Evoquer une auteure de bande dessinée pour aborder le 8 mars, est-ce bien sérieux? Mais qu’est-ce donc que ce 8 mars? Une journée censée représenter la lutte pour les droits des femmes, qui tourne souvent au jeu de massacre quand elle est rebaptisée journée de la femme ou raccourcie en journée (internationale) des femmes.
Même l’ONU patauge pour qualifier cette journée internationale des droits des femmes*. Comble de la confusion, on(u) mélange allégrement les dénominations sur la page de présentation du thème 2017. Et on peut compter sur les publicitaires pour achever le tableau dégradé et dégradant. La firme Lidl vient encore de l’illustrer tout récemment, pour une fois à ses dépens avec dépôts de plainte, prétendant avoir fait de l’humour dans une pub radio alors qu’il s’agit de sexisme crasse.
Il y a donc du boulot pour évacuer ce que le 8 mars n’est pas — au non-choix, un jour de promo pour fourguer de la lingerie ou de l’électroménager, l’idéal féminin célébré, une fête sympa —. Ce jour est le rappel que la lutte pour les droits des femmes reste aujourd’hui d’une brûlante actualité. Et le demeurera tant que l’égalité entre les hommes et les femmes ne sera pas atteinte, comme le souligne un site dévolu à cette journée dont nous vous recommandons particulièrement la page Que faire.
Mettre en avant une auteure et son œuvre sous-titrée Des femmes qui n’en font qu’à leur tête nous a semblé du meilleur aloi en cette occasion. Pénélope Bagieu est son nom et Culottées le titre de deux volumes, parus l’un en 2016 et l’autre en 2017. Qu’elle se soit engagée dans le Collectif des créatrices de bande dessinée contre le sexisme mérite aussi la mention.
#JourneeInternationaleDesDroitsDesFemmes pic.twitter.com/ufMOzES0jc
— Pénélope Bagieu (@PenelopeB) 8 mars 2017
Certain·e·s ont connu cette auteure et illustratrice par son blog «Ma vie est tout à fait fascinante», lancé en 2007. Le festival d’Angoulême l’avait récompensée dès 2008 avec le prix du «meilleur blog adapté en livre». D’autres avec sa série d’albums Joséphine qui a rencontré le succès. Et, sans nul doute, très nombreux auront été celles et ceux qui l’auront découverte lors de son passage à l’émission On n’est pas couché mi-février.
Ces Culottées sont composés d’une galerie de portraits de femmes qui ont changé le monde à leur manière, la plupart oubliées ou inconnues. Des femmes qui, dans leur vie personnelle, ont osé parce qu’il est d’abord question d’audace et/ou de courage. Et ont ainsi changé la société, en bravant les interdits masculins et autres, en combattant la morale de l’époque, en surmontant les préjugés ou en sortant des rangs et rôles où on les confine (liste non exhaustive, hélas).
«En fait, je pense que face à la même société, à la même époque, les femmes ont quand même à faire face à deux fois plus d’adversité que les hommes, parce qu’elles doivent déjà s’affranchir de la société, généralement aussi selon les époques, de leur famille, d’un rôle préconçu qu’on attend d’elles. Le fait qu’elles doivent déjà surmonter ça, et qu’en plus certaines d’entre elles arrivent à changer des choses dans leur vie et en général, et que ça ait une influence sur leur entourage et sur leur époque, c’était quelque chose qui m’intéressait. Donc j’ai été chercher toutes ces femmes anonymes (à quelques exceptions près) pour les mettre à l’honneur, les raconter et transmettre cette admiration que j’avais pour elles.» explique-t-elle dans une interview à Culturebox.
Les histoires vont de l’Antiquité à nos jours, d’Agnodice, qui étudia la médecine pour soulager les femmes grecques qui accouchaient dans la douleur, à Sonita Alizadeh, rappeuse née en Afghanistan qui milite aujourd’hui contre le mariage forcé des jeunes filles. Parmi les 30 portraits, apparaissent aussi Phulan Devi, reine des bandits, Annette Kellerman, nageuse et promotrice du maillot de bain une pièce, Mae Jemison, astronaute, Leymah Gbowee, travailleuse sociale et lauréate 2011 du prix Nobel de la paix, Temple Grondin, autiste et professeure de zootechnie…
«Je n’ai pas de grandes héroïnes de l’histoire, pas d’écrivains, pas de résistantes, parce que je suis partie d’une observation personnelle qui était que les héroïnes féminines sont complètement «invisibilisées». Moi, je n’ai pas le souvenir qu’on m’ait parlé de beaucoup de femmes dans les cours d’histoire, ou alors toujours des mêmes, alors qu’évidemment autant d’héroïnes que de héros ont eu un rôle à jouer, et y compris la petite histoire.» poursuit-elle dans la même interview.
Les épisodes de Culottées ont été prépubliés chaque semaine sur un blog du Monde. Pour tenir le rythme d’une parution hebdomadaire, la dessinatrice s’était donné une première contrainte, 8 planches maximum par récit. Elle en avait ajouté une deuxième en se limitant à l’utilisation de 4 ou 5 couleurs par histoire.
Assez de blabla. Allez jeter un œil, et les deux tant qu’à faire, sur ces albums pour voir le monde tel qu’il est mais comme il est rarement représenté.
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Culottées 1
septembre 2016, 144 p.
Culottées 2
janvier 2017, 168 p.
par Pénélope Bagieu
Editions Gallimard
Bande Dessinée
* L’appellation de cette journée a évolué au fil du temps. Aujourd’hui encore, elle varie selon la langue et l’interlocuteur mais aussi selon les pays et parfois selon la tendance politique au pouvoir.
Cet article tente une synthèse à propos de ce foutoir syntaxique.
Cet autre article fait la lumière sur l’histoire du 8 mars et cette manifestation new-yorkaise qui en serait l’origine… alors qu’elle n’a jamais eu lieu.