Les USA cherchent à décupler les opportunités commerciales des stars du numérique comme Facebook et Google
NUMERIQUE
Prise de position
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Voilà bien un sujet sensible tant pour les entreprises craignant l’espionnage industriel que pour les citoyens redoutant des intrusions dans leur vie privée au mépris de leurs droits fondamentaux.
Depuis que le Parlement européen a fait faux bond à la Commission en rejetant le Traité commercial anti-contrefaçon (ACTA) car les moyens qu’il mettait en œuvre étaient disproportionnés, depuis les mises en garde par les autorités nationales compétentes contre un nivellement par le bas des normes européennes en la matière, la Commission sait à quoi s’en tenir. C’est pourquoi elle assurait que la protection des données ne serait pas négociée dans le cadre du TTIP.
Il n’y a aux USA aucune loi garantissant le respect de la vie privée !
Pourtant, les États-Unis insistent pour y faire figurer des clauses sur les flux de données. En ligne de mire, l’e-commerce et la circulation des informations commerciales. Les USA cherchent à décupler les opportunités commerciales des stars du numérique comme Facebook et Google, qui ont basé leur modèle économique sur la surveillance commerciale de masse: elles enregistrent et contrôlent en temps réel les données bancaires, médicales, politiques, de géolocalisation et celles liées à nos centres d’intérêts et les revendent à des publicitaires et à quiconque est prêt à y mettre le prix, sans limites raisonnables.
Les États-Unis mettent donc l’Europe sous pression car elle est l’un des derniers remparts à ces pratiques. Depuis 1995, l’UE interdit que les données de ses ressortissants soient transférées à des pays extra-européens n’offrant pas de protections adéquates. Mais en 2000, la Commission a autorisé les sociétés américaines acceptant de se soumettre à la législation européenne à rentrer dans ce cas de figure. Depuis lors, certaines irrégularités ont été constatées et une plainte déposée en Irlande en 2011 par Max Schrems, avocat, qui contestait le transfert de ses données à Facebook, a mené à une saga juridique sur la validité de la décision de la Commission. Alors que j’écris ces lignes, les juges européens ne se sont pas prononcés sur ce cas dont les conséquences pourraient influer sur la manière d’aborder ou non le sujet dans le cadre du TTIP.
Si le rempart européen saute, les entreprises du numérique, dont la capitalisation boursière excède souvent celle des géants de l’industrie traditionnelle et le PIB de certains pays ne rencontreront plus aucun obstacle quant à l’utilisation de nos données. Ceci est d’autant plus inquiétant qu’il n’y a aux USA aucune loi garantissant le respect de la vie privée!
Et ce rempart se lézarde: à la mi-mars, un responsable européen déclarait que la Commission pourrait ouvrir les négociations sur les flux de données dès l’adoption de la future législation européenne sur la protection des données. Pourtant, on voit mal comment les deux – flux et protection des données – peuvent être dissociés… Ainsi, l’Europe serait prête à se mettre autour de la table avec les USA alors que la Commission vient juste de rendre publique sa nouvelle stratégie numérique visant à créer un marché unique du digital et à favoriser l’émergence de «champions». Et l’Europe risque bien de commettre une nouvelle erreur stratégique.