Les sociétés transnationales nuisent à la santé

Anand Grover souhaite qu’il soit procédé à un examen du système actuel d’accords internationaux d’investissement et du système de règlement des différends entre investisseurs et États dans le but de donner des chances égales aux entreprises transnationales et aux États.

Anand Grover,
Rapporteur spécial à l’ONU sur le droit qu’a toute personne de jouir du meilleur état de santé physique et mentale blablablablablablablablablablablablablablablablablablablablablablablabla

La mondialisation et la libéralisation des échanges permettent aux sociétés transnationales d’accéder plus largement et plus facilement aux marchés fermés. Du fait de leur place croissante dans l’économie mondiale, elles influent sur les politiques adoptées aux niveaux national et international et empiètent sur la marge de manœuvre des États. Elles conditionnent les modes de consommation alimentaire et favorisent la consommation du tabac, notamment dans les pays en développement. Elles lèsent également dans leurs droits de larges segments de population en toute impunité, provoquant des déplacements, la pollution d’eaux souterraines et la privation de moyens de subsistance. Elles commettent directement des violations graves des droits de l’homme, notamment dans les pays en développement et les pays les moins avancés. Elles entravent grandement les lois, les politiques et la vie économique et sociale des États et violent les droits économiques, sociaux et culturels des individus et des populations locales, y compris le droit à la santé.

Il peut être difficile pour les États ou les particuliers de poursuivre en justice les sociétés transnationales étrangères qui mènent des activités préjudiciables par le biais de leurs filiales nationales. Le fait que les sociétés transnationales soient implantées dans plusieurs pays leur permet d’échapper à leur responsabilité pour la violation des droits de l’homme ou peut donner lieu à des procédures longues devant de multiples juridictions.

L’ampleur des violations commises par les sociétés transnationales et la facilité avec laquelle elles peuvent se soustraire à leurs responsabilités plaident en faveur de la mise en place d’un mécanisme international chargé de faire comparaître les sociétés transnationales coupables d’atteintes aux droits de l’homme. Un tel mécanisme devrait venir à l’appui des législations nationales et n’aurait pas vocation à les affaiblir. Il devrait permettre aux États et aux particuliers de demander des comptes aux sociétés transnationales responsables de violations des droits de l’homme.

Les efforts déployés précédemment au sein des instances internationales pour imposer des obligations aux sociétés transnationales n’ont abouti qu’à l’adoption de directives non contraignantes. En 2003, la Sous-Commission de la promotion et de la protection des droits de l’homme a adopté les normes sur la responsabilité en matière de droits de l’homme des sociétés transnationales et autres entreprises (E/CN.4/Sub.2/2003/12/Rev.2), l’objectif étant alors d’assujettir directement les sociétés transnationales et les entreprises à des obligations contraignantes. La Commission des droits de l’homme n’a pas adopté ces normes, en raison notamment de la forte opposition des États et des milieux d’affaires. En 2005, dans sa résolution 2005/69, la Commission a prié le Secrétaire général de nommer un Représentant spécial chargé de la question des droits de l’homme et des sociétés transnationales et autres entreprises.

Dans son rapport final de 2011, le Représentant spécial a présenté les Principes directeurs relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme pour la mise en œuvre du cadre de référence «protéger, respecter et réparer» des Nations Unies (A/HRC/17/31, annexe). Le premier pilier, «protéger», rappelle que, en vertu du droit international des droits de l’homme, il incombe aux États de protéger les individus contre les agissements de tiers. Ce pilier impose aux États de prendre des mesures appropriées, notamment d’adopter des lois permettant de poursuivre en justice les sociétés transnationales coupables d’infractions (principe 1). On pourrait toutefois objecter que cette obligation de protéger qui incombe à l’État, bien qu’elle tienne une grande place dans le droit international des droits de l’homme, a été sans effet contre les sociétés transnationales.