CETA: quand des politiciens prennent les citoyens pour des cons

TTIP pas bien, CETA très bien. Depuis quelques mois, c’est le discours manichéen que tentent de faire passer certains responsables politiques auprès du public, en France essentiellement mais ailleurs aussi. Bien relayés par les médias classiques et peu interrogés sur leurs assertions, ils ne cessent de répéter que les deux traités ne peuvent se comparer. Les arguments qui iraient en ce sens sont très rarement évoqués et quand ils le sont, ils ne résistent pas à une analyse à peine poussée.

Ainsi assène-t-on par exemple que le CETA reconnaît les appellations d’origine, regroupés dans l’UE sous le sigle IGP, alors que les Etats-Unis refusent de les intégrer au TTIP. Formellement, c’est vrai, on omet simplement de préciser deux chiffres. Le texte accepté par les Canadiens valide 173 appellations alors qu’il en existe plus de 1.500 dûment reconnues.

De qui se moque-t-on? Du citoyen allègrement. Faisant part à un député de son hostilité vis-à-vis du CETA et du TTIP, une citoyenne a reçu en réponse une lettre rassurante à tous égards et affirmant que ces deux traités n’ont rien en commun. Pas convaincue, elle a pris contact avec Raoul Marc Jennar et celui-ci lui a proposé un modèle de lettre. Nous la reproduisons ci-dessous. Bonne lecture et bonne écriture à qui voudrait s’en inspirer!



Monsieur le Député,

Je vous remercie d’avoir pris la peine de me répondre, même si votre réponse ne peut me satisfaire, car elle constitue une véritable insulte à l’intelligence commune. Pour le dire très poliment, Monsieur le Député, vous fondant sur l’ignorance supposée des citoyens, vous dites la chose qui n’est pas. Enfin, je présume que vous utilisez les éléments de réponse qu’on vous a préparés, car aucun esprit indépendant ne pourrait assumer une telle intoxication.

Malgré tous les efforts de la Commission européenne et, pour ce qui nous concerne, des gouvernements français successifs, nous disposons du texte complet du CETA, du texte du mandat européen de négociation du TAFTA et des éléments de la négociation en cours grâce aux fuites organisées par des fonctionnaires qui ont un sens plus élevé de la démocratie que les politiques.

Sur base d’un examen comparatif des deux textes, et sauf à nous prendre pour des imbéciles, il est impossible d’affirmer comme vous le faites que ces deux accords n’ont rien à voir l’un avec l’autre.”

Ils traitent des mêmes sujets, ils proposent les mêmes objectifs et ils mettent en oeuvre les mêmes moyens. Le CETA n’est pas un TAFTA déguisé, ce sont des traités jumeaux.

Dans le CETA comme dans le TAFTA, on traite de l’accès aux marchés et des droits de douane, du commerce des services, des investissements, des marchés publics, de la compatibilité réglementaire et de la coopération réglementaire, de l’énergie, de l’arbitrage des conflits entre firmes privées et pouvoirs publics…

Dans le CETA comme dans le TAFTA, on trouve, pour chacun de ces domaines, les propositions formulées par les grandes firmes transnationales et avancées dans le cadre de la négociation du cycle de Doha de l’OMC par l’intermédiaire des euro-américains. Le CETA comme le TAFTA sont des initiatives destinées à contourner l’échec du cycle de Doha.

Dans le CETA comme dans le TAFTA, toutes les propositions poursuivent les mêmes objectifs: affaiblir la puissance publique au profit du secteur privé, affaiblir l’Etat et les collectivités territoriales face aux firmes privées, affaiblir la défense de l’intérêt général — santé, éducation, environnement — au profit d’intérêts particuliers.

Dans le CETA comme dans le TAFTA, ce sont les principes fondamentaux de la démocratie qui sont remis en question.

A moins de manquer totalement de cohérence, les reproches adressés au TAFTA doivent l’être, avec la même force, à l’égard du CETA.

Nous savons très bien pourquoi le gouvernement français tout en donnant l’impression de rejeter le TAFTA, devenu trop impopulaire, soutient avec force le CETA, pas encore assez connu. C’est précisément parce que grâce au CETA, couplé à l’ALENA, on obtient les mêmes résultats que ceux recherchés par le TAFTA avec, comme premiers bénéficiaires, les 40.000 firmes américaines qui ont un siège au Canada.

Monsieur le Député, on peut tromper les gens un temps, on ne peut pas les tromper tout le temps. La classe politique, dans son écrasante majorité, a fait du mensonge une méthode de gouvernement. C’est ce qui explique le rejet massif dont elle est aujourd’hui l’objet.

Veuillez agréer, …