La semaine dernière, Pablo Iglesias, secrétaire général de Podemos a appelé les militants du parti à voter pour se prononcer sur l’alliance formée par le PSOE et Ciudadanos. Les résultats sont sans appel: plus de 88% ont voté NON, mettant ainsi fin aux tentatives de négociation pour la formation d’un gouvernement.
Dès sa constitution en janvier 2014, Podemos a pris pour mot d’ordre «né pour gagner»: en mai 2014, il crée la surprise en s’imposant comme le quatrième parti national aux élections européennes et, en décembre 2015, il renouvelle l’exploit en remportant plus de 20% des suffrages lors des élections générales. Devenu la troisième force politique du pays, il met fin à 40 ans de bipartisme politique et s’impose comme un acteur majeur dans les négociations pour la formation d’un nouveau gouvernement. La droite conservatrice, incarnée par le Parti Populaire, et le parti socialiste PSOE doivent maintenant compter avec le parti anti-austérité Podemos et le parti de centre droit Ciudadanos. Mais les négociations s’annoncent, dès le départ, difficiles et houleuses.
Dans un premier temps, la fonction de formateur de gouvernement a été attribuée à Mariano Rajoy, mais, par manque de soutien, celui-ci a rapidement dû laisser sa place à Pedro Sánchez, secrétaire général du parti socialiste. Bien que ce dernier se soit montré enthousiaste à l’idée de négocier avec Podemos, il s’est également tourné vers Ciudadanos, plus docile aux concessions avec les socialistes. Mais la forte opposition qui existe entre d’un côté Podemos et de l’autre PSOE et Ciudadanos — notamment sur l’austérité, la réforme du marché du travail, la corruption et la question territoriale — et la fermeté avec laquelle chacun reste campé sur ses positions ont systématiquement mené les négociations à un cul-de-sac.
Cette situation a contribué à mettre à mal la popularité de Podemos. Selon les derniers sondages, Podemos serait en train de perdre des points au profit de la Izquierda Unida. Cela s’explique notamment par l’attitude jusqu’au-boutiste de Pablo Iglesias qui compromet toute forme de négociations, mais également par les tensions internes auxquelles Podemos fait actuellement face.
En effet, si tous refusent l’accord conclu entre le PSOE et Ciudadanos, des oppositions existent sur la stratégie à adopter. D’un côté les pablistas soutiennent le n°1 du parti dans son refus des compromis et sa fidélité au programme de Podemos et, de l’autre, les errejonistas, proche d’Iñigo Errejon, n°2 et secrétaire politique du parti, défendent une attitude plus conciliante, voulant à tout prix éviter que Podemos soit relégué en marge des organisations de gauche. Ces tensions ont éclaté de manière plus ou moins incontrôlée en mars dernier, suite à la démission de dix personnes de la direction régionale du parti à Madrid, tous proches d’Errejón, critiquant le manque de projet et d’investissement de leur dirigeant, Luis Alegre. Mais c’est finalement Sergio Pascual, secrétaire d’organisation responsable des relations avec les régions et proche d’Errejón, qui a été limogé par Pablo Iglesias et sans convocation préalable de l’organe de direction du parti.
Les militants de Podemos ont répondu NON à 88,26% à l’alliance entre Sanchez et Rivera
(Ciudadanos) et OUI à 91,8% à la proposition de gouvernement de Podemos, En Comú podem et En Marea [le nom de ses alliances régionales en Catalogne et en Galice]. Ils s’alignent donc sur la position de Pablo Iglesias et s’en remettent aux résultats des prochaines élections nationales, fixées le 26 juin prochain. Mais le risque est grand, car si beaucoup espèrent une coalition entre Izquierda Unida et Podemos pour devancer le PSOE, il faut aussi redouter une alliance entre le PP et Ciudadanos, annoncés comme favoris dans les derniers sondages.
Aline Cardon