(3/6) La Réduction Collective du Temps de Travail… Vers un nouveau contrat social

1ère partie: Le constat – La répartition actuelle du travail est totalement inégale et injuste
2ème partie: La Réduction collective du temps de travail est bénéfique pour TOUS et TOUTES
3ème et 4ème partie: Deux salves d’objections à la RCTT et leurs réponses
5ème partie: L’expérience des 35 heures en France: un succès mitigé mais des critiques injustes
6ème partie: Dernières objections et orientations RCTT du Collectif Roosevelt-Namur

Argumentaire en faveur de la Réduction collective du temps de travail – 3ème partie

Une première salve d’objections…

1ère objection: travailler moins pour gagner moins?

La réduction collective du temps de travail ne peut se réaliser qu’avec maintien du salaire. Une baisse de salaire entraînerait forcément une diminution du pouvoir d’achat, inacceptable dans le contexte d’austérité actuel (gel des salaires, saut d’index, hausses de TVA…). Une baisse de revenu aurait pour effet de pénaliser la demande des travailleurs-consommateurs et de freiner les possibilités de reprise économique.

Dans de nombreux secteurs — surtout marchands — le maintien du salaire peut être financé par le partage des gains de productivité colossaux réalisés au cours de ces quarante dernières années.

Une autre piste doit être mise en œuvre: grâce à une baisse des charges patronales conditionnée à la création d’emplois, il est possible de travailler moins, sans perte de salaire et sans coût supplémentaire, ni pour l’Etat, ni pour l’entreprise.

En conditionnant les réductions de cotisations patronales à un certain volume d’embauches (rendues nécessaires par une diminution du temps de travail), il devient possible aux entreprises d’embaucher 10% de salariés supplémentaires, sans surcoût pour l’employeur, pour l’Etat et pour les ménages.

De plus, les entreprises vont majoritairement embaucher de nouveaux salariés qui, n’ayant pas ou peu d’ancienneté dans l’entreprise, seront rémunérés à un salaire moins élevé.

2ème objection: ne va-t-on pas créer un déficit au niveau de la Sécurité Sociale et de l’Etat?

La réduction des cotisations patronales entraîne un manque à gagner pour la sécurité sociale, mais dans une approche macro-économique, il faut envisager la totalité des flux financiers générés par un nouveau partage du travail, pour en évaluer les bénéfices réels.

D’une part, l’embauche de nouveaux travailleurs apporte de nouvelles recettes à la sécurité sociale (cotisations versées par les travailleurs et les employeurs).

D’autre part, la création d’emplois supplémentaires entraîne une diminution des dépenses de la Sécu (paiement des allocations de chômage).

Quant à l’Etat, il voit également ses recettes augmenter (précompte professionnel, TVA versés par les nouveaux embauchés) et ses dépenses diminuer (coût de l’accompagnement social et de santé liés au chômage).

Le gouvernement fédéral ultralibéral (la suédoise) vient de décider la diminution des cotisations sociales patronales de 33% à 25%, sans aucune condition ou contrepartie de la part des entreprises. Le coût de cette mesure pour la sécurité sociale s’élève à 2,8 milliards €. Cette manne financière pourrait être utilement affectée au financement de la RCTT.

De plus, quand on sait qu’en Belgique, l’ensemble des réductions et exonérations de charges fiscales et sociales accordées aux entreprises avoisine les 14 milliards €, cela donne une idée de la marge disponible pour financer la RCTT… sans que cela ne mette en difficulté la Sécurité Sociale et le budget de l’Etat.

3ème objection: la RCTT ne va-t-elle pas augmenter la cadence et la pénibilité?

La RCTT est indissociable de l’obligation de procéder à des embauches compensatoires, sans quoi les travailleurs risquent de devoir faire le même travail en moins de temps et de subir une détérioration de leurs conditions de travail.

L’expérience française des 35 heures/semaine l’illustre bien : dans les hôpitaux, la difficulté d’engager du personnel soignant (due à la pénurie infirmière sur le marché du travail) a entraîné une intensification de la charge de travail et une dégradation des conditions de travail du personnel en place.

C’est justement l’exigence d’embauches compensatoires qui est un gage de diminution de la pénibilité du travail. Si plus de personnes sont présentes dans l’entreprise, cela permet de répartir la charge de travail sur plus de têtes et ainsi d’améliorer le bien-être au travail.

Le choix des modalités de la RCTT a toute son importance: par semaine, par année, sur la carrière?

Il paraît évident qu’une diminution journalière du temps de travail (quelques minutes par jour) serait vite compensée par la productivité (faire le même travail en moins de temps) et ne suffirait pas à générer la création d’emplois supplémentaires.

De plus, un gain de quelques minutes par jour ne permettrait guère aux travailleurs d’en faire un usage bénéfique dans leur vie privée, familiale…

Il faut donc privilégier les modes de RCTT qui créent des béances, qui libèrent des blocs d’heures suffisants que pour susciter le besoin d’engager du personnel supplémentaire.

Ainsi, la RCTT hebdomadaire, la semaine de 4 jours, l’octroi de jours de congé supplémentaires offrent de meilleures opportunités de création d’emplois.

4ème objection: le travail n’est pas un gâteau qui se partage?

Les trois premiers quarts du 19ème siècle connaissent une journée moyenne de travail de douze heures ; La présence de l’ouvrier à l’atelier est en moyenne de quatorze heures.

Bref Historique de la Réduction Collective du Temps de Travail

tableau rtt 2

Pendant les trente glorieuses (1945-1975), c’est la réduction collective du temps de travail qui a favorisé le quasi plein emploi.

5ème objection: on ne va pas sortir de la crise en travaillant moins mais plus!

Si tout le monde travaillait plus, plus d’emplois seraient en danger car le boulot serait réalisé par moins de personnes. La diminution du temps de travail sans perte de salaire constitue une augmentation de salaire horaire. Pour les temps partiels, la Réduction du temps de travail, c’est un salaire plus élevé.

Quant à l’usage des heures supplémentaires, cette pratique augmente la charge de travail de ceux qui ont un emploi sans résoudre la situation «des travailleurs Zéro heure». La flexibilité n’a plus de limites. En Grande-Bretagne on a inventé — et appliqué à 2 millions de travailleurs — le «Contrat Zéro heure» par lequel un employeur signe avec un demandeur d’emploi un engagement exclusif de faire appel à lui lorsque lui, patron, en aura besoin, sans aucun engagement quant à la durée du travail proposé. Le travailleur doit être disponible pour répondre à tout moment à l’appel du patron.

5objection

La politique sarkozienne «travailler plus pour gagner plus» court-circuite la politique des 35 heures. (Vous verrez en 5ème partie de cet argumentaire les leçons tirées de l’expérience des 35 heures en France).

Notre proposition de réduction du temps de travail est collective et vise à déployer la cohésion sociale bénéfique à tous.