On ne compte plus les dates où l’application provisoire du CETA devait démarrer. Dans son empressement, la Commission européenne a multiplié les (effets d’) annonces. A l’horizon du vote de ratification au Parlement européen, on a parlé du 1er mars puis du 1er avril. Il est maintenant question du 1er juillet, au plus tard.
Côté européen, le boulot est fait. Depuis la ratification à Strasbourg mi-février, rien* ne s’oppose à l’application provisoire. Côté canadien où la ratification revient au gouvernement fédéral, une fois n’est pas coutume, cela traîne. En cause, le C-30. Il s’agit du projet de loi visant à mettre les lois et règlements canadiens en conformité. Après une 3ème lecture à la Chambre des Communes, le texte est presque au bout de la procédure. Cette semaine encore, il passe devant le Comité sénatorial des affaires étrangères et du commerce.
Les provinces et les territoires devaient aussi légiférer. Pour l’Ontario, c’est réglé et le processus est en cours au Québec. D’autres provinces ont à modifier des règlementations dont Terre-Neuve-et-Labrador en matière de pêche. Tout cela mènera(it) à la fin juin au plus tard, sans que la ratification se trouve menacée par ces ajustements juridiques.
Si on a reparlé de l’entrée en vigueur de cette application provisoire, c’est à l’occasion de la visite officielle de Cecilia Malmström au Canada les 20 et 21 mars. En inlassable VRP des accords de libre-échange made in EU, la commissaire au Commerce s’est rendue à Toronto et Ottawa. Elle y a été reçue par le ministre du Commerce international François-Philippe Champagne et sa devancière Chrystia Freeland, aujourd’hui ministre des Affaires étrangères (et accessoirement aspirante comédienne).
Minister Champagne welcomed @MalmstromEU to discuss Canada-#EU trade, #CETA implementation, and benefits of progressive approach to trade. pic.twitter.com/z3Wcyb2Ck9
— Canada Trade (@CanadaTrade) 21 mars 2017
Elle n’aura pas ménagé ses efforts, allant à la rencontre de chefs d’entreprise, d’étudiants, de la mission de l’UE au Canada, du think tank Canada 2020 etc. Elle s’est aussi fendue d’une tribune dans le Globe and Mail et d’une interview à la chaîne publique CBC News pour y répéter ses antiennes que nous vous épargnons cette fois. On l’a sentie assez contente de ressortir son «Nous construisons des ponts, pas des murs» de l’automne 2016.
Concernant la ratification par les Etats membres de l’UE, Cecilia Malmström a déclaré que «tous les pays ont promis de faire tout leur possible pour convaincre leurs parlements et pour 20 à 22 d’entre eux, cela ne posera pas de problème». «Il y en a quelques-uns où cela reste controversé», a-t-elle ajouté, mais avec le temps les partisans «montreront qu’en définitive le CETA n’est pas la fin de la démocratie, c’est une bonne affaire».
Certains commentateurs n’ont pas manqué de faire remarquer que l’unanimité est requise et que n’importe lequel des 38 parlements nationaux et régionaux peut opposer son veto. Et ce alors que l’accord est contesté aux Pays-Bas, en France, en Allemagne, en Italie, en Bulgarie et en Belgique.
La commissaire européenne est restée évasive à ce sujet. Plus tôt, elle avait amusé l’un ou l’autre journaliste en déclarant «On ne sait pas ce qu’on a tant qu’on ne risque pas de le perdre — ce n’est pas tout à fait ça, mais vous comprenez ce que je veux dire». Reprenant ainsi, à quelques mots près, les paroles de Big Yellow Taxi de Joni Mitchell, hit de la chanteuse canadienne en 1970.
Il était alors temps pour Cecilia de prendre congé, non sans saluer Chrystia et François-Philippe — ses nouveaux amis comme ils se nomment l’un l’autre — et Per Sjögren, ambassadeur suédois au Canada.
Good discussion on future opportunities for Canada & Europe as strategic partners with @MalmstromEU @cafreeland @FPCChampagne @SwedenInCAN pic.twitter.com/gzwdFLGgIP
— Per Sjögren (@sjogren_per) 21 mars 2017
Plus sérieusement, le Conseil des Canadiens, principale organisation de la société civile canadienne, a profité de ce nouveau délai pour relancer une pétition. Celle-ci s’oppose à cette loi de mise en œuvre C-30 et réclame une consultation populaire. Là-bas encore plus qu’en Europe, les citoyens ont du mal à se faire entendre.
- Techniquement parlant, précisons-le. Et pour autant que le CETA ne soit pas déclaré incompatible avec la Constitution de pays comme l’Allemagne et la France où des procédures de vérification sont en cours.