Mondialisation, libre-échange, néolibéralisme… On solde! (2)

2016 aura incontestablement marqué un tournant dans l’évolution du commerce international. A la marche triomphale presque inéluctablement entonnée a succédé un air nettement moins enjoué qu’auront rythmé la contestation des traités transatlantiques, les Panama Papers ou l’avènement de Trump.

Après une première fournée, d’autres analyses globales au-delà des événements de l’année écoulée. Des pistes de réflexion plus orientées ici vers le libre-échange.
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CETA-TAFTA: l’escroquerie du néolibéralisme n’est pas là où on la cherche

Yann Quero, écrivain
in «blog Mediapart», 27 octobre 2016

Et si la plupart des tenants des deux camps, pro- et anti-CETA, se trompaient de cible? S’il y avait bien une «escroquerie» intellectuelle derrière le néolibéralisme promu par le CETA et le TAFTA, mais qu’elle se situait là où presque personne ne pense à la chercher? Si elle se situait un biais structurel qui amène l’absence d’application de cette doctrine par ceux qui la prônent?

Fin octobre 2016, le CETA entre l’Union Européenne et le Canada (Comprehensive Economic and Trade Agreement, ou AECG «Accord économique et commercial global») a failli échouer face au refus de la Wallonie d’entériner ce texte controversé. L’échec «momentané» de cet accord de «libre-échange», a été salué par ceux qui ont peur de l’essor mondial du néolibéralisme et critiqué par ceux qui le défendent. Face à son refus d’entériner le CETA, la Wallonie a été félicitée par les uns et mise au pilori par les autres. Cela montre surtout bien que, comme lors du «non» français au référendum sur la Constitution européenne en 2005, la plupart des dirigeants européens se montrent surtout favorable à la démocratie lorsqu’elle va dans le sens qu’ils espèrent…

D’ailleurs, déjà lors du référendum de 2005, c’était l’accent mis majoritairement sur des orientations néolibérales pour l’Europe du futur, au détriment d’une Europe sociale et de l’environnement, qui avait suscité le rejet populaire. Et si dans le cas présent la Wallonie avait eu raison contre tous les autres États? Pour le vérifier, il faut d’abord revenir à des fondamentaux et s’interroger sur ce qu’est le néolibéralisme, par-delà les discours.
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Accords commerciaux: rien à regretter!

Dani Rodrik, professeur d’économie politique internationale à l’université d’Harvard.
in «La Tribune», 13 décembre 2016

Les soixante-dix ans qui suivirent la fin de la Seconde Guerre mondiale furent une ère d’accords commerciaux. Les grandes économies mondiales y furent perpétuellement occupées à des négociations concernant leurs échanges, d’où naquirent deux grands pactes multilatéraux, l’Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce (Agetac ou Gatt pour l’acronyme anglais) et le traité établissant l’Organisation mondiale du commerce (OMC). En outre, plus de 500 accords commerciaux régionaux et bilatéraux furent signés, pour la plupart après que l’OMC remplaça l’Agetac, en 1995.

Les révoltes populistes de 2016 mettront probablement fin à cette frénésie d’accords. Si les pays en développement peuvent toujours s’engager dans des négociations de portée plus limitée, les deux poids lourds encore sur la table, le Partenariat Transpacifique (PTP-TPP) et le Partenariat transatlantique de commerce et d’investissement (PTCI-TTIP) sont pour ainsi dire morts après l’élection de Donald Trump à la présidence des États-Unis.

Nous ne devrions pas pleurer leur trépas.

Quel but poursuivent réellement les accords commerciaux? La réponse semble évidente: les pays négocient des accords commerciaux pour octroyer plus de libertés à leurs échanges. Mais la réalité est bien plus complexe. Non seulement les accords commerciaux s’étendent aujourd’hui à de nombreux domaines d’activité, comme la santé ou la réglementation sanitaire, les brevets et les droits d’auteur, la réglementation du compte de capital, ou encore les droits des investisseurs, mais il n’est pas non plus certain qu’ils aient beaucoup à voir avec le libre-échange.
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Oui, on peut dépasser les accords de libre-échange européens sans se fermer

Jean-Joseph Boillot, économiste, spécialiste des grandes économies émergentes
in «Alterecoplus», 28 novembre 2016

Un vrai serpent de mer. Après des années de lobbying de la Commission européenne, la perspective généreuse offerte à l’Inde par l’Union fut l’ouverture en 2007 de négociations pour un «ambitieux» accord de libre-échange. C’était alors la mode des accords bilatéraux censés contourner les blocages du Doha Round, cycle de négociations de l’OMC (organisation mondiale du commerce) initié en 2001 et totalement bloqué en 2006. Quelle gageure avec une Inde connue pour son intransigeance dans les accords commerciaux au nom de l’asymétrie naturelle entre pays riches et pays en développement. L’enjeu était en fait plus symbolique — voire idéologique — que pratique.

Malgré la taille de l’économie indienne — le 3e PIB mondial en parité de pouvoir d’achat — l’Union européenne était officiellement son premier partenaire commercial, mais avec seulement 13% du commerce extérieur indien, à peine quelques milliards d’euros. L’enjeu était encore plus symbolique du côté européen avec moins de 2% des échanges mondiaux de l’UE. Sans compter le poids historique du Royaume-Uni qui était le 2e partenaire commercial européen de l’Inde (juste après l’Allemagne) et surtout le 1er partenaire en investissements directs étrangers, avec près de la moitié des flux de ces IDE avec l’Europe. On comprend d’ailleurs ainsi que le Brexit fut le dernier clou dans le cercueil du projet de libre-échange UE-Inde.
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Vers la fin du libre-échange pour sauver nos économies?

Baudouin Dubuisson, économiste, ancien conseiller politique, entrepreneur
in «La Libre», 8 décembre 2016

«La difficulté n’est pas de comprendre les idées nouvelles mais d’échapper aux idées anciennes» disait Keynes. Afin d’éviter toute position dogmatique en regardant l’avenir dans le rétroviseur, il est intéressant de replacer le libre-échange dans son contexte historique. Nous sommes en Angleterre au début des années 1800, la révolution industrielle bat son plein.

L’économie est encore fortement dominée par une agriculture sous l’emprise des grands propriétaires terriens, mais l’influence de l’industrie se renforce. Après l’épisode du blocus continental napoléonien, l’autonomie alimentaire est une priorité qui justifie plus encore les «corn laws» et le protectionnisme. Malgré les problèmes récurrents de pauvreté, les Landlords ont la haute main sur les prix de vente et profitent du suffrage censitaire pour contrôler le pouvoir politique.

La révolution industrielle et l’émergence de fortunes industrielles vont bousculer l’ordre établi en contestant à la fois le monopole du pouvoir politique des rentiers et le protectionnisme. Avec une productivité qui progresse plus vite que la population (la spinning jenny produisait 120 fois plus que le rouet…), l’industrie naissante est sans cesse à la recherche de nouveaux débouchés. Depuis 1776 et la révolution du thé, les Etats-Unis d’Amérique n’absorbent plus les surplus de la métropole; une première soupape de sécurité a sauté et chacun pressent que l’Inde ne tardera pas à suivre le même chemin.
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Terminons avec une démonstration efficace que l’on doit à Dominique Bourg, philosophe et professeur à l’université de Lausanne. En 4 minutes chrono, il explique en parlant d’environnement que l’Etat est devenu un facilitateur du commerce international. Et pas grand-chose d’autre, hélas.
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