Il y a 73 ans, l’ancien Premier ministre de mon pays, Paul-Emile Janson, est mort dans un camp de concentration pour avoir résisté à la barbarie nazie.
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Il y a 44 ans, un coup d’Etat au Chili a mis le général Pinochet au pouvoir. Mon pays a ouvert les portes de son ambassade et accueilli des centaines de réfugiés. Mon pays a sauvé des vies.
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Il y a 47 ans, le papa et la maman d’une de mes amies proches ont été arrêtés et torturés au Brésil. Elle attendait un bébé. Ils ont ensuite réussi à fuir, et mon pays leur a ouvert ses portes, comme à beaucoup d’autres. Ils ont contribué à renforcer la solidarité ici, puis en France. Plus tard, il sont rentrés chez eux et ont contribué à construire un Brésil démocratique et un peu plus juste.
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Il y a 24 ans, mon pays a adopté une loi de compétence universelle, estimant que certains crimes étaient tellement graves qu’ils devraient pouvoir être punis partout sur la planète. Il a ensuite joué une part active dans la mise en place d’une Cour pénale internationale.
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Aussi loin que je me souvienne, je me suis battu contre ce qui n’allait pas autour de moi, je me suis battu contre les injustices dans mon pays et ailleurs. Aussi loin que je me souvienne, j’ai cependant toujours été réconforté par l’idée que, malgré d’énormes divergences sur les solutions à apporter pour que le monde aille mieux, l’immense majorité des citoyens de mon pays et, en particulier, ses hommes et ses femmes politiques partageaient, depuis 70 ans, un socle de valeurs communes. On l’appelle démocratie, droits humains, libéralisme politique, on l’appelle comme on veut. Mais à ça, on ne touche pas.
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Depuis trois ans, un homme, à qui l’on a confié les clés de notre politique migratoire, passe une à une toutes les balises qui définissent la démocratie et l’Etat de droit. Dans les mots, mais dans les actes aussi. Cet homme a aujourd’hui permis aux autorités d’un pays dont le président est mis en accusation pour génocide de venir identifier ceux qui l’avaient fui. Pas besoin à ce sujet de citer d’exemple historique, ils sont évidents pour chacun. Aujourd’hui, je ne reconnais plus mon pays.
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Ayons conscience que la question n’est pas uniquement celle d’une personne en particulier, que ce sont les balises de toute notre société qui sont ainsi repoussées une à une. Si nous ne l’arrêtons pas maintenant, il continuera, puis d’autres prendront la relève et nous nous réveillerons dans un monde que personne, ou pas grand-monde, n’aura voulu.
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Il est temps de dire “stop”. C’est le rôle de notre Premier ministre, qui est le garant de notre héritage commun. Mais c’est aussi le rôle de chacun d’entre nous.
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Nicolas Van Nuffel
CNCD 11.11.11