Les climatosceptiques sont, de toute évidence, en train de perdre leur combat désespéré. Sauf aux Etats-Unis où les lobbies industriels productivistes ont encore les moyens d’influencer l’opinion publique, la majorité de nos contemporains ont compris que les activités humaines induisent, via les émissions de CO2, une augmentation sensible de la température moyenne à la surface du globe terrestre. La preuve par l’exemple chez nous…
Les changements climatiques qui sont la conséquence de cette augmentation de température paraissent encore lointains, dans le temps et dans l’espace. Certes, les médias répercutent la fonte des glaciers alpins, s’apitoient sur les populations de plus en plus souvent touchées par des inondations violentes, montrent les feux de forêt qui se multiplient dans les régions méditerranéennes, filment les icebergs grands comme la moitié de la Corse qui se détachent de la banquise antarctique. Mais, si tout cela semble inquiétant à terme, cela ne paraît pas menacer directement les régions tempérées qu’ont la chance d’habiter les Belges. Et il est vrai que si la température a augmenté de 4 à 5° au Groenland ou au pôle nord, c’est à peine un peu moins de 1° d’élévation de température qu’ont mesuré les météorologistes chez nous.
Et pourtant… L’Institut Royal Météorologique (IRM) qui nous donne chaque jour les prévisions météo assure une autre mission: la collecte des statistiques météorologiques sur notre territoire. Ainsi, chaque mois, il compile, jour après jour, les paramètres météo les plus significatifs: température moyenne, température maximale, température minimale, précipitations, insolation, etc. Il met cela dans des tableaux en les comparant aux normales mesurées sur les 35 dernières années. Cela donne, pour le mois de juin 2017, le tableau reproduit ci-dessous.
Bilan climatologique de juin 2017
Le tableau donne les valeurs mensuelles d’une série de paramètres relevés à Uccle (colonne ‘Mois’), ainsi que leurs valeurs mensuelles normales ( ‘Norm.’) et les valeurs mensuelles records observées de 1981 à 2016 (‘Record +’ et ‘Record -‘, avec les années). La colonne ‘car’ donne une caractéristique statistique de la valeur mensuelle observée (‘Mois’).
Que constate-t-on? La caractéristique statistique (car), qui compare chaque paramètre à ce qui se passait depuis 35 ans, est rarement n (normal) mais est souvent a (anormal), ta (très anormal) ou e (exceptionnel). Il est un peu difficile d’estimer ce que cela veut dire pour un non spécialiste et l’IRM a donc visualisé cela graphiquement en positionnant le mois par rapport au mois correspondant des 35 dernières années. Et on voit que juin 2017 est clairement loin du centre, situé en haut et à gauche, donc très chaud et très sec. Vous pouvez ainsi trouver tous les mois répertoriés de cette manière. Et si les 12 derniers mois ne sont pas aussi exceptionnels que juin 2017, ils se situent cependant tous vers le quadrant en haut et à gauche. Cela signifie donc que, même par rapport aux dernières années, le changement climatique s’accélère. Si l’on comparait avec les moyennes d’il y a plus de 50 ans, la différence serait encore bien plus grande.
Bon, diront les optimistes, 3 degrés en plus que la moyenne (ou 6° en plus que l’année le mois de juin le plus froid depuis 35 ans), cela ne me gêne pas du tout, je suis plutôt du genre frileux. Peut-être mais n’oublions pas que les épisodes de canicule, qui seront donc de plus en plus fréquents, alarment d’autres statisticiens, les épidémiologistes, qui constatent que ces épisodes provoquent une surmortalité. Ainsi, l’Institut de Santé Publique (ISP) a enregistré, rien qu’en Belgique, 410 décès supplémentaires lors d’un épisode de canicule entre le 30 juin et le 5 juillet 2015.
Egalement inquiétante est la baisse des précipitations. Si la température a augmenté de 1°, depuis juillet 2016, chaque mois, les précipitations sont 30%, 40%, voire 50% inférieures à la normale. Les agriculteurs sont les premiers à subir les conséquences de ce changement étonnant (normalement, plus la température s’élève, plus l’eau des mers s’évapore et plus les précipitations augmentent, mais de toute évidence, les changements de météo envoient des pluies ailleurs que chez nous). Les paysans du coin, avec une météo du genre de celle du Poitou ou de l’Hérault, vont-ils devoir se reconvertir en vitesse et abandonner pommes-de-terre, orge et betteraves pour se mettre à cultiver le tournesol ou le soja? Les hêtres de la forêt de Soignes vont-ils voir leur dépérissement s’accélérer? Les grillons vont-ils arriver et remplacer nos coccinelles? On se doute que cela ne se passera pas sans graves problèmes.
Ainsi, pour ce qui est de l’eau… Savez-vous que sur les cartes mondiales indiquant le stress hydrique (rapport entre le prélèvement par l’homme et l’eau naturellement disponible), il y a un petit point rouge au centre de l’Europe: la Belgique? En effet, nous sommes tellement nombreux et consommons tellement d’eau que, par rapport à ce qui tombe du ciel, nous sommes très proches du maximum de captation possible, bien plus que le Mali ou le Niger (où il pleut moins mais qui sont bien moins densément peuplés). Si les pluies continuent à se tarir, les restrictions (plus de lavage de voitures, plus d’arrosage de pelouses…) vont se multiplier. Et peut-être devrons-nous un jour envisager de migrer vers l’Afrique sub-saharienne…
Sans vouloir provoquer, les statistiques de l’IRM nous prouvent que nous ne devons pas nous croire sur un îlot miraculeusement protégé. Ici, comme ailleurs, les périls dus au changement climatique sont de plus en plus proches, et pas seulement pour les basses terres de Flandre menacées par la montée des mers…