Ce 11 février 2020, le ministre philippin des Affaires étrangères, Teodoro Locsin, tweetait à l’ambassade américaine de Manille que son pays allait mettre fin au pacte militaire signé en 1998 avec les États-Unis, ce que le président Rodrigo Rody Duterte avait déjà menacé de faire en 2016, puis en janvier dernier. Le Visiting Forces Agreement (VFA)[1] légalise la présence de troupes américaines aux Philippines et l’organisation d’exercices militaires conjoints. Une annonce qui a semé l’inquiétude quant à l’avenir des équilibres stratégiques en Asie orientale.
Ces dernières années, nos médias mainstream ont surtout traité des Philippines à travers la personnalité du président Duterte, faisant leurs choux gras des propos outranciers et des injures auxquelles celui-ci semble se complaire. La question est de savoir si cette focalisation sur un personnage quelque peu ubuesque n’a pas eu pour effet d’occulter des problématiques bien plus déterminantes.
En fonction depuis le 30 juin 2016, Rodrigo Duterte, dit aussi Digong, s’est rapidement gagné dans la presse internationale une série de surnoms : « Le Punisseur » (Time Magazine), « Dirty Duterte » (The Times) et, plus récemment, « Le Trump philippin ».
Pau DELMOTTE,
Professeur de politique internationale retraité de l’IHECS
[1] Un second pacte, un traité d’assistance militaire, signé en 1951, est censé garantir une aide mutuelle en cas d’agression de l’un des signataires par un pays tiers.
[2] 1,5 million d’habitants, 4ème ville du pays et principale ville de l’île de Mindanao, au Sud.
[3] La plus révoltante qui nous a été rapportée est celle de la réaction de Duterte au viol collectif et à l’assassinat d’une missionnaire australienne lors d’une mutinerie à la prison de Davao: « J’étais en colère qu’il l’aient violée, mais elle était si belle ! Je me suis dit: ‘’le maire aurait dû avoir la primeur’’ ». Après leurs protestations, les ambassadeurs américain et australien avaient été sommés de « fermer leurs gueules ».
[4] « Bakla » (« Efféminé »), terme qui en tagalog désigne péjorativement les homosexuels.
[5] Le Monde, 1.7.2016 – J. Teehankee est professeur de Sciences politiques à l’Université De La Salle (Manille). Mark R. Thompson dirige le Southeast Asia Research Centre (Hong Kong).
[6] En octobre 2017, Reuters affirmait que 9 Philippins sur 10 soutenaient la campagne antidrogue du président.
[7] RTBF Info, 12.01.2017.
[8] L’Obs, 29.6.2016.
[9] En comparaison, le PIB/hab. (44.881 $) et l’IDH (0,916, 17e) de la Belgique sont considérés comme « très élevés »
[10] D’autant qu’il voue un véritable culte à feu le dictateur kleptocrate Ferdinand Marcos (1965-1986) qui avait détourné près de 10 milliards $ en 20 ans.
[11] Plusieurs îles, dont les archipels des Paracel et des Spratley, sont revendiquées à la fois par la Chine, Taïwan, les Philippines, la Malaisie, Brunei, l’Indonésie et le Vietnam.
[12] L’on se rappellera que l’embargo décrété en 1941 par les États-Unis contre le Japon avait eu pour réplique immédiate Pearl Harbor.
[13] Condamnation par le Sénat US de lutte « antidrogue » et refus de l’ambassade étasunienne à Manille d’accorder un visa au sénateur Ronald Dela Rosa, chef de la police (2016-208) et donc maître d’œuvre de la campagne « antidrogue » (janvier 2020.)
[14] Ainsi, nombreux sont les Philippins qui dénoncent de longue date le traitement spécifique et plus clément réservé aux militaires américains coupables de crimes commis dans l’archipel.
[15] A propos du récif/atoll de Scarborough.
[16] Allégation que pourrait conforter la demande, déjà émise en 2014, du ministère philippin de la Défense de réduire de 500 à 200 hommes le contingent de forces spéciales américaines affectés à la « lutte antiterroriste » aux Philippines.
[17] Très endommagée par l’éruption du Pinatubo (1991), Subic Bay fut évacuée. En septembre 1991, le Sénat philippin refusa la ratification d’un traité « d’amitié, de paix et de coopération » avec les États-Unis, ce qui poussa la présidente Cory Aquino à demander, à contrecœur le retrait des troupes US à la fin 1992. En juin 2012, avec le regain d’intérêt américain pour l’Asie orientale, le gouvernement philippin « permit » à nouveau aux Américains d’utiliser Subic Bay. En avril 2014, un nouvel accord ouvrit les bases de l’archipel aux forces états-uniennes, mais son application fut retardée suite aux protestations de l’opposition.
[18] Courrier International, 27.10.2016.