Riccardo Petrella nous a transmis une courte « fiche » qui fait le point sur l’inacceptable situation actuelle. Elle sert de point de départ d’une mobilisation à laquelle POUR collaborera avec force.
Alain Adriaens
En faisant de l’eau une source de profits, on vole la vie
L’eau est vie, source de vie. Aucune espèce vivante de la Terre (microbe, plante, animal, être humain) ne peut vivre sans eau. De tous temps, l’eau a posé, et continue de poser, deux problèmes majeurs :
- Son accès dans la quantité et la qualité nécessaires pour la vie (boire, s’alimenter, l’hygiène, les activités économiques…). Est-ce un droit universel (de toute personne, de tout peuple) ou un besoin (individuel, de groupe, local) ?
On a toujours pensé que personne ne pouvait être exclu de l’accès l’eau et qu’on ne pouvait pas refuser de l’eau même à l’ennemi
- Sa protection, sauvegarde, régénération pour la vie future.
Une tâche, obligation, revenant à la responsabilité de qui ? A la collectivité et aux pouvoirs publics ? Aux privés eux-mêmes, à un mélange de se sujets publics et privés ? En règle générale, depuis l’ère des Pharaons et des Romains, l’eau a été considérée comme un « bien commun »
- Le scandale: encore aujourd’hui il y a 2,1 milliards d’êtres humains qui n’ont pas accès à l’eau potable de manière régulière, suffisante et saine et 4,2 milliards qui ne savent pas ce qu’est une toilette digne d’un être humain. Le monde est capable d’envoyer des humains sur la lune et de faire acheter des téléphones cellulaires à plus de 6 milliards de personnes mais se dit impuissant pour fournir l’eau pour la vie et les toilettes pour la santé à des milliards de personnes ! Le droit universel à l’eau a été formellement reconnu par l’ONU pour la première fois dans l’histoire de l’humanité le 28 juillet ! Et aujourd’hui les groupes dirigeants tendent à réduire le droit (universel, indivisible, inaliénable, imprescriptible) à un « besoin vital » (individuel, divisible, payable, variable, subjectif)
- Le vol: pendant des siècles, l’eau et ses services hydriques (protection des sources, construction des aqueducs, distribution de l’eau et gestion des eaux usées, réseaux d’égouts et, depuis quelques décennies, traitement /purification et recyclage…) ont été gérés principalement par la collectivité, par des entreprises publiques. Au nom du droit, les services étaient prestés (quasi) gratuitement. Les coûts du système étaient financés surtout par le budget public via la fiscalité générale. Ces 40 dernières années, les classes dirigeantes ont décidé que l’eau pour la vie devait être traitée principalement comme un bien économique, une ressource économique, une marchandise. Ainsi, sa gestion devait être assurée selon les principes de l’économie dominante – le capitalisme de marché financier – en particulier la rentabilité. Dès lors, au nom de l’argent, les coûts du système doivent être pris en charge par les consommateurs d’eau en fonction de la quantité « consommée ». Pas d’eau sans paiement aux entreprises gestionnaires privées de plus en plus grandes multinationales opérant en bourse sous le contrôle des détenteurs de capitaux mondiaux à la recherche du rendement le plus élevé.
L’eau est devenue surtout source de profit. C’est pour cela qu’on l’appelle désormais « l’or bleu ». De bien commun l’eau a été transformée en ressource pour faire de l’argent. On a volé la vie.
Riccardo Petrella
[1] Riccardo Petrella, Le Manifeste de l’eau. Pour un contrat mondial, Labor, 1998.
[2] Collectif, sous la direction de Riccardo Petrella, L’Eau, res publica ou marchandise ?, La Dispute, 2003.