprises), ont quitté ce Pilier GE pour aller vers le Pilier PME, sans que soient transférées les capacités en personnel tant dans la fonction de gestion que dans la fonction de contrôle.
Plusieurs autres arguments plaident également en faveur d’un refinancement de la force de travail du SPF Finances
Pour reprendre les critères utilisés par l’OCDE dans ses rapports bisannuels sur les Administrations fiscales (lesquels rapports étudient également l’Administration fiscale belge), les mesures prévues dans les 2 plans anti-fraude ont pour objet de renforcer la capacité légale et technologique en outils applicatifs et logiciels des Administrations fiscales opérationnelles, mais pas sa force de travail. Or, sans une capacité de force de travail suffisante en nombre dans la fonction de contrôle, mais également dans la fonction de gestion, de recouvrement, de contentieux et de prestations de services, les améliorations légales et technologiques perdent de leurs effets potentiels et effectifs.
2) Les données publiques disponibles sur le site du SPF Finances montrent :
A) Une croissance annuelle du nombre de déclarations TVA de 584.470 déclarations entre 2011 et 2021, soit + 17,31%, les déclarations TVA et relevés étant déposés de manière informatisée, sans que les capacités de gestion et de contrôle aient été ajustées à cette hausse.
Les mises en ordre en gestion restent à un niveau stable entre 2010 et 2021, passant de 141.155 en 2010 à 137.334 en 2021.
Les dossiers TVA mis en contrôle passent de 89.596 en 2010 à 29.742 en 2021, soit une chute de – 66%.
Cette évolution ne peut être imputée au data mining TVA qui n’est plus mis en production depuis 2010. Également, l’organisation de la sélection des dossiers à vérifier en TVA et les outils de sélection n’ayant pas substantiellement changé depuis 2010, impôt pour lequel il existe une forme de gestion des risques complète et centralisée (susceptible d’améliorations notamment par l’introduction généralisée de caisses enregistreuses scellées comme en Suède ou en France), la chute des montants de TVA mis en recouvrement comme la chute du nombre de dossiers mis en vérification relèvent du seul effet de la diminution des capacités de vérification des Unités de gestion et de contrôle.
B) Une croissance du nombre de contribuables IPP de 906.091 contribuables IPP entre 2011 et 2020, soit + 14,37%, l’essentiel des déclarations relevant de procédures de dépôt informatisées telles Tax On Web ou PDS, lesquelles ont pour effet de réduire fortement les mises en ordre antérieurement pratiquées (plus de 3.343.050 mises en ordre en 2010, représentant 1,5 Milliard d’euros de majorations de revenus, chez les salariés et assimilés, mises en ordre et montants qui disparaissent via le pré-remplissage Tax On Web et les PDS et les contrôles mathématiques et logiques sur ces applications et subsistent très partiellement par l’usage de « Tax On Web fonctionnaires » dans les front offices lors des périodes de dépôt des déclarations IPP du Pilier Particuliers) mais sans que les capacités de gestion et de contrôle aient été ajustées à cette hausse du nombre des contribuables IPP.
Le nombre de dossiers mis en vérification pour les salariés, dirigeants d’entreprises, professions libérales et indépendants est passé de 350.185 dossiers en 2010 à 44.021 dossiers en 2021 (91.460 en 2014), soit une chute de – 87,4% en 11 ans.
Le montant des majorations de revenus suite à une vérification, donc hors mises en ordre, est passé pour l’IPP, en euros courants, de 3,869 Milliards en 2010 à 1,433 Milliard en 2021, soit une chute de – 2,436 Milliards en euros courants en 11 ans ou – 63 %. Tenant compte de l’évolution de l’inflation observée de 15%, en euros constants de 2010, la chute est de – 67,8%.
Comme un premier niveau de gestion des risques existe à l’IPP au travers du traitement intégré de Tax On Web et des PDS via le pré-remplissage des données salariales ou assimilées disponibles des débiteurs de revenus pour les salariés, pensionnés, chômeurs et malades (donc, à l’exclusion de revenus professionnels d’une partie significative des dirigeants d’entreprises et des activités exercées par des indépendants – commerçants ou professions libérales -) et les données des dépenses fiscales pour tous les contribuables IPP, la diminution des vérifications entre 2010 et 2021 diminue fortement la pression des vérifications telle qu’elle était exercée en 2010 sur les dirigeants d’entreprises et les activités exercées par les indépendants (en 2010, quelque 202.000 mises en ordre et quelques 130.000 contrôles de gestion et vérifications approfondies, pour l’essentiel disparues, pour une partie des 44.021 contrôles en 2021).
C) Une croissance du nombre de déclarants potentiels à l’Impôt des sociétés de 112.044 déclarants entre 2011 et 2020, soit + 24,86%, sans que les capacités de gestion et de contrôle aient été ajustées à cette hausse.
Le nombre de dossiers mis en vérification (hors mises en ordre qui ont disparu) passe de 88.350 en 2010 à 40.478 en 2021, soit une chute de – 47.872 ou – 54%.
Le montant des majorations de revenus liées à ces vérifications passe de 3,557 Milliards d’euros en 2010 à 2,567 Milliards d’euros en 2021 en euros courants, soit une chute de – 0,99 Milliard d’euros en euros courants ou – 27,8%. En euros constants de 2010, tenant compte de l’inflation observée de 15%, la chute des majorations de revenus est de – 37,25 %.
D) Hors opérations à ramifications et tenant compte d’un volet d’opérations de contrôle programmées soit tous les 2 ans au lieu d’annuellement ou d’opérations nouvelles liées à certains dispositifs fiscaux, le portefeuille des sélections centralisées impératives en IPP et en ISOC représente depuis 2010 une forte identité répétitive (certains dossiers sélectionnés centralement étant par ailleurs mis en sélection locale), la part et la qualité des sélections locales diminuant. En l’absence d’une réelle gestion des risques en matière d’Impôt des Personnes Physiques et d’Impôt des Sociétés, impôts pour lesquels les outils de data mining sont peu utilisés au stade de la sélection des dossiers à l’AG Fisc, la diminution du nombre des dossiers mis en contrôle et la diminution du montant des majorations de revenus est un effet de la diminution du nombre d’agents des Unités de gestion et de contrôle.
E) Entre le 31/12/2010 et le 31/12/2021, le personnel de l’AG Fisc a évolué de 10.623 ETP au 31/12/2010 à 8.292 ETP au 31/12/2016 (année de la mise en place des services opérationnels des Piliers Particuliers, PME et Grandes Entreprises) et à 7.406 ETP fin 2021, soit une perte de – 3.217 ETP en 11 ans (- 30,28 %) et une perte de – 886 ETP en 5 ans (- 10,68%), pour l’essentiel dans les Unités de gestion et de contrôle.
F) On peut donc conclure que depuis 2011, la consistance en personnel des Unités de gestion et de contrôle, en charge des tâches de gestion et de vérification suivant le dépôt des déclarations (ou l’absence de dépôt des déclarations) a fortement diminué dans ces 3 Impôts IPP, ISOC et TVA alors que les nombres des assujettis et contribuables augmentaient fortement et que chutaient les nombres des opérations de gestion et de contrôle et leurs rendements, comme le montre l’analyse des données publiques des rapports du SPF Finances depuis 2010 jusque 2021, sans que cette diminution du personnel, du nombre des dossiers mis en contrôle et des montants des majorations de revenus ou de la TVA mise en recouvrement soient imputables à une gestion des risques très variable, aux sélections centralisées, aux outils de data mining ou aux dispositifs informatisés de dépôts des déclarations dans ces 3 Impôts.
Le SPF Finances écrira qu’il s’agirait d’une meilleure compliance spontanée des contribuables ou des assujettis mais tant les données chiffrées des rapports annuels que les rapports de la Cour des Comptes belge depuis 15 ans démentent une telle conclusion, que le SPF Finances n’a par ailleurs jamais démontré dans les 3 Impôts concernés et ne pourrait le faire dans la mesure où les documents publics indiquent que le SPF Finances limite son approche en matière de compliance aux aspects douaniers et accisiens et perception et recouvrement.
– Tout d’abord, le contrôle par les services fiscaux des restitutions sollicitées de précompte mobilier, aspect pour lequel le second plan anti-fraude en matière internationale prévoit des mesures au départ de constats interpellants et pour lequel un récent article du VIF L’Express de juillet 2022 publie d’autres informations et constats interpellants.
3) L’Administration fiscale fédérale américaine IRS (compétente pour l’Impôt des Personnes Physiques Fédéral et pour l’Impôt des Sociétés Fédéral ainsi que pour les prix de transfert externes, la TVA étant une compétence des États fédérés des USA comme les Impôts des Personnes Physiques et des Sociétés des États Fédérés et les prix de transfert internes, donc non pris en charge par l’IRS fédéral) vient d’obtenir un plan de refinancement de 80 Milliards de dollars sur 10 ans, qui l’autorisera non seulement à re-profiler et développer son infrastructure informatique, applicative et logicielle, mais également à engager quelques 83.000 agents, ce qui doublerait sa force de travail, avec comme objectifs de restaurer des fonctions de gestion, de contrôle (pour les contribuables particuliers de plus de 450.000 dollars et pour les Grandes Entreprises), de contentieux et de prestations de service suffisamment effectives (vu la croissance des demandes et des nombres de contribuables) et suffisamment décentes en consistance et en qualité.
Le RJF se tient à votre disposition pour toute rencontre avec vous ou des délégués de vos cabinets ou de vos services d’études.
Veuillez agréer, Madame, Monsieur, l’assurance de notre considération.
Daniel Puissant, Secrétaire du RJF
Cette note a été élaborée pour le RJF par Alain Moreau, expert auprès du RJF, avec diverses collaborations techniques.
Sources des données :
– Organisations syndicales reconnues du SPF Finances ;
– Données gouvernementales publiques pour le refinancement de la Police Fédérale (hors zones de Police locale) et de la Police Judiciaire Fédérale ;
– Communiqués de presse du Ministre des Finances et du SPF Finances ;
– Données statistiques publiques des rapports annuels du SPF Finances, figurant sur le site internet du SPF Finances ;
– Données statistiques publiques sur l’état des lieux au 31/12 du personnel du SPF Finances, figurant sur le site internet du SPF Finances ;
– Rapports de la Cour des Comptes Belge et de la Cour des Comptes Européenne, données publiques figurant sur les sites internet des deux institutions ;
– Courriers du RJF au Gouvernement Fédéral et leurs annexes des 02/02/2022, 30/06/2022 et 05/07/2022 et leurs annexes ;
– Articles de presse.
Le présent courrier est envoyé au Gouvernement Fédéral (Premier Ministre, Vice-Premiers Ministres et Secrétaire d’État au Budget) et pour information, aux Présidents de parti (à l’exception du Vlaams Belang), aux chefs de groupes politiques à la Chambre des Représentants (à l’exception du Vlaams Belang), aux membres de la Commission des Finances et du Budget, aux membres du Comité Directeur du SPF Finances et aux 4 organisations syndicales représentatives du SPF Finances.
Le RJF réunit les confédérations syndicales et une trentaine d’ONG, d’associations et de mouvements de Wallonie et de Bruxelles qui eux-mêmes regroupent plusieurs milliers de membres actifs et des millions d’adhérents. Le RJF sensibilise le public et interpelle les autorités politiques et les partis politiques sur la nécessité d’une fiscalité plus équitable au service d’un refinancement des biens et services collectifs.