Il y a tout juste 25 ans, le 7 février 1992, les dirigeants des douze États membres de la Communauté économique européenne (CEE) signaient le célèbre Traité de Maastricht.
Celui-ci transformait la CEE en une Union européenne (l’actuelle UE) qui ajoutait au seul pilier économique existant, deux autres piliers:
• la politique étrangère et de sécurité commune (PESC)
• la coopération policière et judiciaire en matière pénale
Cette nouvelle architecture avait pour ambition de créer la citoyenneté européenne et de fonder une «union politique toujours plus étroite».
Le traité donnait simultanément deux nouvelles impulsions au pilier économique: le développement du «marché unique» et la décision de créer la «monnaie unique» au terme d’un processus de rapprochement économique entre les États parties au traité.
De nombreuses évaluations fleurissent ces derniers jours dans les médias.
Elles ne négligent pas certains acquis de l’UE: l’euro existe et facilite les échanges économiques et commerciaux ainsi que les échanges citoyens et touristiques; Eurojust (agence de coopération judiciaire) et Europol (office européen de police) rendent des services éminents aux autorités nationales de justice et de police; la banque européenne de données Schengen aide ces mêmes autorités à pister des terroristes sur le territoire européen, etc.
Mais elles soulignent surtout, et à juste titre, les insuffisances criantes quant aux fruits de ce traité.
L’espoir — on en reconnaît aujourd’hui la naïveté — était que la «volonté commune» qu’exprimait le traité de Maastricht allait automatiquement entraîner dans son sillage un rapprochement entre les peuples fondé sur un rapprochement économique avec, en conséquence, un rapprochement des conditions sociales.
Mais le ver était dans la pomme. Dès cette signature, le Royaume-Uni et le Danemark obtenaient de se tenir en dehors de la monnaie unique à créer, et les États décidaient de garder leur entière souveraineté en matière fiscale et sociale.
Sur le plan économique et social, alors que l’on avait espéré la convergence, ce fut, au contraire, le dumping fiscal et social qui se développa, accroissant les divergences.
Sur le plan politique, les espoirs de rapprochement entre les peuples furent déçus et l’on constate aujourd’hui la renaissance des nationalismes et la politique du «chacun pour soi» menée par les États membres d’une Union élargie, autrement dit le délitement de l’union.
L’Europe, qui devait parler «d’une seule voix» sur le plan extérieur, ne parvient même pas à définir des «positions communes» sur les grands enjeux internationaux.
Quelles leçons tirer?
Nous nous contenterons ici de signaler quelques observations lues ou entendues ces derniers jours.
Sur les antennes de la Première (RTBF), le professeur Quentin Michel (Droit et sciences politiques de l’Université de Liège, directeur de l’Unité d’études européennes) a rappelé que le Traité actuel (Maastricht devenu traité de l’UE depuis Lisbonne entré en vigueur en 2009) contient bien la possibilité de faire l’Europe sociale, mais que ce qui manque, c’est la volonté politique des États de la faire.
A ce sujet, Mark Eyskens ajoutait dans un «Forum de midi» que lorsque les chefs d’Etats ou de gouvernements se réunissaient en Conseil européen, ce n’est pas en tant que dirigeants nationaux qu’ils devraient se comporter, mais en tant que dirigeants européens de l’UE.
Quant à l’avenir de l’Europe, le même Mark Eyskens a rappelé sa proposition de refonder l’Europe sur un noyau central de pays décidés à une intégration déterminée entre eux. Cette intégration consisterait principalement en une «union fiscale». Le noyau comporterait des pays proches, tant sur les plans économique et social que géographique, notamment l’Allemagne, la France et les pays du Benelux. C’est l’Europe que cet ancien Premier ministre belge qualifie de «saturnienne»: une grosse planète, Saturne, entourée de cercles concentriques composés d’autres pays partageant certains éléments ou politiques avec la planète centrale.
Avec un style plus provocateur, Paul Magnette a lui aussi livré à L’Écho sa vision d’une Europe en reconstruction qui intégrerait les éléments nécessaires pour consolider l’euro et mettre en place des politiques fiscale, sociale, énergétique communes. Mais pour cela il faut peut-être laisser sortir de l’UE les pays qui ne veulent pas prendre part à cette souveraineté partagée, et il cite Pologne, Hongrie, Roumanie, Bulgarie et, si nécessaire, Danemark et Suède…
Comme on le voit, le débat que nous avons abordé par nos «12 voies pour changer l’Europe» — qui feront prochainement l’objet d’une publication de notre coopérative «pour écrire la liberté»— n’en est qu’à ses débuts. Les mois qui viennent, qui connaîtront aussi en mars le 60ème anniversaire du Traité de Rome, seront riches en débats contradictoires. L’Europe va-t-elle se désintégrer ou sera-t-elle refondée?
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Note d’actualité
Relevons enfin une note positive dans notre actualité européenne.
L’avocat général Mengozzi de la Cour de justice de l’UE vient de se prononcer sur la question préjudicielle du Conseil (belge) du contentieux des étrangers sur l’octroi de visas humanitaires à une famille syrienne.
«Les États membres doivent délivrer un visa humanitaire lorsqu’il existe des motifs sérieux et avérés de croire qu’un refus exposera des personnes en quête de protection internationale à la torture ou à des traitements inhumains ou dégradants.»
L’arrêt de la Cour ne sera pas prononcé avant mars 2017, mais on rappellera que l’avis de l’avocat général est le plus souvent suivi par la Cour.