«d’ici», nom inattendu d’un super-magasin de près de 400 m2, où plus de la moitié des produits proviennent de producteurs situés dans la région. Y entrer, c’est faire le bonheur des yeux et des papilles, tout en rejoignant le vaste mouvement des consommateurs qui ont décidé d’acheter autrement, et ainsi pousser en avant l’économie écologique et les circuits courts.
Pour un nombre croissant de personnes, le désir de bien manger s’accompagne du souci de nourriture saine, sans pesticide et sans engrais de synthèse, ce qui suppose un souci de l’environnement, de la biodiversité et des animaux. Simultanément, émerge et se renforce une plus juste et grande considération pour les agriculteurs. Début 2014, ils étaient 1195 à s’être tournés vers l’écologie, ce qui représente 9,2% des agriculteurs wallons. La même année, on relevait que le nombre d’animaux bio avait triplé en dix ans. Ces chiffres sont encourageants pour le consommateur attentif au bien-être de la planète. Fruits et légumes, viandes, vins, bières, fromages, huiles, pain, douceurs chocolatées,… la variété des produits locaux s’enrichit sans cesse au fur et à mesure que se multiplie le nombre de producteurs.
Couleurs et chaleur sont bien d’ici
«On a ouvert le magasin de Naninne, en mai 2013, précise Florence Trokay, co-initiatrice du projet d’Ici. Mes études en gestion à l’Université de Liège, suivies immédiatement par un emploi au département financier de Inbev, m’avaient confirmée dans mon goût pour le monde de l’entreprise. Mais au bout de trois ans, grosse restructuration de cette société et cela m’a fait réfléchir. Je n’avais pas envie d’un avenir dépendant d’un scénario d’achat et de vente permanent. J’ai alors rejoint le bureau d’études de mon père. Mais quand il a atteint l’âge de la pension, j’ai eu le sentiment d’avoir perdu l’âme de l’entreprise et a germé l’idée d’aller vers l’alimentation durable. Je me suis donnée le temps de la réflexion et j’ai rencontré Franck Mestdagh qui avait baigné dans le milieu de la distribution, mais jugeait qu’il ne correspondait plus à ses valeurs. Il rêvait d’un magasin moderne qui mettrait en avant les producteurs de la région car il lui semblait insensé de faire revenir les produits du bout du monde.»
Complémentarité prometteuse
Franck Mestdagh bon commerçant et Florence Trokay gestionnaire dynamique; le duo est prometteur. Ils optent pour ouvrir eux-mêmes un magasin. Allant à la rencontre des producteurs, des responsables de filières, ils consultent à tout va mais n’obtiennent guère d’encouragement. Néanmoins, ils convainquent une banque pour obtenir le prêt indispensable à l’achat d’un bâtiment et décident de démarrer avec septante producteurs, chacun apportant une moyenne de dix produits. «La surface du magasin semble un peu vide, se dit alors la jeune femme. Mais quand on veut une réussite, il faut réfléchir plus loin et ne pas viser la région namuroise. Il faut faire modèle!» La suite lui donne raison. Après trois bonnes années, le portefeuille clients est passé de huit cents à deux mille. Et un deuxième magasin ouvre à Hannut, région de producteurs bien tournée vers le durable.
Aujourd’hui vient demain
Florence Trokay, Franck Mestdagh et leur nouvel associé Jean Gérard, — qui leur apporte la compétence exploitation métier comme la gestion des stock, des invendus… —, ne veulent pas seulement «faire du commerce» mais vivre un plaisir entrepreneurial qui concourt au bien de la société. Cela passe par la rencontre régulière des producteurs. «Ils nous disent le prix qu’ils veulent, et dans 95% des cas, ça va», dit Florence. L’essentiel est de développer un projet collectif et participatif. C’est plus large qu’un simple magasin. En faisant leurs courses «ici», nos clients font plus qu’acheter des produits alimentaires. Ils deviennent acteurs de leur consommation et contribuent à l’économie locale.»
Des événements en veux-tu en voilà
Avec 150 producteurs proches et de nombreux partenariats, d’ici montre une volonté tous azimuts de découvrir et faire connaître les alternatives écologiques, durables, locales, sociales et éthiques pour renforcer les comportements utiles à l’avenir de l’humanité sur la planète. «Nous organisons des dégustations, des événements et des espaces conviviaux et didactiques, des tables pique-nique, des visites chez les fermiers, les fromagers, les viticulteurs, les maraîchers, raconte Florence. Et puis, on a un jardin potager de plus ou moins un hectare que le CPAS de Gesves cultive avec des jeunes Compagnons du Samson, en insertion professionnelle.»
Aujourd’hui, le magasin d’ici poursuit sur sa lancée avec l’ouverture d’un restaurant self-service dans les locaux de Naninne (qui font la bagatelle de trois mille mètres carrés!). Rien n’arrête l’équipe d’ici qui voudrait trouver d’autres lieux encore pour développer des projets d’alimentation plus durable et locale. Il faut penser à l’avenir des générations suivantes. Florence, qui a deux enfants (l’un de deux ans et l’autre de huit mois), est d’autant plus motivée par le durable sain et local qu’elle veut que ses enfants puissent toujours se nourrir correctement. d’ici est bien un projet de cœur qui sent bon le plaisir d’innover.