G20, 1000 zombies et 20.000 policiers

Le G20 qui s’est tenu les 7 et 8 juillet aura fait parler de lui pour les émeutes répétées et le chaos qu’a vécus Hambourg de jeudi à dimanche. Au point que le sommet lui-même est passé au second plan. Mais nous avons choisi de retenir d’abord et avant tout 1000 Gestalten, action emblématique menée en prélude par des citoyens.

Hambourg, mercredi 5 juillet. Entièrement recouvertes d’argile, 1000 personnes aux allures de zombies font leur apparition dans les rues de la ville. Marchant silencieusement et lentement à la façon d’une procession, au son d’un cliquetis métallique produit par une boîte invisible dans leurs mains, elles convergent vers la Burchardplatz. Les touristes, les passants, les gens occupés dans les bâtiments adjacents s’interrogent sur ce mouvement de ce qui devient une foule aussi inquiétante que morose.

Là, les participants enlèvent progressivement leurs habits gris uniformes, comme l’on se défait d’une camisole, libérant des cris de joie, dansant, riant et laissant apparaître des vêtements colorés. Cette performance artistique impressionnante aura duré deux heures. Non pour célébrer une chorégraphie mais pour signifier qu’un autre monde est possible alors que nous évoluons dans une société de plus en plus dépourvue d’humanité et de solidarité.

Protestant contre les décisions politiques et économiques actuelles, le message s’adresse à tous, à commencer évidemment par les personnalités réunies au G20. «Beaucoup de gens ne veulent plus supporter l’impact destructeur du capitalisme. Ce qui nous sauvera à la fin, ce n’est pas le solde de notre compte en banque, mais le fait de pouvoir tendre sa main aux autres», a déclaré l’un des organisateurs.

A l’initiative de l’association culturelle Neu am See e.V., cette action a été préparée depuis le mois de février et reprise sous le nom du collectif 1000 Gestalten — que l’on peut traduire par créature, silhouette, forme ou figure. Y ont participé des Hambourgeois mais aussi des gens venus d’autres villes allemandes et de l’étranger. Pour ceux qui souhaitent aider à couvrir les coûts de l’action, sachez que le crowdfunding continue ici.

Reportage sur la préparation de l’action


Pourquoi tant de violence…

Nous ne souhaitions pas donner la primauté aux violences qui ont fait l’actualité de ce G20 mais n’en rien dire serait juste bizarre.

On remarquera avec d’autres que le choix de Hambourg posait plus que question. Sachant d’une part que chaque G20 voit des contestataires débarquer — et pas nécessairement pour de bonnes raisons — et d’autre part que la deuxième ville d’Allemagne compte une tradition radicale et libertaire dont témoignent les quartiers de Schanze et Sankt Pauli, présentés par la presse internationale sommairement et dans un même élan comme «bastion de la contestation de l’Etat» ou «fief d’extrême gauche». Angela Merkel a défendu son choix lors de la conférence finale en déclarant qu’«il n’est pas possible de décréter qu’à certains endroits, on ne peut pas organiser un sommet».

La presse du pays ne l’a pas suivie et c’est le moins que l’on puisse dire, dressant un bilan sévére pour les pouvoirs publics et singulièrement à l’adresse de la chancelière et du maire d’Hambourg. Jan Reinecke, dirigeant hambourgeois du syndicat de policiers BDK, a aussi été des plus clairs. «Hambourg n’aurait jamais dû être désignée comme ville-hôte de ce sommet. Les politiques portent l’entière responsabilité pour les policiers blessés (ndlr: plus de 500) et les destructions dans la ville.»

In n’y avait pas que des casseurs dans les rues de la ville hanséatique. Vue de la manifestation «Solidarité sans frontières» qui a rassemblé 76.000 personnes samedi 8 juillet.

Il était évidemment possible de choisir un lieu qui ne s’assimile pas à une provocation. Certains y ont vu une façon de tester des dispositifs policiers dans des conditions particulières. Les autorités disent avoir commencé la préparation de la sécurité du sommet 18 mois auparavant et le maire Olaf Scholz a parlé d’un gigantesque dispositif sécuritaire. A l’arrivée, ce qui constitue la plus importante opération policière en Allemagne depuis la guerre, avec le déploiement de plus de 20.000 policiers sans compter les forces spéciales, se solde par un échec cuisant.

Il faut aussi souligner qu’en matière de provocation, les forces de l’ordre n’ont pas été en reste. La manifestation «Welcome to hell», organisée par les opposants au G20 à la veille de son ouverture, avait débuté tout à fait pacifiquement et c’est sa dispersion précipitée qui a mené au chaos. En balançant sur la foule des gaz lacrymogènes et en l’aspergeant avec des canons à eau, la police a créé des mouvements de panique et a poussé des casseurs, qui ne demandaient que cela, à l’affrontement.

Les journalistes venus couvrir l’événement ont également eu à se plaindre des agissements policiers. Ils ont été visés à plusieurs reprises de manière inadmissible alors qu’ils étaient clairement identifiables comme journalistes ainsi que le relate cet article de l’Huffington Post.

Pointons encore qu’une dizaine de milliers d’habitants de Hambourg se sont retrouvés dimanche à Sankt Pauli avec gants, balais et poubelles pour nettoyer les lieux où se sont déroulés les heurts des jours précédents. La ville est sous le choc et le sera encore pour un temps. Comme le note die Welt«les blessures risquent d’être profondes, en particulier dans les quartiers pillés, ceux qui prônent la tolérance, la diversité et les modes de vie alternatifs — une vie de gauche