C’est l’été dans l’autre hémisphère. Le centre du Chili brûle, le vent pousse vers les maisons des flammes immenses qui avalent des forêts, traversent les routes, sautent des fleuves et sèment une panique sans précédent dans ce pays pourtant abonné aux catastrophes.
Plusieurs régions sont touchées, soixante foyers se sont étendus sur plus de 150.000 hectares.
Et si, lumière de janvier, tu consumais ton rayon cruel, et mon cœur tout entier, me dérobant la clef de la tranquillité? Pablo Neruda
Situés dans les régions de Valparaiso, Metropolitana, O’Higgins, Maule, Bio Bio et Los Lagos, les foyers sont parfois distants de plusieurs centaines de kilomètres. Ils présentent pourtant des caractéristiques communes. Bien entendu favorisés et attisés par la chaleur et les vents forts, ils se développent sur des zones aux aménagements douteux et aux plantations industrielles, où la propriété et l’exploitation ne sont pas soumises aux moindres règles de respect de l’intérêt général.
Se couple à cela une absence cruelle d’appareil d’État et d’équipement public.
Pourquoi évoquer cela dans nos colonnes? Parce que l’habitant de cette longue bande de la Terre (4000 km sur 150), très sensible aux effets climatiques, voit de ses yeux et subit dans sa chair les effets directs du changement climatique, et ne voit d’issue que dans une réappropriation populaire du territoire.
Les Chiliens ont subi l’affaiblissement de la couche d’ozone, comme aucune autre population du monde ne l’a subie. De visu, ils voient diminuer leurs réserves d’eau, les Andes n’ayant plus de sommets enneigés en été. Ils ressentent le changement de climat avec le courant El Nino qui modifie clairement les conditions de vie le long du Pacifique Sud.
Nous gardons ici le souvenir de la défaite totale de la démocratie au Chili, en 1973. Nous avons eu sous les yeux le mariage accompli du libéralisme socio-économique total et de l’autoritarisme régalien. Modèle pour d’aucuns, repoussoir pour d’autres, le régime a imprimé une structure dont le pays ne parvient pas à sortir. Les dégâts du système semblent irréversibles.
Le pire, c’est que ce régime a conduit à l’irresponsabilité, ce qu’une nouvelle génération de Chiliens commence à comprendre, sans pour autant trouver la formule politique pour inverser la tendance. Dans le désastre des flammes survit le pouvoir privé qui peut s’arroger le droit de laisser brûler la nature du pays. Et va présenter la facture à l’État.
Je vais parmi ces collines, elles sont couleur d’avoine avec des traces légères que je suis seul à connaître, des centimètres roussis, de blafardes perspectives. Pablo Neruda
Le drame est ignoré. D’anciens réfugiés en Belgique, retournés là-bas par amour du pays, nous envoient des images terrifiantes. Comme ces lecteurs, qui n’ont pas encore réparé les dégâts du tsunami de 2010, et qui voient arriver un front de feu de plusieurs kilomètres de largeur, au hameau de Llico, commune de Vichuquen, région Maule, Chili. Valparaiso, cernée elle aussi, est à 350 kilomètres.
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