Un «OTAN économique» serait une fuite en avant vers un modèle hégémonique occidental définitivement périmé.
Le TTIP vise explicitement à développer des règles nouvelles à imposer au reste du monde, pour contrer la montée des pays émergents. Il veut intensifier les échanges entre les deux plus grands blocs économiques du monde, au détriment des pays les plus vulnérables.
- Des normes transatlantiques imposées au reste du monde
L’ambition d’établir de nouvelles normes développées dans le marché transatlantique par l’UE et les USA, combinées à celles d’imposer ces normes au reste du monde, relève d’une vision hégémonique de l’Occident. Celle-ci s’oppose frontalement au multilatéralisme que louent pourtant encore régulièrement les dirigeants européens. C’est tenter d’imposer au reste du monde des réglementations élaborées sans eux et donc le plus souvent contraires à leurs intérêts. Imposer ces normes «occidentales» c’est en même temps empêcher les autres pays d’adopter eux-mêmes de nouvelles règles protégeant l’intérêt général. Au lieu d’une gouvernance mondiale qui encadre l’économie mondialisée et la mette au service des droits humains, c’est imposer le triomphe de l’économie mondialisée au profit des super-riches.
- La condamnation à mort du multilatéralisme…
Le TTIP imposerait aux pays en développement une série de mesures de libéralisation du commerce qu’ils ont rejetées en bloc dans le cadre de l’OMC, car ils exigeaient la correction des effets néfastes sur leurs économies et leurs emplois. De plus, la plupart des impacts négatifs probables en Europe et aux Etats-Unis affecteront également les pays en développement dès lors que les normes établies par le TTIP leurs seront imposées.
- … et des accords préférentiels pour les pays en développement
Une étude produite par le Parlement européen établit que les partenaires commerciaux de l’UE et des Etats-Unis connaîtraient un recul économique significatif, qui signifierait pour certains une perte de revenus et d’emplois importante. En particulier, les pays en développement qui bénéficient pour la plupart d’accès préférentiels aux marchés européen et américain souffriraient d’une «érosion des préférences».[1] D’autres études identifient des pertes d’exportations jusqu’à 34% pour la Thaïlande ou l’Indonésie (vers les Etats-Unis) [2] ou encore des pertes significatives pour les pays dits «les moins avancés», essentiellement situés en Afrique.[3] Enfin, selon l’Institut IFO basé en Allemagne, des pays comme la Guinée ou le Botswana pourraient voir leurs revenus réels chuter de respectivement 7,4% et 4,1%.[4]
Bref, le TTIP, présenté par Hillary Clinton comme un «OTAN économique» se présente comme une fuite en avant vers un modèle hégémonique occidental définitivement périmé, à l’heure d’un monde multipolaire qui nécessite plus que jamais un multilatéralisme réinventé et profondément démocratique.
[1] R. BENDINI, P. DE MICCO, « The expected impact of the TTIP on EU Member States and selected third countries » , European Parilament http://www.europarl.europa.eu/RegData/etudes/IDAN/2014/536403/EXPO_IDA(2014)536403_EN.pdf
[2] http://www.bertelsmann-stiftung.de/fileadmin/files/user_upload/Asia_Policy_Brief_2013_05_e.pdf
[3] http://tradesift.com/Reports/Potential%20Effects%20of%20the%20Proposed%20Transatlantic%20Trade%20and%20Investment%20Partnership%20on%20Selected%20Developing%20Countries_DFID_Final%20Report_July2013.pdf
[4] http://www.cesifo-group.de/portal/page/portal/DocBase_Service/studien/studie-kurz-2015-ttip-felbermayr.pdf cité par Euractiv http://www.euractiv.fr/sections/aide-au-developpement/limpact-du-ttip-sur-les-pays-en-developpement-divise-en-allemagne