Flash boys, au cœur du trading haute fréquence

Les marchés financiers? Je suis prêt à parier que l’image que la plupart des gens ont de cesmarchés est encore celle d’un décor où des personnages de sexe masculin vêtus de gilets répondant à un code couleur se tiennent debout dans des salles de trading en hurlant les uns sur les autres. Cette image est obsolète. Ce monde n’existe plus. Désormais, la Bourse américaine négocie à l’intérieur de boîtes noires, dans des immeubles ultrasécurisés du New Jersey et de Chicago.

Et comme les experts eux-­mêmes sont incapables de dire ce qui s’y passe, à quel moment et pourquoi, le petit porteur n’a évidemment aucun espoir de le savoir. Quant au peu de personnes qui pourraient nous informer, elles n’ont aucun intérêt à le faire.
Voilà, au terme d’une plongée dans un univers hallucinant, les conclusions de l’auteur de ce livre, un certain Michael Lewis, déjà finaliste du prestigieux Prix Pulitzer.

Une grande partie du volume des transactions boursières est générée non pas par des investisseurs à l’ancienne, mais par des ordinateurs extrêmement rapides contrôlés par les firmes de trading à haute fréquence. Plus il existe de plate­formes d’échange sur lesquelles négocier des actions, plus l’opportunité est grande, pour les traders, de s’interposer entre des acheteurs situés sur une plate-forme et des vendeurs placés sur une autre. Le trader s’interpose, discrètement et pendant quelques microsecondes, entre le vendeur et l’acheteur, pour prendre sa «commission» au passage.
Voici donc comment la technologie, qui était censée réduire les coûts intermédiaires, les
développe, au grand bénéfice de parfaits parasites.

Le livre est publié par les Editions du Sous­ sol, ce qui ne manque pas de sel, puisqu’il commence par nous narrer la construction sous terre, à coups de millions, d’un tube de quatre centimètres de diamètre destiné à héberger quatre cent fibres de verre de l’épaisseur d’un cheveu, pour relier un data center de Chicago à un marché boursier du New Jersey, dans le but de gagner quelques microsecondes.

Au fil des pages de cette enquête qui se lit, selon l’expression consacrée, comme un thriller, on apprend comment les banques vendent aux traders des informations qui permettent à ceux­ci de s’enrichir sur le dos des clients de ces banques. La banque trahit donc ses clients; mais en toute légalité! On apprend aussi comment la banque Goldman Sachs (coucou, la Grèce!) confisque des programmes open source (des logiciels gratuits) en les privatisant. Des intermédiaires gagnent donc beaucoup d’argent au détriment des investisseurs, en truquant les marchés financiers: c’est une véritable taxe privée sur l’investissement productif.

On comprend bien que le rêve de l’auteur serait de restaurer l’équité sur le marché boursier américain. On lui souhaite bonne chance… Le lecteur, lui, ne manquera pas d’être frappé par le parasitisme total de ces nouveaux prédateurs «à haute fréquence».

Flash-BoysFlash boys, au cœur du trading haute fréquence
Michael Lewis, Editions du Sous sol, 2016, 320 Pages
ISBN 2364681154